Xenotilapia (Enantiopus) melanogenys

Xenotilapia (Enantiopus) melanogenys

Enantiopus melanogenys (Boulenger, 1898)

Xenotilapia melanogenys
Auteur : Philippe Amouriq
“Le Dragonnet du Tanganyika”
Article paru dans la RFC n°93

NDR:

Connu par tous les anciens de l’AFC comme le premier importateur de cichlidés des grands lacs, Tanganyika et Malawi.
Son magasin, “Néréa”, était un lieu de rendez-vous et de discussions où j’adorais, comme tant d’autres, flâner pendant des heures (parfois devant des bacs opaques,
car des “sels Tanganyika” venaient d’y être déversés)…

Mes premiers spécimens sauvages, arrivés en droite ligne du lac Tanganyika avaient été achetés chez lui, on y trouvait Telmatochromis caninus, Tropheus spp., Cyathopharynx, et autres Malawi Cyrtocara, Dimidiochromis, Pseudotropheus

Il ne faut pas oublier son apport passionnel, et très certainement ce qu’il a pu transmettre et laisser à la cichlidophilie actuelle.

Salut Philippe!

Présentation: Xenotilapia (Enantiopus) melanogenys est un cichlidé du lac Tanganyika appartenant au groupe des sabulicoles, qui comprend de nombreuses espèces inféodées aux zones sableuses du littoral. Autrefois inclus dans le genre Xenotilapia, il a été replacé dans le genre Enantiopus par Poll en 1986. Enantiopus et Xenotilapia sont deux genres étroitement apparentés qui se caractérisent par l’inversion de la longueur des rayons des nageoires pelviennes. Alors que chez la plupart des espèces, les pelviennes (ou ventrales) présentent des rayons de longueur décroissant de l’avant vers l’arrière, ceux-ci sont de longueur croissante de l’avant vers l’arrière chez Enantiopus et Xenotilapia. Ainsi la bordure distale des pelviennes est horizontale au lieu de verticale ou oblique lorsque la nageoire est déployée, ce qui fait un support stable. Il faut dire que ces poissons, qui vivent à proximité immédiate du substrat, aiment se reposer fréquemment sur le sable.

Leck de Xenotilapia melanogenys (par Tim Nurse).

Lek de Enantiopus melanogenys (par Tim Nurse).

Description:

Enantiopus et Xenotilapia sont des poissons au corps allongé et peu à très peu élevé, la hauteur du corps décroissant régulièrement de la région pectorale à la queue. Le premier se distingue du second par l’extrême allongement du corps et de la dorsale, ainsi que par la tête allongée, de profil courbe et au museau pointu, alors qu’elle est presque cubique chez les Xenotilapia les plus typiques tels que X. sima, et X. ochrogenys. Xenotilapia (Enantiopus) melanogenys est l’un des plus grands du groupe: les mâles atteignent 15 cm, les femelles restant plus petites de 2 ou 3 cm.

La plupart des sabulicoles se caractérisent par des couleurs brillantes et irisées à base blanc argenté, mais X. melanogenys est probablement le plus multicolore. La tête est bleu de Prusse à bleu métallique, la calotte vert émeraude. Le corps est argenté avec une iridescence bleue et rose. Le dessous de la gueule est noir bordé de jaune, l’opercule est traversé horizontalement d’un rose saumon.

Xenotilapia melanogenys.

La nageoire dorsale, d’une ampleur extraordinaire, est finement réticulée d’un mélange de ces couleurs et est ornée de jaune. La caudale va du bleu en haut au rose en bas, en passant par le mauve et le parme. Les nageoires pelviennes et l’anale sont presque entièrement noires soulignées du même bleu que le bout de la gueule.

La morphologie, l’ampleur des nageoires, la coloration éclatante et variée, le comportement et l’écologie de ce poisson évoquent les dragonnets, poisons marins de la famille des Callionymidae dont les membres les plus connus en aquariophilie sont les mandarins (Synchiropus).

Habitat:

Les données recueillies par Poll dans son exploration hydrobiologique du lac Tanganyika sont les suivantes:

Male Xenotilapia melanogenys "in situ" à Namansi.

Mâle Xenotilapia melanogenys “in situ” à Namansi

cette espèce se rencontre sur fond sableux mou de profondeur faible à moyenne. Elle a été pêchée à vingt reprises à la senne et huit fois au chalut aux profondeurs suivantes: 40 m, 5-40 m, ± 30 m, 30-40 m, 40-50 m, 15-25 m, 6-8 m, 15-17 m. La moyenne établie sur les minima des fonds chalutés et sur une moyenne de 5 m pour ceux explorés à la senne est de 10/20 m.

