Le
genre Cyprichromis
"Les fées du lac Tanganyika"
Par Eric Genevelle

Cyprichromis
sp leptosoma Jumbo "Speckleback"
Le genre Cyprichromis
est un genre endémique du lac Tanganyika. Cette vaste mer intérieure située
au cur du rift africain abrite ainsi une des familles de cichlidés
les plus féeriques que l'aquariophile ou le naturaliste ait pu observer.
A quelques mètres des parois rocheuses, au sein de la colonne d'eau libre,
ils vivent par centaines, à quelques centimètres les uns des autres tout
en veillant à faire respecter un territoire en trois dimensions. Chaque
côte du lac abrite ainsi au moins une espèce de ce genre qui chacune,
se décline en une myriade de races chromatiques. Abriter ces cichlidés
au sein d'un aquarium est à la portée de tout aquariophile à la condition
de respecter quelques règles élémentaires propres aux cichlidés du lac
Tanganyika et d'agir avec douceur.
Description et présentation des espèces
Le genre Cyprichromis
fait partie de la tribu des Cyprichromini (Poll, 1986) elle-même appartenant
à la famille des cichlidés. Après avoir été préalablement décrit sous
le genre Paratilapia (Boulenger, 1898), puis Limnochromis (qui incluait
alors les actuels Paracyprichromis dont l'anatomie diffère par un nombre
inférieur de vertèbres abdominales et une vessie natatoire plus courte)
en 1920 par Regan, il fut officiellement placé sous son genre actuel par
Scheuermann en 1977. D'un point de vue étymologique, Cypri fait référence
aux Cyprinidés en raison de la forme de son corps et Chromis en référence
à la couleur (accessoirement ancien nom de la famille). Une dénomination
qui est loin d'être usurpée.
Le genre Cyprichromis
présente à ce jour 3 espèces décrites et quelques unes non décrites scientifiquement
qui, espérons le, sont en voie de le devenir.
La première d'entre
elles est le Cyprichromis leptosoma, décrite en 1898
par Boulenger comme espèce type du genre Paratilapia à partir de spécimens
capturés dans les environs de Kinyamkolo et de Mbity à l'est des côtes
Zambiennes. Cette espèce est présente dans toutes les eaux du lac à l'exception
du Burundi et du nord du Congo et se rencontre à une profondeur située
entre 3 et 40 mètres de profondeur. Le mâle atteint une longueur totale
de 10 cm (soit environ 4,5 fois sa hauteur), la femelle restant légèrement
plus petite. Cette espèce, présente sous différentes formes chromatiques
en fonction de sa zone de collecte n'est pas la plus colorée du genre.
Le corps des mâles est gris argenté avec des nuances bleutées et marron-beige.
Le dessus de la tête est généralement bleuté, principalement pour les
races situées au sud de la Tanzanie et à l'est de la Zambie (races "blue
flash" ou "blue néon"). La nageoire dorsale est bleue ainsi
que les pelviennes qui se terminent par une petite palette jaune vif,
bien utile lors de la reproduction. La nageoire caudale varie suivant
les races et parfois au sein des individus présents dans une même zone
géographique. Elle est soit jaune, soit bleue, mais ne présente jamais
les deux couleurs sur une même nageoire. Les plus belles races de cette
espèce ont été découvertes en Tanzanie dans les environs de Mpimbwe (site
célèbre pour ses cichlidés atypiques), ces dernières présentant un corps
entièrement bleu fluorescent. Cette espèce est la plus couramment trouvée
sur le marché aquariophile.
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Cyprichromis
leptosoma
Mpimbwe |
Cyprichromis
leptosoma
Utinta |
Cyprichromis
leptosoma
Mpulungu (Blue flash) |
Cyprichromis
leptosoma
Kigoma
Photo H.J. Herrmann |
La
deuxième espèce décrite est Cyprichromis microlepidotus,
nom donné en raison des fines écailles qui couvrent le corps de ce poisson
(le nombre d'écailles sur la ligne latérale est d'environ 50 alors qu'il
n'est que de 30 chez l'espèce leptosoma). Les premiers exemplaires
étudiés furent collectés par Max Poll en 1956 dans la péninsule d'Ubwari,
à l'extrême nord du Congo. Elle n'est présente qu'au Burundi et dans la
partie Nord du Congo. De rares spécimens ont cependant été observés sur
la côte de Tanzanie (aux îles Karilani) à proximité de Cyprichromis
leptosoma. La taille du mâle n'excède pas 12 cm et la femelle 11.
