Synodontis lucipinnis

Synodontis lucipinnis

(anciennement appelé Synodontis petricola “dwarf”)

Auteur : Benoît Jonas.

Levons le voile sur ce moustachu des roches, poisson adorable et farouche Synodontis lucipinnis

Présentation/description:

Synodontis lucipinnis est un petit poisson chat du lac Tanganyika, sa vie se déroule à l’abri des roches entre lesquelles il glisse tel un petit requin ombrageux. Il se nourrit en rasant la couverture biologique et sa perception, par l’intermédiaire de ses barbillons, lui permet de déceler la moindre effluve, le moindre fumet appétant. On peut être parfois surpris de la rapidité avec laquelle il peut déceler, aspirer, et ingérer un élément nutritif.

Sa livrée brune à blanc crème, ponctuée de taches noires, est caractéristique de l’espèce et permet avec l’habitude, de faire la différence avec d’autres espèces communes en aquarium, comme S. multipunctatus et S. polli, sans oublier le contraste noir et blanc des nageoires, qu’il partage avec S. petricola avec qui il a été, un certain temps, mis en affinité sous le nom de Synodontis sp. aff. petricola “dwarf” (nain). Une des principales clés pour les différencier est la forme de la bouche et l’implantation des barbillons, puis vient le processus huméral (ossification du crâne)

Comparaison Synodontis granulosus, grandiops, lucipinnis, njassae

Comparaison Synodontis granulosus, grandiops, lucipinnis, njassae

Poisson inféodé au milieu rocheux, glissant dans les anfractuosités et les failles, il peut être difficile à observer. Il risque peu de choses lorsqu’il est adulte, car ses nageoires dorsale et pectorales sont munies d’un rayon dur et “barbelé” qui rebute tout poisson essayant de le capturer.

En observant des tentatives d’ingestion de jeunes par : Neolamprologus savoryi, Altolamprologus fasciatus, j’ai pu remarquer la gêne occasionnée par ces tentatives, et il est possible qu’il sécrète un “toxique”. À chaque fois que j’ai pu suivre une telle scène, le prédateur recrachait rapidement le Synodontis et repartait en crachant/mâchouillant comme s’il était incommodé par un quelconque produit corrosif, et ce durant quelques minutes (un autre “poisson chat” du Tanganyika, Lophiobagrus cyclurus, est réputé “toxique”).

Maintenance:

Si l’espèce est petite, elle n’en a pas moins besoin d’espace, il faut prendre en compte une certaine territorialité et dominance des femelles, plus que des mâles. Le choix du territoire semble correspondre au choix d’un site de ponte adéquat -amas de pierraille de faible granulométrie (1 à 5 cm de diamètre)-.

Les interactions du groupe, car la sociabilité de l’espèce ne s’exprime que si l’on maintient un groupe d’au moins 4/5 individus, sont permanentes ou presque… Courettes, mordillages, titillements, à deux ou en nombre plus important, ils n’arrêtent pas. Mais seulement s’ils sont dans un aquarium avec des colocataires calmes, petits et peu agressifs, sinon ils ne sortiront que la nuit ou en “coup

Synodontis lucipinnis

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de vent” lors des distributions de nourriture. Si vous pouvez leur aménager un aquarium spécifique ce sera encore mieux, il devrait faire au moins 150 l pour 6 individus de 5/7 cm (environ 3/4 ans). Il faut leur fournir des cavités ombragées, éboulis de pierres, amas de coquilles de bivalves (Anodonte –Anodonta cygnaea-)

Synodontis lucipinnis - Evert van Ammelrooy

Synodontis lucipinnis – Evert van Ammelrooy

Quand ce poisson se sent à l’aise, il n’est pas rare de le voir en pleine eau (s’il y a un peu de courant c’est parfait), le “nez dans le vent”, semblant planer sur place, maintenant sa position à petits coups de caudale ; il ressemble donc à un petit requin, les pectorales et l’aileron dressés. Parfois côte à côte, parfois les uns derrière les autres, ils peuvent passer ainsi plusieurs minutes si rien ni personne ne les dérange. Puis le manège des courettes reprend, tantôt calmes, tantôt nerveuses, ils ne se blessent que très rarement, les femelles pouvant parfois ratiboiser le bout de la dorsale d’un mâle.

Ce Synodontis est un “nettoyeur”…

Synodontis lucipinnis a ceci de particulier, qu’il peut être nettoyeur, pas un nettoyeur de fond, mais un nettoyeur de poissons. Plusieurs fois déjà il m’a été donné de le voir en train de nettoyer qui un Chalinochromis brichardi, qui un Altolamprologus calvus, ou un Telmatochromis vittatus

Synodontis lucipinnis en aquarium.