Le tube digestif mesure 65 mm chez un exemplaire de 95 mm. Son contenu comprend de nombreux grains de sable et des organismes variés tels que copépodes, ostracodes, petites crevettes… Ce poisson se nourrit en filtrant le sable, qu’il prend en y enfonçant son museau.

Quelques femelles en incubation ont été pêchées par Poll: l’une incubait 5 alevins parfaits de 12 mm de longueur, une autre 43 oeufs de 2,8 mm de longueur. 

Maintenance:

Ces poissons particulièrement délicats supportent très mal les voyages et manipulations nécessaires à leur arrivée dans nos aquariums. Déjà dans le livre ‘Fishes of Lake Tanganyika” de Pierre Brichard, paru en 1978, la description de ce poisson nous mit l’eau à la bouche, mais en raison des difficultés particulières à acclimater ces poissons, P. Brichard décida d’en abandonner la collecte. Sur une soixantaine d’individus importés, peu de spécimens ont survécu, et je n’en gardai que 3 mâles et 4 femelles. Ces individus furent tenus dans un bac d’environ 1,80 X 80 de surface et cohabitèrent avec 5 mâles et 10 femelles Cyprichromis leptosoma de Karilani, un couple de Neolamprologus leloupi (une espèce récemment importée et n’ayant rien à voir avec N. leleupi), quelques Xenotilapia flavipinnis de Tanzanie, Xenotilapia spilopterus, un couple de Julidochromis regani, quelques Neolamprologus longior, 2 Tanganicodus irsacae et 2 mâles et 4 femelles Ophthalmotilapia nasuta “jaune”.Couple de Xenotilapia melanogenys. Le bac où furent placés les X. melanogenys contenait également au départ des X. ochrogenys, mais ceux-ci, incomparablement plus agressifs, furent placés dans une cuve de 2500 litres en compagnie de poissons beaucoup plus gros (Cyphotilapia de Tanzanie, Neolamprologus sexfasciatus, Cyathopharynx “orange cap”, Ophthalmotilapia nasuta “jaune” etc.).

L’eau du bac est maintenue artificiellement à un pH de 8,30 à 8,80. Résistivité: 600 à 760 µS/cm ; température: 25-26°C ; taux de nitrates inférieur à 30 ppm, nitrites indécelables.

On s’en doute, l’animation due aux mâles Cyprichromis est des plus fortes à mi-eau. En bas, les trois mâles melanogenys rythmaient la vie de l’aquarium au gré de leurs antagonismes. Xenotilapia melanogenys | Enantiopus melanogenys.Deux d’entre eux avaient creusé une large cuvette (80 X 40) devant la glace frontale, l’autre une petite à l’arrière gauche. Il est à noter que si le mâle α était toujours le même, il y avait changement perpétuel de la deuxième place. Les mâles en pleine excitation, véritables palettes de couleurs irisées, sont un régal pour les yeux !

L’un d’eux étant mort récemment, les deux rescapés se disputent la suprématie. La perte d’un œil par l’un d’eux n’entrave nullement son agressivité, et les charges de harcèlement vont bon train.

Lors de la ponte, la femelle va d’un nid à l’autre, le temps passé sur celui du dominant étant plus important. Enantiopus melanogenys.Après maintes pontes qui n’aboutirent pas, une femelle lâcha enfin -mais prématurément- 27 larves de 5 mm avec sac vitellin d’un diamètre de 2 mm, transparentes et fébriles. À chacune des pontes suivantes, le même phénomène se reproduisit, la femelle lâchant les larves vésiculées au bout d’une dizaine de jours… Le succès vint enfin, mais il fallut notamment tenir certaines des larves, lâchées au stade vésiculé, dans une cuvette agitée d’un léger courant de manière à reproduire le nettoyage constant effectué par la bouche maternelle.

 

 

Conclusion:

L’activité incessante des X. melanogenys en fait des grands dévoreurs de tout ce qui leur est distribué. Je ne les ai jamais vu gober un jeune, alors que des petits lampros et julidos pullulent par moments. Ces poissons aiment se nourrir en filtrant le sable, qu’ils enfournent dans leur gueule en enfonçant profondément leur museau pointu. C’est pourquoi il est souhaitable de leur fournir un sable très fin, qu’ils apprécieront également lors de la construction des cuvettes de reproduction.

Un grand merci pour ses photos à Julien (Saulosi84) que je ne remercierai jamais assez (si si j’y tiens…).
Ainsi qu’à Tim Nurse (Fishaolics) pour les même raisons…

 

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