Lexique du Tanganyicophile
Arbre phylogénétique
Représentation des relations évolutives entre les taxons de rangs spécifiques et supérieurs (les populations – ou variétés – ne sont ainsi pas prises en compte, contrairement à ce qu’indique Ad. Konings). Cet arbre indique l’évolution et les liens entre les espèces issues d’un ancêtre commun.
Complément effectué par le Dr Jean-Yves Dubuisson (Laboratoire de Paleobotanique et Paleoecologie – 12, rue Cuvier – Université Paris VI – F-75005 Paris)
Phylogénie moléculaire (par comparaison de séquences de gênes)
Les gènes séquencés pour l’analyse phylogénétique sont généralement choisis précautionneusement. Ce sont des gènes du métabolisme qui “mutent” rarement car subissant de très fortes contraintes fonctionnelles, le cyt b par exemple fait la même chose chez tous les êtres vivants, il intervient dans les chaînes d’oxydation cellulaire et se trouve donc partout dans tous les génomes (tous les organismes actuels l’ont hérité d’un même ancêtre commun il y a vraisemblablement plus de 3 milliards d’années).
Un gène est une suite de bases nucléotidiques (1400 à peu près pour le cyt b) qui par trois (le codon) codent pour les acides aminés qui vont former la molécule.
Des mutations (changement d’une ou plusieurs bases en une autre ou plusieurs) s’accumulent néanmoins et lentement avec le temps dans ce type de gène (style une mutation par million d’années) (généralement des erreurs de copie lors des divisions cellulaires). Elles sont dites neutres car elles ne modifient pas la molécule produite (code génétique dégénéré = plusieurs codons différents pour un même acide aminé) et ne subissent pas la sélection naturelle. Celles qui se maintiennent sont rares car on ne peut muter partout dans le gène au risque d’amener des modifications létales.
Les séquences de cyt b (entre individus, populations, espèces) ne se ressemblent donc pas toutes et sont d’autant plus différentes que les individus, populations et espèces sont éloignées génétiquement (et donc que leur ancêtre commun est éloigné dans le temps). En quantifiant les différences entre organismes (comparaison des séquences de cyt b), on quantifie cet éloignement et on peut reconstruire des arbres via des algorithmes complexes.
Ces gènes (comme le cyt b) n’ont rien à voir avec les gènes qui codent pour la couleur des écailles par exemple car les mutations qui modifieraient la couleur seraient en prise direct avec la sélection naturelle en exposant l’organisme qui présenterait une nouvelle couleur directement avec son environnement (agressivité conspécifique, prédation). Ce type de mutations (celles qui sont directement sélectionnées) peut effectivement avoir une influence sur la spéciation mais ce ne sont pas celles qui sont utilisées en phylogénie moléculaire. Le phylogénéticien se moque bien de savoir où se trouve la ou les mutations génétiques qui seraient liées à une spéciation, ils quantifient des similitudes et des différences génétiques entre organismes (comme on compareraient des dents ou le squelette).
Il est vrai que l’on produit avant tout une phylogénie de gènes (ici du cyt b) qui va rassembler les organismes apparentés génétiquement. Soient deux populations différentes supposées d’une même espèce. Si dans l’arbre, elles ne se regroupent pas strictement par deux (et qu’une espèce bien différente s’intercalent entre elles), on peut raisonnablement penser que ce sont deux espèces différentes. Dans le cas ou elles s’assemblent, on peut simplement dire qu’elles partagent un pool génétique ancestral commun. Mais il est difficile, même si les séquences présentent des différences, d’affirmer que ce sont des espèces distinctes. Néanmoins si ces différences sont de l’ordre (voire supérieures) de celles observées entre deux espèces bien distinctes et en supposant que les mutations neutres s’accumulent en moyenne à la même fréquence dans les génomes et dans le temps (horloge moléculaire), la spéciation peut être proposée en tant qu’hypothèse. Il conviendra de la tester via le test de l’isolement reproductif in natura.