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Les premières fois j’ai pu me demander s’il s’agissait d’une coïncidence, mais la répétition des observations n’a pas laissé planer de doute très longtemps… Approchant doucement du poisson, le Synodontis le frôle et commence son travail, il agit doucement sur le mucus visiblement, s’il va trop loin, c’est à dire trop fort pour le poisson, le nettoyé s’en va plus loin d’un coup de caudale, jusqu’à la prochaine approche du Synodontis.

Benthochromis au nettoyage par un jeune Synodontis polli.

Benthochromis horii – Angel Fitor.

Cyphotilapia gibberosa nettoyé par un Synodontis lucipinnis

Cyphotilapia gibberosa nettoyé par un Synodontis lucipinnis – Angenl Fitor.

Pas de “danse” d’approche ici, comme peuvent le faire les Labroides dimidiatus (labre nettoyeur) ou les jeunes Pomacanthus paru, juste une approche lente et sans à-coups. Ce nettoyage reste toujours superficiel, et il n’est pas question d’aller nettoyer l’intérieur d’une cavité buccale (bien qu’avec certaines très grandes espèces du lac cela pourrait être possible -mais n’extrapolons pas trop de ce côté là)

Cyphotilapia en cour de nettoyage par un Synodontis sp.

Cyphotilapia en cour de nettoyage par un Synodontis polli – Angel Fitor.

-Toute observation dans ce sens pourra venir augmenter cette remarque, alors si vous avez été témoin de faits similaires, n’hésitez pas à me contacter.

Reproduction:    

Nous allons maintenant toucher du doigt une partie restée secrète de la vie de ce Mochokidae, en effet peu de littérature relate ce que nous avons eu la chance d’observer plusieurs fois, et dans des conditions bien différentes les unes des autres. Ceci selon la maintenance du groupe originel d’adultes. Commençons par la maintenance en bac d’ensemble, 5 spécimens qui devinrent matures environ 3 ans ½ après leur acquisition (ils devaient avoir environ 6/8 mois vu leur taille). Ma patience fut mise à rude épreuve dans l’attente des premiers signes de pariade, accouplements, mais ne connaissant rien ou très peu de choses sur la biologie de ces poissons, je ne vis rien de bien particulier, jusqu’au jour où, lors du nettoyage du filtre je découvris un petit bébé Synodontis qui nageait dans le compartiment d’eau libre !

Ils pondaient donc, et quelques autres petits furent découverts au hasard durant les mois qui suivirent. Suite à un emménagement, il fut possible d’observer une ponte dans un bac communautaire…

Là je laisse la plume à Estelle qui va décrire ce que nous avons pu observer par deux fois.

Benoît et moi maintenons treize spécimens de Synodontis que nous avons acquis sous le nom de sp. petricola “dwarf”. Dans le groupe, il y a de beaux adultes, qui se sont déjà reproduits sans qu’on ait pu observer la ponte (mais 3 de leurs petits ont été sauvés). Le dimorphisme sexuel de cette espèce devient évident après les premières reproductions: les femelles sont plus replètes et ont un ventre bien arrondi. Il est également possible de distinguer les sexes en examinant les papilles génitales.

De profil, on voit un appendice dirigé vers l’arrière.

papilles génitales mâle

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celle de la femelle: Papille ovale et large, gonflée en période de reproduction.

papille génitale femelle

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Depuis quelques jours, la femelle adulte avait un abdomen énorme,et hier soir nous avons eu la chance d’assister aux parades et à la fraye du couple. D’abord le mâle se met à poursuivre la femelle à travers tout le bac, ne cessant de lui chatouiller le ventre avec ses barbillons et de la pousser avec sa tête pour la solliciter.

Synodontis lucipinnis en pariade

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Les Synodontis sont actuellement dans un bac d’ensemble hétéroclite et quasiment sans décor, qui accueille nos poissons en “camping” le temps de finir la fish-room. Ils ont choisi un amas de plantes flottantes enchevêtrées comme support de ponte, sous l’œil intéressé d’un petit Variabilichromis et d’une femelle N. hecqui qui se sont bien régalés. Par contre, c’est vraiment du sport pour les photographes afin d’avoir une ou deux photos exploitables!

Synodontis lucipinnis lors de la ponte

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Au cœur des plantes, le couple se met à tourner sur lui-même puis s’immobilise un instant. Les deux poissons s’enroulent, formant un cercle, et la femelle lâche alors quelques œufs. Regardez bien, on voit 3 œufs sur cette photo.

