Le genre Cyprichromis
"Les fées du lac Tanganyika"

 Par Eric Genevelle

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Cyprichromis sp leptosoma Jumbo "Speckleback"

Le genre Cyprichromis est un genre endémique du lac Tanganyika. Cette vaste mer intérieure située au cœur du rift africain abrite ainsi une des familles de cichlidés les plus féeriques que l'aquariophile ou le naturaliste ait pu observer. A quelques mètres des parois rocheuses, au sein de la colonne d'eau libre, ils vivent par centaines, à quelques centimètres les uns des autres tout en veillant à faire respecter un territoire en trois dimensions. Chaque côte du lac abrite ainsi au moins une espèce de ce genre qui chacune, se décline en une myriade de races chromatiques. Abriter ces cichlidés au sein d'un aquarium est à la portée de tout aquariophile à la condition de respecter quelques règles élémentaires propres aux cichlidés du lac Tanganyika et d'agir avec douceur.

Description et présentation des espèces

Le genre Cyprichromis fait partie de la tribu des Cyprichromini (Poll, 1986) elle-même appartenant à la famille des cichlidés. Après avoir été préalablement décrit sous le genre Paratilapia (Boulenger, 1898), puis Limnochromis (qui incluait alors les actuels Paracyprichromis dont l'anatomie diffère par un nombre inférieur de vertèbres abdominales et une vessie natatoire plus courte) en 1920 par Regan, il fut officiellement placé sous son genre actuel par Scheuermann en 1977. D'un point de vue étymologique, Cypri fait référence aux Cyprinidés en raison de la forme de son corps et Chromis en référence à la couleur (accessoirement ancien nom de la famille). Une dénomination qui est loin d'être usurpée.

Le genre Cyprichromis présente à ce jour 3 espèces décrites et quelques unes non décrites scientifiquement qui, espérons le, sont en voie de le devenir.

La première d'entre elles est le Cyprichromis leptosoma, décrite en 1898 par Boulenger comme espèce type du genre Paratilapia à partir de spécimens capturés dans les environs de Kinyamkolo et de Mbity à l'est des côtes Zambiennes. Cette espèce est présente dans toutes les eaux du lac à l'exception du Burundi et du nord du Congo et se rencontre à une profondeur située entre 3 et 40 mètres de profondeur. Le mâle atteint une longueur totale de 10 cm (soit environ 4,5 fois sa hauteur), la femelle restant légèrement plus petite. Cette espèce, présente sous différentes formes chromatiques en fonction de sa zone de collecte n'est pas la plus colorée du genre. Le corps des mâles est gris argenté avec des nuances bleutées et marron-beige. Le dessus de la tête est généralement bleuté, principalement pour les races situées au sud de la Tanzanie et à l'est de la Zambie (races "blue flash" ou "blue néon"). La nageoire dorsale est bleue ainsi que les pelviennes qui se terminent par une petite palette jaune vif, bien utile lors de la reproduction. La nageoire caudale varie suivant les races et parfois au sein des individus présents dans une même zone géographique. Elle est soit jaune, soit bleue, mais ne présente jamais les deux couleurs sur une même nageoire. Les plus belles races de cette espèce ont été découvertes en Tanzanie dans les environs de Mpimbwe (site célèbre pour ses cichlidés atypiques), ces dernières présentant un corps entièrement bleu fluorescent. Cette espèce est la plus couramment trouvée sur le marché aquariophile.

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Cyprichromis leptosoma
Mpimbwe
Cyprichromis leptosoma
Utinta
Cyprichromis leptosoma
Mpulungu (Blue flash)
Cyprichromis leptosoma
Kigoma

