Xenotilapia flavipinnis (Mpulungu)

Xenotilapia flavipinnis (Mpulungu)

Xenotilapia flavipinnis

Xenotilapia flavipinnis

(Poll, 1985) Auteure: Estelle

Xenotilapia flavipinnis

Xenotilapia flavipinnis est un joli sabulicole au corps allongé de couleur claire, gris beige, et ponctué de lignes de points bleus irisés et parfois aussi de jaunes, différemment placées selon l’origine géographique. L’oeil est ovale et bleuté, souligné par un trait bleu iridescent sur la joue. La variété de Mpulungu n’est pas la plus spectaculaire, la palme revenant sans doute à la variété de Nyanza Lac superbement colorée de jaune (voir photos). Cependant, elle est loin d’être dénuée de charme et ses magnifiques reflets en font un très beau poisson.

Il est très photogénique, et c’est d’ailleurs mon modèle préféré! Le Xenotilapia flavipinnis “Mpulungu” possède une nageoire dorsale jaune orangée, légèrement ponctuée de bleu. Les pelviennes sont jaune clair ornées d’un soupçon de bleu, et la nageoire anale est simplement transparente et bordée de bleu. Les pectorales sont incolores. La caractéristique de cette variété est une belle bande jaune orangée qui souligne le bas du corps jusqu’au pédoncule caudal.Xenotilapia flavipinnis Le nom de genre Xenotilapia provient de Tilapia, nom vernaculaire et ancien genre de la famille, et du mot grec ξένος (xenos) qui signifie “étranger”. Et effectivement il n’a rien d’un Tilapia!

Le nom d’espèce flavipinnis, lui vient de ses nageoires jaunes. Il est tiré des mots latins flavidus = jaune, doré, et pinna = nageoire.

Le dimorphisme sexuel est inexistant. Il est même difficile de se fier au comportement des membres du couple pour les sexer, tant ils agissent à l’identique.

 

Expérience de maintenance et comportement:

Mon histoire avec ce cichlidé a commencé lors d’une bourse où, après une discussion avec un passionné du Tanganyika, celui-ci m’offrit un Xenotilapia flavipinnis “Mpulungu” esseulé. Il avait un couple qui ne s’était encore jamais reproduit, mais l’un des deux était mort, et il ne parvenait pas à retrouver cette variété. Mon nouveau pensionnaire, un bel adulte de huit bons centimètres, fut acclimaté sans problème, et passa quelques mois chez moi seul de son espèce… … jusqu’à ce que récemment, je passe chez un autre passionné de cichlidés de ma région pour lui amener des poissons. Et qu’on s’aperçoive que parmi ses trois Xenotilapia flavipinnis, un couple s’est formé. Or, ils proviennent de Mpulungu et il reste donc un petit solitaire.

Vous devinez la suite… ( et oui, j’ai de la chance ######### ) Le X. flavipinnis que je possède déjà vient justement de changer de bac chez moi pour rejoindre un couple d’Altolamprologus sp. compressiceps “shell” dans un 120 litres. Le bac comporte une grande plage de sable, et sur un côté, quelques pierres et coquilles constituent le territoire des Altolamprologus. Il est encore timide et caché mais la cohabitation pour l’instant se passe bien. Seulement, j’ai peur que dans ce volume, l’ajout d’un congénère ne soit très hasardeux, je ne suis même pas sûre d’avoir des poissons de sexe différent. Vont-ils s’accepter? Et même s’ils s’acceptent, peuvent-ils cohabiter avec un couple d’Altolamprologus sp. compressiceps “shell” dans un bac si petit?Xenotilapia flavipinnis Mpulungu mâle en parade. Comme souvent en aquariophilie, il faut tenter pour avoir la réponse à ses questions. La rencontre des deux Xenotilapia ne se passe pas sans heurts. L’ancien est furieux de l’irruption du nouveau, il oublie toute timidité pour l’ attaquer sans ménagements, mais le petit malin se réfugie dans la grotte du mâle Altolamprologus qui bizarrement le tolère, alors qu’il ne laisse pas l’autre approcher!
La première journée se passe donc ainsi, chacun de son côté, et je suis inquiète pour le nouveau venu bien plus petit que l’autre ( environ 6 cm ) et qui reste prostré dans sa cachette, arborant une robe de stress avec des marbrures prononcées sur le corps. Xenotilapia flavipinnis couple.

Mais le matin suivant, miracle!

Le petit est sorti de sa cachette et se pavane sur le sable, paradant dès qu’il passe devant son congénère qui a visiblement oublié son ressentiment et répond à ces avances. Plus de doute, j’ai bien un couple! Leur excitation est à son comble, et ils passent cette seconde journée à se tourner autour, en déployant leurs nageoires, arquant le corps et ouvrant les ouïes.Xenotilapia flavipinnis

Ils filtrent le sable avec frénésie, alors qu’auparavant le gros ne le faisait presque jamais, et le petit fait même de grandes démonstrations en prenant de grandes bouchées de sable et en les recrachant violemment. L’autre n’est pas en reste et effectue les mêmes parades impressionnantes. Et comble de surprise, les Altolamprologus semblent apprécier ce nouveau comportement car ils viennent grappiller de petites particules dans le sillage des deux Xenotilapia. Bref, je n’en reviens pas de ma chance!