Le corps du mâle est généralement sombre (beige-noir), plus clair et virant
vers le jaune dans la partie ventrale et plus pigmenté dans la partie
dorsale. Les nageoires sont marron avec des reflets bleutés en phase d'excitation.
Notez cependant deux races géographiques particulièrement remarquables.
La première venant de Kiriza (Nord Congo) qui est entièrement noire avec
une nageoire caudale soit jaune, soit noire. La deuxième est la race dite
de "Kasaï" (Centre Congo) qui présente un corps jaune fortement
irisé de bleu et une nageoire caudale jaune avec des tâches noires. Les
femelles sont ternes, à l'image des autres espèces et présentent un corps
beige. Cette espèce est rarement exportée, car elle n'est pas présente
dans les zones fréquentées par les exportateurs locaux et en raison de
sa coloration relativement terne.
La dernière espèce décrite
est Cyprichromis pavo (Heinz Büescher,
1984) à partir d'exemplaires collectés près de Tembwe (Sud Congo). Cette
espèce n'a pas une grande répartition géographique étant limitée au sud
du lac (entre Zongwe au Congo et Msalaba en Tanzanie) à une profondeur
de 20 à 50 mètres. La taille est identique à Cyprichromis microlepidotus.
Elle est assez haute de corps. Elle présente une bouche terminale plus
élevée que chez Cyprichromis leptosoma et ses nageoires sont plus effilées.
Les mâles sont marron-beige ainsi que les femelles avec le ventre plus
clair que la partie supérieure du corps. La nageoire dorsale des mâles
est bleutée et l'anale, large et arrondie, est jaune irisée de bleu en
phase d'excitation. La caudale est légèrement en forme de lyre. Ce poisson,
relativement récent chez les cichlidophiles a connu une grande popularité
(la rareté entraînant souvent dans ce domaine la convoitise).
Viennent ensuite les espèces non décrites scientifiquement,
mais certainement les plus belles à mes yeux.
Je commencerais par le Cyprichromis
sp. Leptosoma Jumbo, nommé ainsi en raison
de la hauteur de son corps et de sa taille plus imposante (12 cm pour
le mâle et plus). Ce species est présent dans tout le sud du lac (à l'exception
de la Baie de Chituta en Zambie) sous plus d'une dizaine de races chromatiques
clairement distinctes, toutes plus belles les unes que les autres. Sa
zone de prédilection varie entre 5 et 40 mètres de profondeur. Cette espèce
présente des polychromatismes poussés au sein d'une même race géographique,
c'est-à-dire que les mâles d'un même banc peuvent présenter des patrons
de coloration différents, non seulement sur les nageoires (comme c'était
aussi le cas chez certaines races de Cyprichromis leptosoma
et microlepidotus), mais aussi sur le corps et la tête. Ce cas
est particulièrement remarquable chez les individus collectés à Kitumba
(Centre-sud Congo) où les mâles sont soit jaunes, soit bleus, en passant
par tous les intermédiaires possibles. A noter aussi que ces tâches de
couleur évoluent en fonction de l'âge du poisson. Un juvénile bleu présentant
uniquement une petite tâche jaune sur la queue peux devenir entièrement
jaune avec une marque bleu sur la tête. En phase d'excitation intense,
le bleu du poisson vire au blanc fluo et des barres apparaissent sur ses
flancs. Les femelles sont ternes. D'autres races de ce species sont vénérés
par les cichlidophiles tel le Cyprichromis sp. Leptosoma
Jumbo "Tricolor" qui est issu de Kasanga (sud Tanzanie).
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Cyprichromis
sp leptosoma Jumbo Cameron Bay
Photo Ad. Konings |
Cyprichromis
sp leptosoma Jumbo Mpimbwe |
Cyprichromis
sp leptosoma Jumbo Kitumba |
Cyprichromis
sp leptosoma Jumbo Tricolor |
Ensuite vient le très localisé
Cyprichromis sp. Zebra de Zambie présent uniquement dans
la baie de Chituta (est Zambie) entre 20 et 40 mètres, là où justement
le Cyprichromis sp. Leptosoma Jumbo est absent. La taille du mâle adulte
est de 12cm, la femelle de 10cm. Ce species est intéressant morphologiquement
en raison du positionnement de sa bouche. Celle-ci est dirigée beaucoup
plus vers le haut. De plus, sa nageoire caudale est en forme de lyre.
