Cichlidés sauvages

Cichlidés sauvages

Plongeurs à Msalaba
Collecteur de cichlidés

Photo African Diving ltd

Ce sont des “sauvages” !

Eric Genevelle / Marc Perbost (décembre 1996)

Phrase bien connue de tous les Cichlidophiles et qui atteint son paroxysme lorsque l’on y ajoute le préfixe rêveur “Couple”.

Comment s’en assurer ?
En regardant le pédigrée qui est tatoué derrière l’oreille de nos chers compagnons. Rien ne serait plus simple si nos poissons avaient eut l’intelligence et l’amabilité de s’en doter. Pour conclure, pas d’oreilles, donc pas de tatouage, donc pas de preuve de l’origine sauvage de nos pensionnaires. De sauvage, ils en ont certainement le caractère (??… voir plus loin), mais quant-à associer le comportement à l’origine, le pas est malheureusement souvent franchi.

Pour parler de sauvages (non, pas ceux qui s’entre-tuent devant les bacs des bourses AFC pour arriver le premier), on devrait plutôt parler de différents types de sauvages (en effet, il est bien connu que les sauvages se reproduisent très bien):

  • Les sauvages qui sont pêchés dans le milieu naturel,
  • Les “sauvages” qui sont issus de sauvages reproduits et élevés dans des bassins situés sur les lieux de capture,
  • Les “sauvages” qui ont traversé des frontières (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, etc…). A savoir, pour ceux qui ne se sont pas posé la question, que la Hollande, même si son réseau d’irrigation est très développé, ne possède pas en ses terres une région nommée “Le Grand Rift Africain”. Il ne faut pas confondre la notion d’origine sauvage et celle d’origine exotique. En effet, si la Belgique est un pays exotique (en dehors de nos frontières), elle n’est certainement pas sauvage !!! (15ème degré).
  • Les “sauvages” parce-que on vous a dit qu’ils étaient sauvages lorsqu’on vous les a vendus (et d’ailleurs pourquoi pas?),
  • Les “sauvages” parce-que c’est vous qui le dites pour faire bien (voire se faire du bien au moral) où pour se croire mieux fourni que les autres (là, c’est plus grave!), mais franchement, on ne pense pas que cela puisse exister (?).

Repas d'Hemibates

Repas d’Hemibates.

Pêcheurs & Hemibates

Pêcheurs et le fruit de leur pêche, profonde, de la journée.

Petrochromis pour le repas.

Petrochromis pour le repas.

Sauvages destinés à la consommation locale !

 

Pour calmer les esprits, sachez que plus de 80 % des Cardinalis (oui, oui, les néons !) qui sont vendu en supermarché sont des sauvages. Alors, inutile de se vanter d’en avoir, et qui plus est, de cacher jalousement vos sources d’approvisionnement.

Pour commencer, on peut s’interroger sur l’intérêt de posséder des sauvages. Ils sont multiples, variés, bon et mauvais.

Sachez qu’avec des poissons sauvages, vous aurez l’immense plaisir de posséder des poissons complètement parasités qui se feront la gentillesse de partager ce bonheur avec les autres occupants de votre aquarium. Bien sûr, vous me direz qu’avec une bonne quarantaine… Oui, mais la quarantaine ne dure jamais 40 jours, et que rien ne pousse notre sauvage à devoir déclarer ses intentions durant cette courte période.

De toutes les manières, c’est rarement notre sauvage qui tombe malade, mais plutôt ses camarades de chambrée. Ensuite, votre sauvage sera très furtif car peu habitué aux nez collés aux vitres dans son milieu naturel (éclairage pharaonique, biotope absent, etc…). Il sera mis en compétition dans votre aquarium avec des poissons qui ne partagent peut-être pas le même biotope d’où l’émergence d’un déséquilibre comportemental qui peut se traduire par des combats violents, une timidité excessive voire un stress fatidique, d’où des problèmes d’alimentation, de coloration, etc…

Ensuite, vouloir du sauvage pour reproduire chez soi le même patron de coloration qu’en milieu naturel reste souvent une utopie. De nombreux cichlidophiles se sont ainsi cassés les dents en regardant des Cyathopharynx furcifer sauvages aux reflets dits de “sardine”. Heureux ont été les possesseurs des progénitures car elles, elles sont colorées ! De plus, il nous faut souligner que les “Cyatho” ont été peu reproduits depuis les géniteurs sauvages. On aura donc de la difficulté pour trouver du F10.

Pour parler de reproduction, la finalité de beaucoup d’entre nous, elle est parfois plus difficile à obtenir car le sauvage essaie pour ce faire de retrouver dans l’aquarium la configuration de son milieu naturel comme des grands bancs de sable pour pouvoir monter son cratère de 70 cm de diamètre… Ce n’est pas à la portée de tous les bacs et de toutes les bourses.

Malgré tous ces petits inconvénients majeurs, il reste que l’acquisition de sujets sauvages présente de nombreux intérêts.