Synodontis lucipinnis un oeufs est visible

Synodontis lucipinnis un oeufs est visible

Lorsqu’ils se séparent, la femelle part alors en vrille, secouée de spasmes qui l’emmènent à l’autre bout du bac. Puis le mâle la rejoint, ils font un tour ensemble et c’est reparti dans les plantes. A un moment, le second mâle est venu brièvement se joindre à la partie…

Synodontis lucipinnis trio

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Pour finir, la majorité des œufs ont été dévorés par les deux gloutons qui suivaient la scène de près, seuls quelques-uns sont restés “collés” aux plantes, et nous espérons pouvoir suivre leur évolution…#########

Suivons maintenant le développement, de l’œuf à la forme adulte, en passant par le stade larvaire. Oeuf de Synodontis lucipinnis, H +15.Sur ce cliché on devine la larve encore lovée autour du vitellus, juste avant l’éclosion, environ 30 heures après la ponte, à 25° les œufs éclosent au bout de 48 heures. Larve de Synodontis lucipinnis, H +5.La larve est éclose, sa taille ne dépasse pas les 2/3 mm, elle frétille sans discontinuer, elle est âgée d’environ 5 heures. La suite des photographies a été faite dans un bac spécifique, aménagé spécialement pour suivre la reproduction de près, ainsi que la croissance des larves et alevins.

Voici le site tel qu’il a été aménagé.

On voit clairement l’ouverture pratiquée sur le côté du pot de fleur,qui est retourné sur des éclats de pouzzolane, les œufs non adhésifs (ou peut être légèrement) s’y infiltrant pendant la ponte. La résorption du vitellus prend environ 5 jours, la nage libre est atteinte en 6, les larves commencent à s’agglutiner dans des recoins sombres. Durant la phase nocturne, ils semblent nettement plus actifs, et la photo précédente a été faite avec de la chance, cette petite “virgule” frétillant devant la vitre frontale, la mise au point a été faite au “petit bonheur la chance”…

On arrive à distinguer les cellules sensitives sur les barbillons, comme de petites verrues, il mesure à peine 3 mm.  Une petite semaine après…Désolé pour les rayures, mais elles sont invisibles à l’œil nu. #########

Synodontis lucipinnis juvénile

Synodontis lucipinnis juvénile

Une caudale hétérocerque, une longue nageoire adipeuse. Vue de face. 15 jours après il a les caractères d’un petit Silure.

Longue dorsale, abdomen court, longs barbillons, la pigmentation s’étend. Puis très rapidement des changements s’opèrent…Trois jours après la précédente, une série de clichés, ils ressemblent enfin à leurs parents, à croire qu’il y a métamorphose…Séance de nourrissage sur une pastille à la spiruline (ils mesurent 5/6 mm). Tout ce petit monde a été élevé avec le trio d’adultes, ceux-ci évitaient dans un réflexe le contact avec les larves et les jeunes, aucune prédation des adultes n’a été observée. Par contre arrivés à un certain âge les juvéniles ont du se repaître des pontes suivantes, car si des jeunes sont apparus durant un certain temps, ce ne fut plus le cas dès que certains autres atteignirent plus de 6/8mm. Les plus gros devaient très certainement manger œufs et larves. Après cela leur croissance est extrêmement lente, et vous devrez vous armer de patience pour trouver un jour un petit poisson plein de vie qui nage entre les pierres, ou dans la décantation, s’il n’a pas été victime de prédation dans l’aquarium…

Synodontis lucipinnis n’est pas un “coucou”…

Au vu de toutes les observations que nous avons faites, en mettant en avant la taille des oeufs (à peine 1 mm de longueur), ainsi que la lenteur de leur croissance, il apparaît évident que cette espèce ne peut agir en “coucou” du lac Tanganyika, comme le Synodontis grandiops (appelé à tort S. multipunctatus…)

Alimentation:

Ils ingurgitent pratiquement tout ce qui leur est présenté, têtes de crevettes (ou tout autre morceau de crevette), pâtée maison, paillettes, pastilles.Pour les larves, pas de nourriture qui bouge, des particules très fines, surtout pour les “démarrer”, ensuite les alevins commenceront à se régaler d’algues, les adultes ayant une attirance particulière pour la couverture biologique des rochers (en aquarium en tout cas).

 

Remerciement spécial à Angel M. Fitor pour ses documents très rares !

Photo sur la galerie des non-cichlidés du lac, Synodontis lucipinnis.

 

Autres articles (anglophones) sur l’espèce.- Sur Scotcat.com – Fiche sur PlanetCatfish.com – Article sur PlanetCatfish.com
 

 

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