Le corps est marron-beige et les nageoires virent au mauve avec des reflets
jaunes. En phase d'excitation, cinq barres apparaissent nettement sur
le corps. Les femelles sont ternes et présentent une pigmentation brillante
sur les flancs.
Cyprichromis sp.
Kibishi ou Kibige ou encore Wimpel est assez proche du Cyprichromis
sp. Zebra de Zambie, exception faite qu'il ne possède pas cette caudale
en forme de lyre. Il présente du bleu sur le dessus de la tête et sa taille
est légèrement inférieure. Ce species semble de plus montrer un polychromatisme
en fonction des races géographiques, certaines ayant l'anale et la dorsale
jaune, d'autres, bleues. Ce poisson est présent de Tembwe II / Kapampa
à l'extrémité sud du Congo et hypothétiquement aux Iles Kavalla (Nord
Congo). Les individus commercialisés sous le nom de Cyprichromis sp. Kibu
Yellow feraient aussi partie de ce species.
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Cyprichromis sp Kibishi |
Cyprichromis
sp Kibishi
Photo Chad Christenssen |
Cyprichromis
sp Kibishi
Photo Chad Christenssen |
D'autres species ont été
découverts ces dernières années comme le splendide Cyprichromis
sp. leptosoma "Jumbo Speckleback Rainbow" situé au
centre des côtes du Congo. Cette race présente un polychromatisme jaune
ou bleu sur les nageoires. Le ventre est bleu ou jaune, le dos affiche
des barres. Il pourrait être un hybride naturel entre le Cyprichromis
sp. Leptosoma Jumbo "Kitumba" et le Cyprichromis sp. Kibishi.
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Cyprichromis
sp. leptosoma "Jumbo Speckleback Rainbow"
Photos African Diving |
Dans le lac, ces espèces
se côtoient sans problème. Ainsi, à Chaitika (sud Zambie), on a pu observer
dans une même zone des Cyprichromis leptosoma, des Cyprichromis sp. leptosoma
Jumbo et des Cyprichromis pavo. A Chituta (est Zambie), on trouve dans
cette baie, des Cyprichromis leptosoma "Blue Flash", Cyprichromis
sp. Zebra de Zambie et Paracyprichromis nigripinnis "blue Neon".
Comportement naturel dans le lac
Les espèces du genre Cyprichromis
vivent au sein de la colonne d'eau libre. Cette zone se matérialise par
un volume d'eau important situé au moins 3 mètres au-dessus du substrat
à proximité de roches verticales. Ces cichlidés ne vivent pas au contact
même de ces parois, mais s'en ecartent de quelques mètres afin de s'éloigner
des prédateurs éventuels qui pourraient en surgir. Les Cyprichromis
vivent en bancs compacts de plusieurs centaines d'individus relativement
immobiles sans pour autant qu'une véritable hiérarchie n'existe dans le
groupe. Les femelles vivent au centre du banc et sont entourées par une
horde de mâles qui défendent chacun un territoire tri dimensionnel d'environ
60 cm de rayon. On a parfois observé que chez les races présentant un
polychromatisme, les mâles étaient positionnés en alternance (un jaune,
un bleu, etc.) d'où, d'après certaines observations sous-lacustre, une
réduction de l'agressivité entre les individus. Un spectacle splendide.
Chaque mâle observant ses distances, les conflits sont assez rares, les
intimidations suffisant pour faire respecter son espace vital.
La zone de prédilection
de ces espèces varie entre 3 et 50 mètres de profondeur, celle-ci variant
en fonction des heures de la journée en raison de la nourriture disponible.
En effet, les Cyprichromis se nourrissent presque exclusivement
de plancton animal (confirmé par une mâchoire dotée de 3 rangées de dents
coniques). Ce plancton se nourrit de plancton végétal se rapprochant de
la surface durant les heures ensoleillées de la journée. Le Cyprichromis
suit ainsi verticalement sa nourriture pour se positionner à même le substrat
au couché du soleil. Il devient alors la proie favorite du Cyphotilapia
frontosa qui profite de leur état léthargique pour en gober quelques
spécimens.