Le premier est de posséder des poissons dont la lignée est dite pure (du moins plus pure que les poissons reproduits de nombreuses fois en aquarium). Cela peut vous servir pour renouveler une souche que vous possédez déjà en apportant du sang neuf. Acquérir deux poissons de la même variété et de sexes différents vous assure d’une façon quasi certaine que vous n’êtes pas en présence de frère et soeur. Les problèmes de consanguinité sont donc repoussés d’une génération.

Avec des poissons sauvages, vous êtes aussi en mesure de connaître le lieu de capture (ceci n’est pas toujours vrai car les collecteurs exercent leur activité sur des zones de plus en plus étendues et ne notifient pas toujours lors du conditionnement la zone précise de la collecte. Si vous ajoutez à cela les appellations commerciales, les risques d’erreurs sont encore plus grands. C’est aussi le moyen de conserver et de maintenir en l’état les normes morphologiques et comportementales des espèces (On remarque généralement comme conséquence de la consanguinité une déperdition des couleurs, une atrophie des caractères externes comme les lèvres charnues pour certaines espèces pétricoles, une diminution de la taille du poisson à l’âge adulte et la réduction de l’importance des pontes). C’est enfin la possibilité d’observer le comportement naturel du poisson lorsque vous pouvez lui offrir un aquarium conforme à son biotope naturel.

C’est enfin posséder des poissons récemment découverts où n’ayant pas encore été suffisamment reproduit en aquarium pour en trouver dans les petites annonces. Un dernier point, mais je ne vous apprends rien, c’est que le sauvage coûte plus cher.

Ce point ayant été développé dans ses grands traits, il nous reste à démêler le vrai du faux concernant les sauvages. Tout ceci me fait penser aux études faites à propos du Beaujolais Nouveau (Ca y est, tout le monde retrouve le sourire !) Il a été démontré que l’on exporte plus de Beaujolais Nouveau chaque année au Japon que le terroir Français ne peut en produire!!! Serions-nous les nouveaux “bridés” de l’aquariophilie ? Tout porte à le croire. Avoir les yeux bridés ne sous-entend pas avoir des oeillères (vu qu’en plus, ils nous dépassent dans presque tous les domaines). Réveillons-nous !

Tout d’abord, jetons hors de nos bacs les principes suivants:

Les grands lacs Africains ne sont pas situés dans le nord de l’Europe.

Un prix élevé n’est pas l’assurance que le poisson soit un sauvage. Cela peut simplement être une plus grande arnaque, voire une fameuse nouvelle espèce ou variété (cf. Trematocranus eurêka).

Ne pas confondre :”Il vient de chez Verdjuin” avec “c’est un sauvage”. Comprenez surtout que c’est un poisson qui peut être sauvage (c’est clairement notifié sur les bacs de vente) et qui est a priori de très bonne souche.

Ne pas confondre “il vient de la pêcherie de Stuart Grant” avec ” Il a été pêché dans le lac Malawi”. C’est peut-être un poisson issu de sauvage qui a été élevé dans un des grands bassins situés sur le devant de son exploitation. Il faut savoir que Stuart Grant a commencé à développer cette activité de reproduction en 1990 en construisant d’immenses bassins extérieurs alimentés directement par l’eau du lac (les premiers poissons à être ainsi reproduits en masse par Grant ont été les Chindongo saulosi (voyage personnel, été 1990). Tous les spécimens importés de cette espèce depuis cette date ont donc été des F1.

Les poissons y sont comme chez vous nourris avec des paillettes. Cette activité est connue de tous les professionnels car Stuart Grant ne l’a jamais cachée… Il suffit de le savoir ! Comprenons aussi que les exportateurs préfèrent garder chez eux les sauvages pour les reproduire et expédier les poissons issus des reproductions. En effet la récolte des sauvages engage des frais relativement importants qui ne peuvent s’amortir sur la vente des poissons pêchés, surtout lorsqu’il s’agit d’espèces rares, situées à l’autre bout du lac et à grande profondeur. Lorsqu’un spécimen rare et sauvage est expédié, il est accompagné par d’autres poissons beaucoup plus commun et issus des reproductions.

Une pêcherie est une entreprise à but lucratif. Il ne faut pas l’oublier. Alors, il ne faut pas s’étonner si votre commerçant rechigne à vous faire importer un couple sauvage adulte de Cyathopharynx black furcifer. Il sait pertinemment qu’il recevra vos amis avec son lot de Neolamprologus brichardi (Les fameuses Princesses du Burundi). Son intérêt commercial est donc moindre.

Ne pas croire que l’on peut se faire importer un couple reproducteur. Le plongeur se concentre sur la capture du poisson, rarement sur les sentiments de nos Cichlidés. Le terme couple est résolument à bannir lorsque l’on parle d’expédition de sauvages. On doit utiliser le terme “paire”.

Pêcheur à Nkondwe island

Récolte à Nkondwe island.

Cage de décompression

Collecte de Cyathopharynx et Xenotilapia spp. à Lyamembe.

Collecte de Petrochromis

Collecte de Petrochromis sp. Kazumbe à Kabogo.