Les études de phylogénie moléculaire sont des analyses sérieuses et très souvent fiables (il y a toujours des exceptions et des résultats à relativiser comme partout), mais elles trouvent effectivement leurs limites quand des populations, dont l’attribution spécifique est douteuse, sont utilisées. Pour ce qui est des relations entre espèces incontestables (qui peut permettre de définir les genres, familles, ordres….), ce sont des outils relativement robustes. Les arbres moléculaires doivent être combinés aux résultats anatomo-morphologiques, biogéographiques et éthologiques. Une bonne étude systématique se doit d’intégrer tous ces paramètres.
Espèce
“Une espèce (biologique) est constituée par des groupes de populations naturelles qui s’entrecroisent et sont reproductivement isolées de tels autres groupes” (Mayr – 1966). Applicable dans la plupart des cas, cette définition souffre de quelques exceptions et du fait que l’isolement reproductif n’est pas toujours testable.
Écotype
Les espèces particulières qui semblent être adaptées à un biotope particulier ou marginal par rapport au milieu “normal” de l’espèce sont appelées écotypes. Elles possèdent généralement des caractéristiques qui correspondent aux marges de la distribution (généralement gaussienne) des caractéristiques du type dit “normal” comme par exemple une taille en moyenne très petite par rapport a la taille moyenne de l’espèce. En fait ces valeurs existent chez l’espèce “mère” mais bien entendu sont minoritaires (valeurs extrêmes de la distribution). La colonisation d’un nouveau biotope peut favoriser les individus possédant ces caractéristiques minoritaires (ou extrêmes). Il peut donc y avoir sélection sur ces caractères qui envahissent ces nouvelles populations marginales ou “un effet fondateur” qui fixe aléatoirement un caractère marginal (effet de dérive génétique du à des populations de petits effectifs) qui peut se maintenir ultérieurement par la sélection si il s’avère avantageux.
Spéciation
Formation d’une ou de plusieurs nouvelles espèces à partir d’une espèce ancestrale.
Mutation génétique
Une mutation génétique est un fait aléatoire résultant d’erreurs de copies lors de la division cellulaire. Les mutations causées par les agents chimiques et les radiations sont extrêmement rares ou accidentelles ou provoquées (biotechnologies).
Spéciation sympatrique
Évolution d’une nouvelle espèce en présence de l’espèce dont elle est dérivée. Ce type de spéciation a peu de succès auprès de la faune du Lac (peu d’exemples très concluants confortent ce type de spéciation néanmoins toujours proposé).
Spéciation allopatrique
Évolution d’une nouvelle espèce en l’absence de l’espèce dont elle est dérivée. Dans ce cas, l’isolement entre l’espèce mère et l’espèce fille est due à un isolement géographique (par exemple liée à l’évolution du niveau du lac).
Théorie de vicariance
Fragmentation d’une population mère par un évènement géologique créant une barrière entre les populations filles. Les populations filles fragmentées évoluent ainsi de manière séparées. Les barrières écologiques sont principalement dues à l’évolution du niveau du lac (créant ainsi de nouveaux espaces sablonneux entre des côtes rocheuses) ou par la naissance de nouvelles rivières créant des deltas impropres à l’épanouissement des cichlidés. Cette théorie peut s’assimiler a une forme particulière de la spéciation allopatrique… et correspond souvent a une fragmentation du milieu.
Théorie de spéciation péripatrique (effet de souche ou phénomène de fondation ou effet fondateur)
Migration de certains éléments d’une population mère dans une zone préalablement inoccupée. La spéciation est alors favorisée car le nombre de membres isolés à l’origine est relativement faible. Cette migration est souvent causée par des raisons liées à la notion de territoire disponible et à la compétitivité entre espèces ayant à l’origine les mêmes besoins nutritionnels. Imaginons le cas d’une population de cichlidés (ex Tropheus) qui se soit trouvée en compétition avec des espèces plus compétitives. Pour subsister, certains éléments se sont éloignés de leur zone de prédilection (zone rocheuse libre de sédiments et couverte d’une fine couche végétale) pour s’enfoncer dans les profondeurs du lac. Certains des individus “expatriés” possédant dans leurs gènes la faculté à s’adapter au nouveau type de nourriture disponible (portion plus faible de végétaux) ont réussi à survivre dans ce nouvel environnement. En raison du faible nombre d’individus ayant pu affirmer ces caractères, le phénomène de consanguinité a pu accélérer la fixation de ces caractères.
Monotypique
Se dit d’un genre qui ne possède qu’une seule espèce.