Photo
Ad. Konings
La reproduction des Cyprichromis est fascinante
à observer (que ce soit dans le lac ou en aquarium). Ne pouvant compter
sur la présence du substrat pour cacher ses ufs ou encore moins
pour que s'opère la fécondation, celle-ci s'effectue en pleine eau. Le
mâle, par ses démonstrations attire la femelle pour se reproduire. La
pariade diffère quelque peu suivant l'espèce concernée. Alors que le Cyprichromis
leptosoma et le Cyprichromis sp. leptosoma Jumbo
attire la femelle en tournant autour et en étirant ses nageoires, le Cyprichromis
sp. Zebra de Zambie se met à trembler la tête en bas en
se collant le long d'une paroi verticale. Le Pavo, quant à lui,
n'hésite pas à se plaquer sur le sol en creusant une légère cuvette. Toutes
ces espèces vibrent ou ondoient leur corps pour se faire remarquer de
la promise. Tous les mâles de ces espèces orientent et font vibrer leurs
nageoires ventrales vers la femelle qui semble de plus en plus intéressée.
Les tâches jaunes présentes sur le bout de ces nageoires ventrales provoquent
l'excitation de la femelle et son attirance vers les orifices génitaux
du mâle (on ne sait pas exactement quel attirance provoque ces palettes.
Est-ce la ressemblance avec les ufs ou une nourriture attractive
? Reste que les autres mâles semblent aussi attirés par ces leurres).
Juste avant l'acte même de reproduction, les deux protagonistes ouvrent
et ferment rapidement leur bouche comme s'ils manquaient d'air. Enfin,
la femelle se positionne la tête en bas et laisse échapper un ou plusieurs
ufs. Puis, elle fait marche arrière rapidement pour les prendre
en bouche avant qu'ils ne coulent. Elle se dirige ensuite vers le mâle
pour picorer sa nageoire ventrale présentée qui cesse alors de vibrer
et absorbe ainsi la semence du mâle. Ce cycle s'effectue jusqu'à ce que
la totalité des ufs aient été pondus puis fécondés. Le nombre de
ceux-ci varie entre 4 et une douzaine. Leur diamètre est d'environ 4 mm
(ce qui est considérable pour un poisson de cette taille), d'une forme
ovoide et d'une couleur jaunâtre clairement visible à travers la fine
peau de la gorge distendue de la femelle.

Photo
DETLEFJÄGER
La reproduction des Cyprichromis
s'opère en groupe à n'importe quel moment de l'année. Il arrive qu'une
femelle se reproduise avec plusieurs mâles, celle-ci changeant de territoire
après avoir pondu une partie de ses ufs. Des bancs entiers de femelle
en incubation sont ainsi observés. Au bout d'une vingtaine de jours, elles
relâchent simultanément leur frai qui se regroupe en surface dans les
eaux superficielles pour affronter en groupe les dangers qui ne tarderont
pas à se présenter. Ces jeunes alevins rejoindront alors d'autres frais
de Cyprichromis ou d'autres espèces comme Cyathopharynx
ou encore Ophthalmotilapia afin de grossir les rangs.
Du lac à nos aquariums
Maintenir des Cyprichromis
dans un aquarium est à la portée de tout aquariophile décidé à ne pas
brusquer les choses et à prendre des précautions d'usage. En effet, ces
espèces nécessitent des soins particuliers qui heureusement, ne sont pas
incompatibles avec d'autres espèces. Le premier critère à prendre en considération
est la taille de l'aquarium. En effet, la maintenance et la survie (mais
là ne doit pas s'arrêter notre objectif) de ces espèces n'est possible
qu'à la condition de le maintenir en groupe d'au moins 6 à 8 individus.
Si tel n'était pas le cas, le stress occasionné engendrerait une mort
rapide et souvent l'absence de reproduction. Chez Cyprichromis
sp. leptosoma Jumbo, un minimum de 3 mâles semble
obligatoire pour répartir l'agressivité du dominant entre les protagonistes.
Sachant que le territoire d'un mâle est d'environ 50 cm pour un Jumbo
en aquarium et 30 cm pour un leptosoma dominant, un aquarium d'une
longueur frontale de 150 est conseillé (120 cm peut convenir pour l'espèce
leptosoma). La hauteur du bac a aussi son importance puisque ce
poisson vit habituellement dans la colonne d'eau libre. Un vaste espace
de nage doit donc lui être offert avec des parois rocheuses verticales
(type ardoise) pour délimiter les territoires. Les plantes sont les bienvenues
et du plus bel effet, car ils n'y touchent pas. L'idéal est un aquarium
de plus de 2 m de long pour 70 cm de large et autant de profondeur. Autant
dire que petit poisson de 10 cm a besoin d'espace. Mais quel spectacle
!