Photo H.J. Herrmann

La deuxième espèce décrite est Cyprichromis microlepidotus, nom donné en raison des fines écailles qui couvrent le corps de ce poisson (le nombre d'écailles sur la ligne latérale est d'environ 50 alors qu'il n'est que de 30 chez l'espèce leptosoma). Les premiers exemplaires étudiés furent collectés par Max Poll en 1956 dans la péninsule d'Ubwari, à l'extrême nord du Congo. Elle n'est présente qu'au Burundi et dans la partie Nord du Congo. De rares spécimens ont cependant été observés sur la côte de Tanzanie (aux îles Karilani) à proximité de Cyprichromis leptosoma. La taille du mâle n'excède pas 12 cm et la femelle 11. Le corps du mâle est généralement sombre (beige-noir), plus clair et virant vers le jaune dans la partie ventrale et plus pigmenté dans la partie dorsale. Les nageoires sont marron avec des reflets bleutés en phase d'excitation. Notez cependant deux races géographiques particulièrement remarquables. La première venant de Kiriza (Nord Congo) qui est entièrement noire avec une nageoire caudale soit jaune, soit noire. La deuxième est la race dite de "Kasaï" (Centre Congo) qui présente un corps jaune fortement irisé de bleu et une nageoire caudale jaune avec des tâches noires. Les femelles sont ternes, à l'image des autres espèces et présentent un corps beige. Cette espèce est rarement exportée, car elle n'est pas présente dans les zones fréquentées par les exportateurs locaux et en raison de sa coloration relativement terne.

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Cyprichromis microlepidotus
Bemba
Photo Ken Armke
Cyprichromis microlepidotus
Burundi
Photo Ad. Konings
Cyprichromis microlepidotus
Kasaï
Photo Ad. Konings

La dernière espèce décrite est Cyprichromis pavo (Heinz Büescher, 1984) à partir d'exemplaires collectés près de Tembwe (Sud Congo). Cette espèce n'a pas une grande répartition géographique étant limitée au sud du lac (entre Zongwe au Congo et Msalaba en Tanzanie) à une profondeur de 20 à 50 mètres. La taille est identique à Cyprichromis microlepidotus. Elle est assez haute de corps. Elle présente une bouche terminale plus élevée que chez Cyprichromis leptosoma et ses nageoires sont plus effilées. Les mâles sont marron-beige ainsi que les femelles avec le ventre plus clair que la partie supérieure du corps. La nageoire dorsale des mâles est bleutée et l'anale, large et arrondie, est jaune irisée de bleu en phase d'excitation. La caudale est légèrement en forme de lyre. Ce poisson, relativement récent chez les cichlidophiles a connu une grande popularité (la rareté entraînant souvent dans ce domaine la convoitise).

Viennent ensuite les espèces non décrites scientifiquement, mais certainement les plus belles à mes yeux.

Je commencerais par le Cyprichromis sp. Leptosoma Jumbo, nommé ainsi en raison de la hauteur de son corps et de sa taille plus imposante (12 cm pour le mâle et plus). Ce species est présent dans tout le sud du lac (à l'exception de la Baie de Chituta en Zambie) sous plus d'une dizaine de races chromatiques clairement distinctes, toutes plus belles les unes que les autres. Sa zone de prédilection varie entre 5 et 40 mètres de profondeur. Cette espèce présente des polychromatismes poussés au sein d'une même race géographique, c'est-à-dire que les mâles d'un même banc peuvent présenter des patrons de coloration différents, non seulement sur les nageoires (comme c'était aussi le cas chez certaines races de Cyprichromis leptosoma et microlepidotus), mais aussi sur le corps et la tête. Ce cas est particulièrement remarquable chez les individus collectés à Kitumba (Centre-sud Congo) où les mâles sont soit jaunes, soit bleus, en passant par tous les intermédiaires possibles. A noter aussi que ces tâches de couleur évoluent en fonction de l'âge du poisson. Un juvénile bleu présentant uniquement une petite tâche jaune sur la queue peux devenir entièrement jaune avec une marque bleu sur la tête. En phase d'excitation intense, le bleu du poisson vire au blanc fluo et des barres apparaissent sur ses flancs. Les femelles sont ternes. D'autres races de ce species sont vénérés par les cichlidophiles tel le Cyprichromis sp. Leptosoma Jumbo "Tricolor" qui est issu de Kasanga (sud Tanzanie).

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Cyprichromis sp leptosoma Jumbo  Cameron Bay
Photo Ad. Konings
Cyprichromis sp leptosoma Jumbo  Mpimbwe Cyprichromis sp leptosoma Jumbo  Kitumba Cyprichromis sp leptosoma Jumbo  Tricolor

Ensuite vient le très localisé Cyprichromis sp. Zebra de Zambie présent uniquement dans la baie de Chituta (est Zambie) entre 20 et 40 mètres, là où justement le Cyprichromis sp. Leptosoma Jumbo est absent. La taille du mâle adulte est de 12cm, la femelle de 10cm. Ce species est intéressant morphologiquement en raison du positionnement de sa bouche. Celle-ci est dirigée beaucoup plus vers le haut. De plus, sa nageoire caudale est en forme de lyre. Le corps est marron-beige et les nageoires virent au mauve avec des reflets jaunes. En phase d'excitation, cinq barres apparaissent nettement sur le corps. Les femelles sont ternes et présentent une pigmentation brillante sur les flancs.

