Xenotilapia ornatipinnis

( Boulenger, 1901)
Auteur: Jonathan Bouquerel (aquapro).
Xenotilapia ornatipinnis – Moi, gris ? Et alors ? –
Bon, je vous l’accorde, ce n’est pas un poisson tape à l’œil au premier abord… Ceci dit on s’y attache et on apprend à l’aimer tel qu’il est ; et puis, de vous à moi, il n’y a que les « malawistes » qui rechigneront à admettre que c’est bel et bien un beau poisson. Un peu de cuivre et d’argent, le tout saupoudré de poussière d’or, une dose de grâce et d’élégance, un zest de piment pour le comportement, vous mélangez le tout et vous avez l’archétype du Xenotilapia ornatipinnis. Je vous sens quelque peu dubitatifs ?
Lisez donc si vous ne me croyez pas.
Dimorphisme, description:
Notre Xenotilapia ornatipinnis a été décrit par Boulenger en 1901 à partir d’un individu collecté à Kibwesi en Tanzanie. Cependant, il semblerait que la représentation de l’holotype ne soit pas conforme aux Xenotilapia ornatipinnis tels que nous les connaissons. En effet, on voit clairement sur cette représentation schématique que l’individu présente une protubérance nasale (comme X. nasuta et X. sp. « Green fluorescent ») et que les dessins dans la dorsale diffèrent complètement de ceux de l’ornatipinnis en photo. Que doit-on en penser ? Les Xenotilapia ornatipinnis vendus en tant que tels sont-ils vraiment des Xenotilapia ornatipinnis ou serait-ce une autre espèce ? Attendons la révision du genre, peut être aurons-nous droit à quelques éclaircissements ! On trouve ce sabulicole dans la moitié nord du lac Tanganyika entre 10 et 60 mètres de profondeur. La taille adulte n’excède pas 13cm et le dimorphisme sexuel est relativement apparent. Les mâles adultes, aux reflets jaunes ocre, possèdent deux bandes argentées sur leurs flancs tandis que les femelles restent uniformément grises. Attention cependant à ne pas les confondre avec leur proche cousin Xenotilapia longispinnis. La taille des épines dans la dorsale est plus grande à partir de la quatrième, les nageoires impaires se terminent en longs filaments et la taille adulte est supérieure à celle de Xenotilapia ornatipinnis (15cm environ). |
Maintenance: Mon histoire avec les Xenotilapia ornatipinnis
A Anvers, les choses deviennent intéressantes pour moi. On a de la chance, il y a eu un arrivage quelques jours auparavant donc la majorité des bacs sont occupés. Je fais plusieurs fois le tour de la boutique et soudain je m’arrête devant un bac très peu éclairé pour y contempler un troupeau de sabulicoles tout gris. Mais oui ce sont bien eux, nos fameux Xenotilapia ornatipinnis. Après un dialogue folklorique avec Franck ( le patron d’ABZ), je repars avec huit spécimens. Leur nouveau foyer…
Ce n’est que lorsque j’ai placé mes Cyprichromis leptosoma «Isanga» en leur compagnie qu’ils ont commencé à se montrer plus calmes et à sortir plus aisément. Les relations intra et interspécifiques sont relativement bonnes : ils ne se chamaillent que très rarement et ignorent totalement les autres occupants du bac hors période de reproduction. En y regardant de plus près, on peut se rendre compte qu’une véritable structure sociale commence à se mettre en place au sein du groupe. Parmi les huit individus (4 mâles, 4 femelles), il y a un mâle dominant qui s’octroie le droit de donner la fessée à quiconque s’approche trop près de lui lorsqu’il mâchouille le sable, cela se traduit simplement par une petite poursuite mais sans acharnement. Il y a également une femelle dominante au sein du troupeau qui elle, adopte exactement la même attitude que le mâle mais uniquement envers les autres femelles. Ceci dit, cela ne dure qu’un temps : 30 secondes plus tard, tout le monde se retrouve à nouveau nez à nez et re-vaque à ses occupations. |
Reproduction: Phase reproduction, tout le monde aux abris… Je vous ai fait part précédemment du comportement du poisson hors période de reproduction. Dès qu’ils commencent à vouloir pondre, ce n’est plus la même chanson et là, ça commence à se titiller. Cependant, contrairement aux Xenotilapia incubateurs buccaux bi parentaux vivant en couple, le Xenotilapia ornatipinnis est un incubateur buccal maternel strict et chez lui, la notion de couple n’existe pas. L’intensité des agressions intra spécifiques est donc bien moindre (il nous est généralement difficilement possible de faire cohabiter sur le long terme un groupe de Xenotilapia flavipinnis ou spiloptera…) et rappelle celle des ex Enantiopus. Généralement, les velléités commencent dès lors qu’une femelle devient gravide. Les mâles débutent alors leur numéro de séducteur : ils se parent de leur plus belle couleur et essaient d’attirer la femelle prête à pondre. Le hic, c’est que quatre mâles sur une surface de 120 X 40, ça fait vite désordre. Seuls deux mâles peuvent parader dans mon bac, les autres se font irrémédiablement chassés tout comme les femelles non gravides.
Une fois les intrus chassés, les parades peuvent commencer, et quel spectacle ! Chaque mâle ondule de tout son corps dès qu’il voit la femelle gravide se rapprocher de son territoire de ponte (nota que chez l’ornatipinnis, le mâle ne creuse pas de cratère dans le sable), parfois on le voit prendre une petite dose de sable en bouche et la recracher violemment. Bizarrement, la femelle ne choisit pas un seul mâle pour pondre, elle le fait avec les deux. Les deux protagonistes tournent alors en rond, le mâle passe devant elle et émet sa laitance, elle dépose son œuf puis le reprend en bouche et ainsi de suite pendant au moins une bonne vingtaine de minutes. L’incubation dure environ 20 jours, les alevins sont très petits au lâcher et sont au nombre d’une vingtaine. Personnellement, je n’ai jamais laissé pousser les jeunes en compagnie des parents pour la simple et bonne raison qu’ils se seraient probablement fait gober par les autres individus du groupe, voire par quelques Cyprichromis opportunistes. Et il m’est beaucoup plus facile de les faire grandir et surtout de bien les nourrir s’ils sont séparés.
Bien que plus jeunes de 15 jours, ils avaient quasiment la même taille mais dernièrement, les petits ornatipinnis se sont montrés relativement agressifs et territoriaux – à moindre niveau entre eux. Ils ont donc tué plusieurs Xenotilapia melanogenys et ils parviennent même à reléguer le long de la décantation des Neolamprologus meeli plus gros qu’eux. A six mois, ils mesurent 3-4 cm et commencent à devenir relativement agressifs entre eux. Je pense qu’à ce rythme de croissance, ils devraient faire environ huit centimètres à un an. |
Conclusions: Ce magnifique Xenotilapia, malheureusement peu maintenu, est un véritable joyau du Tanganyika. Je conseille vraiment à quiconque ayant la chance d’en trouver de les maintenir dans un bac offrant une grande surface au sol en compagnie d’autres espèces paisibles (Cyprichromis spp. , petits lamprologues calmes, Xenotilapia papilio…). C’est dans de telles conditions qu’il pourra exprimer son véritable comportement et ainsi vous éblouir par sa majesté. |
Documentation:
-M. Poll : Exploration hydrobiologique du lac Tanganika (1946-1947)Vol. III, fasc. 5 B. / poissons cichlidae / institut royal des sciences naturelles de Belgique / Bruxelles 1956.
Remerciements: À Estelle. À Éric Genevelle..