L'eau doit être celle qui
convient à tout cichlidé du lac Tanganyika avec comme souci principal
le pH qui doit être supérieur à 7.8 et une dureté assez importante. Le
brassage doit être efficace sans pour autant que cela ne plaque vos poissons
à une extrémité du bac. La filtration est supérieure à 2 fois le volume
du bac par heure et l'entretien général effectué très régulièrement. Les
changements d'eau seront d'environ 1/3 tous les 15 jours en n'oubliant
pas de la laisser reposer pour éviter toutes traces de chlore (ces poissons
y sont extrêmement sensibles. Ils se mettent à trembler et leurs branchies
brûlent en quelques minutes. Dans le cas contraire, ajoutez un produit
approprié que vous trouverez chez votre détaillant local.
L'acclimatation de ces poissons
pose souvent un problème en raison de leur sensibilité au stress et au
changement de composition de l'eau. Le goutte à goutte est obligatoire
de manière pour éviter un choc osmotique tout en veillant à ce que l'eau
ne refroidisse pas lors du passage dans le tuyau (plus le tuyau est long,
plus l'eau risque de refroidir à l'intérieur). Une fois l'équilibre atteint,
éteignez l'aquarium et prenez délicatement le poisson dans la main (préalablement
mouillée) puis placez là dans un coin de l'aquarium. Au bout de quelques
instants, le poisson va s'en aller de lui-même et couler au fond de l'aquarium.
C'est à ce moment que l'instant est critique. Soit, il se déplace doucement
puis remonte après quelques minutes en pleine eau et c'est bon signe,
soit sont corps se strie de barres sombres et pique la tête dans le sable
et c'est le signe d'une crise cardiaque annoncée. Conclusion, prenez votre
temps. Une fois le poisson acclimaté, il est très robuste à condition
d'être bien nourris.
La nourriture est en effet
un critère déterminant pour sa maintenance. Même s'il se nourrit bien
volontiers de paillettes de bonne qualité, un apport régulier de nourriture
vivante ou congelée (par défaut) est nécessaire. Nauplies et artémias
adultes, cyclops et daphnies présentent l'idéal de son menu, les nourritures
du type vers de vase et larves de moustique étant trop riches en protéines
animales. Deux rations quotidiennes sont préférables, le poisson étant
plus habitué à consommer de petites quantités toute la journée quand il
vit dans son milieu naturel. Ce n'est pas un poisson qui risque l'embonpoint,
ce dernier sachant réguler son alimentation en fonction de ses dépenses
énergétiques. La période de vacances ou de jeûn leur est souvent préjudiciable.
La mise en route d'un distributeur automatique reste indispensable durant
vos absences prolongées, contrairement aux cichlidés du type Tropheus
ou autres Lamprologues qui n'en subiront pas de conséquences négatives
(sauf absence de six mois !!!).
La reproduction en aquarium
de ces espèces est relativement aisée dans un bac communautaire dès lors
que le groupe est important et que les toutes les conditions sont réunies.
Elle a souvent lieu le matin ou le soir et l'aquariophile ne semble pas
déranger les ébats. Alors profitez-en ! Si tel n'était pas le cas, le
signe évident d'une reproduction réussie est la gorge gonflée d'une femelle.
Les ufs sont visibles par transparence de la membrane et dès lors,
il ne s'agit plus que d'une question de patience. Plusieurs solutions
s'offrent à vous. Soit vous laissez la femelle dans le bac d'ensemble
jusqu'à expulsion maternelle des alevins et vous récupérez les survivants
réfugiés en surface à l'épuisette ou dans le filtre à décantation. Soit
vous décidez de transférer la femelle dans un autre bac prévu à cet effet.
Cette manipulation est délicate et doit s'opérer de préférence la nuit
durant son sommeil pour éviter que la femelle ne crache ses alevins encore
trop fragiles dans le fond de l'épuisette (ou pire, dans le bac). Il est
très risqué de vouloir lui faire cracher ses alevins, car vous avez de
fortes chances de lui déchirer la mâchoire qui est extrêmement fragile.