On préfère généralement des sauvages juvéniles aux adultes:

Utopie ?

Rares sont les poissons sauvages de type Mbuna qui sont pêchés au stade de juvénile. En effet, ces derniers sont beaucoup plus difficiles à pêcher car, non seulement ils sont plus petits, ils se cachent parmi les pierres, mais parce-qu’ils sont difficilement identifiables. En contrepartie, pour les Haplochromis sabulicoles, la capture des juvéniles est beaucoup plus aisée car situés à des profondeurs moindres. Exemple de ce cas : Nimbochromis venustus sauvage = 5-8 cm jusqu’à août 1990… (ceux qui disaient avoir du sauvage acheté adulte chez le commerçant du coin avant… pourquoi pas, ma foi !).

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ?

Certains bruits ont parfois circulé sur des pratiques douteuses d’origine mercantiles. Ces dernières font bien évidemment partie du passé! Des pratiques qui avaient pour but de rendre stérile des sauvages lorsqu’ils étaient mis en vente. Les poissons étaient exposés aux rayons Gamma afin de rendre le développement des embryons plus que délicat. Comme disait notre regretté Coluche, on s’autorise à penser dans les milieux autorisés que certains Tropheus auraient eut droit il y a quelques années à ces séances de “bronzing”. Qu’en est-il aujourd’hui avec les Benthochromis horii ?

Cela étant dit, sachant qu’il est très difficile de prouver qui est sauvage et qui ne l’est pas, on observe certaines scènes qui font peine à rire et qui doivent en nous éveiller une certaine méfiance, voire une méfiance certaine. Rassurez-vous, nous nous sommes tous laissé abuser par ces fournisseurs (qu’ils soient des particuliers ou des professionnels). Certains le font volontairement, d’autres par méconnaissance ou parce-qu’ils se sont eux-même laissé abuser. Le but n’est pas ici de jeter la pierre, mais de juger en connaissance de cause. Nous pouvons ainsi vous livrer certains conseils pour vous aider à juger de la crédibilité de vos fournisseurs quant-à l’origine de vos poissons. Un individu vous présentant des poissons sauvages doit avoir à votre égard une attitude qui se traduit par les faits suivants:

 

Il doit être capable de vous nommer précisément le poisson. Un néophyte débutant en aquariophilie ne sachant pas identifier un poisson n’a a priori aucune raison de posséder du sauvage (sauf exceptions).

Il doit pouvoir vous préciser le lieu de collecte et sa source d’approvisionnement (cessons ces secrets de polichinelle qui ne servent qu’à créer des clans et des fausses élites. L’aquariophilie n’est-elle pas un vecteur de communication ?).

Il doit vous expliquer pourquoi il se sépare du poisson (pour les particuliers). Quand on a un sauvage, on le garde, sauf si on n’a pas de couple, ou que l’on change de type de poisson. Les prétextes relevant de l’envie, du ras le bol sont à prendre avec méfiance (si on vous dit que c’est pour cessation d’activité imposée par la maîtresse de maison qui ne supporte plus vos inondations, ne soyez pas méfiant, manifestez de la compassion).

Lorsqu’il s’agit d’un commerçant, il doit être capable de vous dire si le poisson a effectué une quarantaine et s’il a été traité en préventif. Si tel n’était pas le cas, on pourrait attendre de ce dernier une recommandation en ce sens.

Si vous avez la documentation nécessaire, vérifiez la véracité des informations qui vous sont données. Par exemple, sachez qu’il n’existe pas de Cyphotilapia frontosa à 5 barres à Kigoma en Tanzanie, ou qu’il est impossible de trouver de l’Ophthalmotilapia ventralis Chimba en sauvage (Chimba est une réserve naturelle où il est interdit de collecter du poisson), idem pour le fameux Maylandia zebra de Metangula il y a quelques années (ces derniers qui peupleraient nos bacs doivent bien être des F100!).

Bateau de pêche d’Ad Konings.

Ramener des sauvages n’est pas une simple expédition !
(photo Ad. Konings)

Auriez-vous soudainement des doutes quant-à l’origine de vos poissons ? Nous en avons tous. Ce n’est cependant pas une raison pour ne plus croire en vos fournisseurs, ils sont déjà si peu nombreux et ont tant à nous apprendre. De toutes les manières, si des poissons sauvages sont collectés, il faut bien qu’ils atterrissent quelque part. Où voulez-vous que ce soit, sinon que dans nos bacs ?

L’AFC a très bien réagit pour mettre de l’ordre dans ce débat de fond. Le contrôle des poissons exposés en bourses et au congrès y est rigoureux et les charlatans rapidement fichés. La logique doit être celle du bon sens et de l’honnêteté (que nous partageons tous), alors, comme le précise Jean Carlus dans ses petites annonces: “Sauvages, F1, F3000, Vendeurs et Acheteurs, A vous de vous entendre !”

NB des auteurs: Nous, on a décidé de n’avoir que du “Sauvage”, on se met au Néon (du sauvage asiatique)!

 

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