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Cyprichromis sp Zebra de Zambie
Photo Stephen Boulet

Cyprichromis sp. Kibishi ou Kibige ou encore Wimpel est assez proche du Cyprichromis sp. Zebra de Zambie, exception faite qu'il ne possède pas cette caudale en forme de lyre. Il présente du bleu sur le dessus de la tête et sa taille est légèrement inférieure. Ce species semble de plus montrer un polychromatisme en fonction des races géographiques, certaines ayant l'anale et la dorsale jaune, d'autres, bleues. Ce poisson est présent de Tembwe II / Kapampa à l'extrémité sud du Congo et hypothétiquement aux Iles Kavalla (Nord Congo). Les individus commercialisés sous le nom de Cyprichromis sp. Kibu Yellow feraient aussi partie de ce species.

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Cyprichromis sp Kibishi Cyprichromis sp Kibishi
Photo Chad Christenssen
Cyprichromis sp Kibishi
Photo Chad Christenssen

D'autres species ont été découverts ces dernières années comme le splendide Cyprichromis sp. leptosoma "Jumbo Speckleback Rainbow" situé au centre des côtes du Congo. Cette race présente un polychromatisme jaune ou bleu sur les nageoires. Le ventre est bleu ou jaune, le dos affiche des barres. Il pourrait être un hybride naturel entre le Cyprichromis sp. Leptosoma Jumbo "Kitumba" et le Cyprichromis sp. Kibishi.

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Cyprichromis sp. leptosoma "Jumbo Speckleback Rainbow"
Photos African Diving

Dans le lac, ces espèces se côtoient sans problème. Ainsi, à Chaitika (sud Zambie), on a pu observer dans une même zone des Cyprichromis leptosoma, des Cyprichromis sp. leptosoma Jumbo et des Cyprichromis pavo. A Chituta (est Zambie), on trouve dans cette baie, des Cyprichromis leptosoma "Blue Flash", Cyprichromis sp. Zebra de Zambie et Paracyprichromis nigripinnis "blue Neon".

Comportement naturel dans le lac

Les espèces du genre Cyprichromis vivent au sein de la colonne d'eau libre. Cette zone se matérialise par un volume d'eau important situé au moins 3 mètres au-dessus du substrat à proximité de roches verticales. Ces cichlidés ne vivent pas au contact même de ces parois, mais s'en ecartent de quelques mètres afin de s'éloigner des prédateurs éventuels qui pourraient en surgir. Les Cyprichromis vivent en bancs compacts de plusieurs centaines d'individus relativement immobiles sans pour autant qu'une véritable hiérarchie n'existe dans le groupe. Les femelles vivent au centre du banc et sont entourées par une horde de mâles qui défendent chacun un territoire tri dimensionnel d'environ 60 cm de rayon. On a parfois observé que chez les races présentant un polychromatisme, les mâles étaient positionnés en alternance (un jaune, un bleu, etc.) d'où, d'après certaines observations sous-lacustre, une réduction de l'agressivité entre les individus. Un spectacle splendide. Chaque mâle observant ses distances, les conflits sont assez rares, les intimidations suffisant pour faire respecter son espace vital.

La zone de prédilection de ces espèces varie entre 3 et 50 mètres de profondeur, celle-ci variant en fonction des heures de la journée en raison de la nourriture disponible. En effet, les Cyprichromis se nourrissent presque exclusivement de plancton animal (confirmé par une mâchoire dotée de 3 rangées de dents coniques). Ce plancton se nourrit de plancton végétal se rapprochant de la surface durant les heures ensoleillées de la journée. Le Cyprichromis suit ainsi verticalement sa nourriture pour se positionner à même le substrat au couché du soleil. Il devient alors la proie favorite du Cyphotilapia frontosa qui profite de leur état léthargique pour en gober quelques spécimens.