Dès le lâché du frai, l'essentiel est de nourrir abondamment les alevins
de nauplies d'artémia fraîchement éclos. Une nourriture inadaptée ou insuffisante
provoquera un retard de croissance définitif et des alevins chétifs et
condamnés. Il est intéressant de noter qu'il est possible de différencier
les espèces dès la naissance, les alevins portant déjà sur leur corps
certaines caractéristiques de leurs parents comme les barres verticales
pour le Cyprichromis sp. Zebra de Zambie. La croissance
est très lente et la différenciation des sexes n'est possible qu'à partir
d'une taille de 4 ou 5 cm (5 mois). La qualité de l'eau est primordiale
pour espérer une croissance normale, la présence de nitrates étant fortement
préjudiciable. La solution consiste à changer très régulièrement l'eau
du bac en s'assurant de l'absence de chlore. Dès lors qu'un mâle se déclare,
il est judicieux de le mettre dans un autre bac pour qu'il n'inhibe pas
ses frères.
Les risques d'hybridation
entre les races chromatiques d'une même espèce sont très importants étant
donné que dans le lac, les femelles ne semblent pas faire la distinction
entre les formes distinctes de mâles au sein d'une même population. Il
est donc primordial de veiller à l'origine des poissons que vous accueillez,
ce qui est d'autant plus difficile lorsque l'on est confronté aux appellations
commerciales des détaillants et exportateurs. Cela sous entend qu'il est
parfois préférable d'acquérir une large population dès le départ, le renouvellement
des souches ou l'obtention en général de nouveaux spécimens identiques
étant un véritable parcours du combattant. Il est cependant possible de
mélanger plusieurs espèces différentes du genre comme des Cyprichromis
sp. leptosoma Jumbo et des Cyprichromis sp.
Zebra de Zambie, celles-ci s'ignorant complètement en aquarium.
L'association Cyprichromis sp. leptosoma Jumbo
et Cyprichromis leptosoma n'est cependant pas conseillée,
les Jumbo par leur virulence risquant de trop stresser les fragiles leptosoma.
En dehors des problèmes liés
à la qualité de l'eau, ces espèces ne sont pas sensibles aux maladies
propres à certains cichlidés du lac. Un poisson qui ne pose donc pas trop
de problèmes au cichlidophile attentif. Lors de certaines manipulations
ou combats entre mâles, il arrive qu'un individu perde un il, ce
qui ne l'empêche cependant pas de vivre jusqu'à la fin de ces jours (comptez
une espérance de vie en aquarium de 3 à 4 ans). Certains indivus sont
parfois pris de crise de panique et traversent le bac complètement affolés.
Ces crises ne durent que quelques secondes et il est alors courant de
les retrouver morts sur la moquette. On doit ainsi veiller à bien couvrir
son bac pour éviter tout accident de ce genre. Enfin, du jour au lendemain,
certains individus perdent leur patron de coloration et deviennent entièrement
noir et se réfugient en haut de l'aquarium. C'est alors le signe d'une
mort éminente due généralement à un coup de stress. Il vaut mieux alors
condamner le spécimen, celui-ci étant irrécupérable sauf si on a la possibilité
de le mettre dans un autre aquarium pour espérer une évolution favorable.
En aquarium communautaire,
on peux lui adjoindre des compagnons relativement calmes (évitez les Tropheus)
comme des Lamprichthys Tanganicanus ou des Lamprologues
nidificateurs sur substrat caché comme des Altolamprologus, Neolamprologus
du complexe brichardi , cichlidés sabulicoles (Enantiopus,
Xenotiliapia et autres conchylicoles (Lamprologus multifasciatus
ou du complexe ocellatus). L'association de telles espèces est
particulièrement réussie, car l'ensemble des zones de l'aquarium sont
ainsi occupées sans pour autant que ces espèces n'entrent en compétition.
En conclusion et vous l'aurez
compris, les espèces du genre Cyprichromis ne laissent pas indifférent
l'aquariophile. Même si sa maintenance optimale nécessite de grandes précautions,
la satisfaction est souvent de mise, quand elle ne dépasse pas les espérances.
Reste à trouver ces poissons qui sont encore relativement rares dans le
commerce en raison de leur transport et de leur acclimatation délicate.
Mais je ne connais pas de recherches qui soient restées vaines et que
ne ferait-on pas pour admirer ce ballet féerique mis en scène par le Lac
Tanganyika.
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