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Photo Ad. Konings

La reproduction des Cyprichromis est fascinante à observer (que ce soit dans le lac ou en aquarium). Ne pouvant compter sur la présence du substrat pour cacher ses œufs ou encore moins pour que s'opère la fécondation, celle-ci s'effectue en pleine eau. Le mâle, par ses démonstrations attire la femelle pour se reproduire. La pariade diffère quelque peu suivant l'espèce concernée. Alors que le Cyprichromis leptosoma et le Cyprichromis sp. leptosoma Jumbo attire la femelle en tournant autour et en étirant ses nageoires, le Cyprichromis sp. Zebra de Zambie se met à trembler la tête en bas en se collant le long d'une paroi verticale. Le Pavo, quant à lui, n'hésite pas à se plaquer sur le sol en creusant une légère cuvette. Toutes ces espèces vibrent ou ondoient leur corps pour se faire remarquer de la promise. Tous les mâles de ces espèces orientent et font vibrer leurs nageoires ventrales vers la femelle qui semble de plus en plus intéressée. Les tâches jaunes présentes sur le bout de ces nageoires ventrales provoquent l'excitation de la femelle et son attirance vers les orifices génitaux du mâle (on ne sait pas exactement quel attirance provoque ces palettes. Est-ce la ressemblance avec les œufs ou une nourriture attractive ? Reste que les autres mâles semblent aussi attirés par ces leurres). Juste avant l'acte même de reproduction, les deux protagonistes ouvrent et ferment rapidement leur bouche comme s'ils manquaient d'air. Enfin, la femelle se positionne la tête en bas et laisse échapper un ou plusieurs œufs. Puis, elle fait marche arrière rapidement pour les prendre en bouche avant qu'ils ne coulent. Elle se dirige ensuite vers le mâle pour picorer sa nageoire ventrale présentée qui cesse alors de vibrer et absorbe ainsi la semence du mâle. Ce cycle s'effectue jusqu'à ce que la totalité des œufs aient été pondus puis fécondés. Le nombre de ceux-ci varie entre 4 et une douzaine. Leur diamètre est d'environ 4 mm (ce qui est considérable pour un poisson de cette taille), d'une forme ovoide et d'une couleur jaunâtre clairement visible à travers la fine peau de la gorge distendue de la femelle.

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Photo DETLEFJÄGER

La reproduction des Cyprichromis s'opère en groupe à n'importe quel moment de l'année. Il arrive qu'une femelle se reproduise avec plusieurs mâles, celle-ci changeant de territoire après avoir pondu une partie de ses œufs. Des bancs entiers de femelle en incubation sont ainsi observés. Au bout d'une vingtaine de jours, elles relâchent simultanément leur frai qui se regroupe en surface dans les eaux superficielles pour affronter en groupe les dangers qui ne tarderont pas à se présenter. Ces jeunes alevins rejoindront alors d'autres frais de Cyprichromis ou d'autres espèces comme Cyathopharynx ou encore Ophthalmotilapia afin de grossir les rangs.

 

Du lac à nos aquariums

Maintenir des Cyprichromis dans un aquarium est à la portée de tout aquariophile décidé à ne pas brusquer les choses et à prendre des précautions d'usage. En effet, ces espèces nécessitent des soins particuliers qui heureusement, ne sont pas incompatibles avec d'autres espèces. Le premier critère à prendre en considération est la taille de l'aquarium. En effet, la maintenance et la survie (mais là ne doit pas s'arrêter notre objectif) de ces espèces n'est possible qu'à la condition de le maintenir en groupe d'au moins 6 à 8 individus. Si tel n'était pas le cas, le stress occasionné engendrerait une mort rapide et souvent l'absence de reproduction. Chez Cyprichromis sp. leptosoma Jumbo, un minimum de 3 mâles semble obligatoire pour répartir l'agressivité du dominant entre les protagonistes. Sachant que le territoire d'un mâle est d'environ 50 cm pour un Jumbo en aquarium et 30 cm pour un leptosoma dominant, un aquarium d'une longueur frontale de 150 est conseillé (120 cm peut convenir pour l'espèce leptosoma). La hauteur du bac a aussi son importance puisque ce poisson vit habituellement dans la colonne d'eau libre. Un vaste espace de nage doit donc lui être offert avec des parois rocheuses verticales (type ardoise) pour délimiter les territoires. Les plantes sont les bienvenues et du plus bel effet, car ils n'y touchent pas. L'idéal est un aquarium de plus de 2 m de long pour 70 cm de large et autant de profondeur. Autant dire que petit poisson de 10 cm a besoin d'espace. Mais quel spectacle !

L'eau doit être celle qui convient à tout cichlidé du lac Tanganyika avec comme souci principal le pH qui doit être supérieur à 7.8 et une dureté assez importante. Le brassage doit être efficace sans pour autant que cela ne plaque vos poissons à une extrémité du bac. La filtration est supérieure à 2 fois le volume du bac par heure et l'entretien général effectué très régulièrement. Les changements d'eau seront d'environ 1/3 tous les 15 jours en n'oubliant pas de la laisser reposer pour éviter toutes traces de chlore (ces poissons y sont extrêmement sensibles. Ils se mettent à trembler et leurs branchies brûlent en quelques minutes. Dans le cas contraire, ajoutez un produit approprié que vous trouverez chez votre détaillant local.

L'acclimatation de ces poissons pose souvent un problème en raison de leur sensibilité au stress et au changement de composition de l'eau. Le goutte à goutte est obligatoire de manière pour éviter un choc osmotique tout en veillant à ce que l'eau ne refroidisse pas lors du passage dans le tuyau (plus le tuyau est long, plus l'eau risque de refroidir à l'intérieur). Une fois l'équilibre atteint, éteignez l'aquarium et prenez délicatement le poisson dans la main (préalablement mouillée) puis placez là dans un coin de l'aquarium. Au bout de quelques instants, le poisson va s'en aller de lui-même et couler au fond de l'aquarium. C'est à ce moment que l'instant est critique. Soit, il se déplace doucement puis remonte après quelques minutes en pleine eau et c'est bon signe, soit sont corps se strie de barres sombres et pique la tête dans le sable et c'est le signe d'une crise cardiaque annoncée. Conclusion, prenez votre temps. Une fois le poisson acclimaté, il est très robuste à condition d'être bien nourris.

La nourriture est en effet un critère déterminant pour sa maintenance. Même s'il se nourrit bien volontiers de paillettes de bonne qualité, un apport régulier de nourriture vivante ou congelée (par défaut) est nécessaire. Nauplies et artémias adultes, cyclops et daphnies présentent l'idéal de son menu, les nourritures du type vers de vase et larves de moustique étant trop riches en protéines animales. Deux rations quotidiennes sont préférables, le poisson étant plus habitué à consommer de petites quantités toute la journée quand il vit dans son milieu naturel. Ce n'est pas un poisson qui risque l'embonpoint, ce dernier sachant réguler son alimentation en fonction de ses dépenses énergétiques. La période de vacances ou de jeûn leur est souvent préjudiciable. La mise en route d'un distributeur automatique reste indispensable durant vos absences prolongées, contrairement aux cichlidés du type Tropheus ou autres Lamprologues qui n'en subiront pas de conséquences négatives (sauf absence de six mois !!!).

La reproduction en aquarium de ces espèces est relativement aisée dans un bac communautaire dès lors que le groupe est important et que les toutes les conditions sont réunies. Elle a souvent lieu le matin ou le soir et l'aquariophile ne semble pas déranger les ébats. Alors profitez-en ! Si tel n'était pas le cas, le signe évident d'une reproduction réussie est la gorge gonflée d'une femelle. Les œufs sont visibles par transparence de la membrane et dès lors, il ne s'agit plus que d'une question de patience. Plusieurs solutions s'offrent à vous. Soit vous laissez la femelle dans le bac d'ensemble jusqu'à expulsion maternelle des alevins et vous récupérez les survivants réfugiés en surface à l'épuisette ou dans le filtre à décantation. Soit vous décidez de transférer la femelle dans un autre bac prévu à cet effet. Cette manipulation est délicate et doit s'opérer de préférence la nuit durant son sommeil pour éviter que la femelle ne crache ses alevins encore trop fragiles dans le fond de l'épuisette (ou pire, dans le bac). Il est très risqué de vouloir lui faire cracher ses alevins, car vous avez de fortes chances de lui déchirer la mâchoire qui est extrêmement fragile. Dès le lâché du frai, l'essentiel est de nourrir abondamment les alevins de nauplies d'artémia fraîchement éclos. Une nourriture inadaptée ou insuffisante provoquera un retard de croissance définitif et des alevins chétifs et condamnés. Il est intéressant de noter qu'il est possible de différencier les espèces dès la naissance, les alevins portant déjà sur leur corps certaines caractéristiques de leurs parents comme les barres verticales pour le Cyprichromis sp. Zebra de Zambie. La croissance est très lente et la différenciation des sexes n'est possible qu'à partir d'une taille de 4 ou 5 cm (5 mois). La qualité de l'eau est primordiale pour espérer une croissance normale, la présence de nitrates étant fortement préjudiciable. La solution consiste à changer très régulièrement l'eau du bac en s'assurant de l'absence de chlore. Dès lors qu'un mâle se déclare, il est judicieux de le mettre dans un autre bac pour qu'il n'inhibe pas ses frères.

Les risques d'hybridation entre les races chromatiques d'une même espèce sont très importants étant donné que dans le lac, les femelles ne semblent pas faire la distinction entre les formes distinctes de mâles au sein d'une même population. Il est donc primordial de veiller à l'origine des poissons que vous accueillez, ce qui est d'autant plus difficile lorsque l'on est confronté aux appellations commerciales des détaillants et exportateurs. Cela sous entend qu'il est parfois préférable d'acquérir une large population dès le départ, le renouvellement des souches ou l'obtention en général de nouveaux spécimens identiques étant un véritable parcours du combattant. Il est cependant possible de mélanger plusieurs espèces différentes du genre comme des Cyprichromis sp. leptosoma Jumbo et des Cyprichromis sp. Zebra de Zambie, celles-ci s'ignorant complètement en aquarium. L'association Cyprichromis sp. leptosoma Jumbo et Cyprichromis leptosoma n'est cependant pas conseillée, les Jumbo par leur virulence risquant de trop stresser les fragiles leptosoma.

En dehors des problèmes liés à la qualité de l'eau, ces espèces ne sont pas sensibles aux maladies propres à certains cichlidés du lac. Un poisson qui ne pose donc pas trop de problèmes au cichlidophile attentif. Lors de certaines manipulations ou combats entre mâles, il arrive qu'un individu perde un œil, ce qui ne l'empêche cependant pas de vivre jusqu'à la fin de ces jours (comptez une espérance de vie en aquarium de 3 à 4 ans). Certains indivus sont parfois pris de crise de panique et traversent le bac complètement affolés. Ces crises ne durent que quelques secondes et il est alors courant de les retrouver morts sur la moquette. On doit ainsi veiller à bien couvrir son bac pour éviter tout accident de ce genre. Enfin, du jour au lendemain, certains individus perdent leur patron de coloration et deviennent entièrement noir et se réfugient en haut de l'aquarium. C'est alors le signe d'une mort éminente due généralement à un coup de stress. Il vaut mieux alors condamner le spécimen, celui-ci étant irrécupérable sauf si on a la possibilité de le mettre dans un autre aquarium pour espérer une évolution favorable.

En aquarium communautaire, on peux lui adjoindre des compagnons relativement calmes (évitez les Tropheus) comme des Lamprichthys Tanganicanus ou des Lamprologues nidificateurs sur substrat caché comme des Altolamprologus, Neolamprologus du complexe brichardi , cichlidés sabulicoles (Enantiopus, Xenotiliapia et autres conchylicoles (Lamprologus multifasciatus ou du complexe ocellatus). L'association de telles espèces est particulièrement réussie, car l'ensemble des zones de l'aquarium sont ainsi occupées sans pour autant que ces espèces n'entrent en compétition.

En conclusion et vous l'aurez compris, les espèces du genre Cyprichromis ne laissent pas indifférent l'aquariophile. Même si sa maintenance optimale nécessite de grandes précautions, la satisfaction est souvent de mise, quand elle ne dépasse pas les espérances. Reste à trouver ces poissons qui sont encore relativement rares dans le commerce en raison de leur transport et de leur acclimatation délicate. Mais je ne connais pas de recherches qui soient restées vaines et que ne ferait-on pas pour admirer ce ballet féerique mis en scène par le Lac Tanganyika.

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