Le couple s’est donc formé très rapidement, et j’attends alors avec impatience les premières pontes. En attendant, les deux partenaires ne se quittent pas et passent l’essentiel de leur temps à filtrer le sable: ils prennent des bouchées de sable fin qu’ils mâchonnent pour en extraire de la nourriture microscopique, et les résidus de leur tri tombent par les ouïes. Ils en recrachent aussi une partie par la bouche à la fin de l’opération.

L’espèce est très intéressante à observer car les deux partenaires sont toujours en interaction, paradant dès qu’ils se croisent ou filtrant le substrat de concert. Les deux poissons se distinguent par un détail morphologique: le plus petit possède une lèvre supérieure protubérante, alors que celle de l’autre est parfaitement lisse.
Or, ce dernier ne s’est mis à filtrer le sable qu’à partir de l’arrivée de son compagnon, qui lui, semblait accoutumé à cette occupation. On peut donc supposer que la filtration du substrat sableux est avant tout une activité sociale, stimulée par la présence de congénères. Peut-être le Xenotilapia est-il incité à utiliser ce mode de nourrissage à cause de la concurrence alimentaire représentée par les autres membres de son espèce?
Cette filtration renforce sa lèvre supérieure, comme on le voit sur les photographies prises in situ. Pour favoriser ce comportement naturel, je donne en complément, presque tous les jours, de la poudre de paillettes qui tombe sur le sable et qu’ils pourront ramasser.

 

Xenotilapia flavipinnis Mpulungu Reproduction:

Xenotilapia flavipinnis est un incubateur buccal biparental, ce qui signifie que mâle et femelle prennent en bouche les oeufs puis les larves à tour de rôle. Lorsque la femelle est gravide, elle parade pour attirer son compagnon tout en se frottant sur le sol. La ponte se déroule sur la plage de sable, les deux poissons décrivant un cercle. La femelle pond, le mâle derrière elle fertilise l’œuf et la femelle en revenant prend l’œuf dans sa bouche. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus.

L’ancien propriétaire du premier Xenotilapia flavipinnis pensait que c’était une femelle, et quand le plus petit est arrivé j’ai tout de suite cru qu’il s’agissait d’un mâle, car c’était lui qui effectuait le plus de parades et de démonstrations. Mais un soir, ce dernier est en incubation, alors que je n’ai rien remarqué chez son compagnon les jours précédents. Or, c’est toujours la femelle qui commence à incuber, puisqu’elle récupère les œufs dans sa bouche dès que le mâle les a fertilisés, donc nous nous sommes complètement trompés!

Ceci montre la difficulté qu’il y a à distinguer les sexes chez cette espèce… je réalise à quel point la formation du couple a pu être hasardeuse, mais le hasard a bien fait les choses !Xenotilapia flavipinnis femelle en incubation.

La première incubation n’est pas arrivée à terme, car la femelle a cédé à la tentation de manger au bout de quelques jours, et a relâché les œufs pendant une distribution de nourriture. Mais au bout d’un mois, elle avait la gorge pleine à nouveau. Elle a du assumer cette seconde incubation entièrement, car le mâle sûrement encore trop inexpérimenté, n’a pas pris les larves en bouche quand son tour est venu. La femelle les a donc gardés seule, jusqu’au premier lâcher qui a eu lieu seize jours après la ponte.

Femelle en incubation Au bout de deux semaines, les alevins au nombre de dix, sont lâchés de temps à autre afin de manger et de laisser leur mère en faire autant. Ils se posent alors contre le substrat, quasiment immobiles.

Xenotilapia flavipinnis mâle et ses alevins.De couleur beige transparente et ornés de quelques tâches sombres, les alevins sont très difficiles à distinguer. Plaqués contre le sable la plupart du temps, ils sont invisibles avec cette coloration cryptique. C’est quand ils s’élèvent du sol pour grappiller une particule de nourriture et qu’ils se détachent de la vitre arrière sombre qu’on a une chance de les prendre en photo. Sinon, c’est mission impossible !

Heureusement, la mère ne semble pas me considérer comme un danger potentiel, et me permet d’observer sa progéniture à loisir.Les alevins se déplacent en petit groupe, ce qui permet aux adultes de les récupérer très rapidement au moindre signe de danger. Les parents exercent une surveillance constante et chassent les intrus. Il n’ont pas grand chose à craindre des deux N. brevis juvéniles et des deux minuscules alevins Altolamprologus sp. compressiceps “shell” qui les accompagnent, mais on peut imaginer que s’il y avait des prédateurs dans le bac, ils seraient capables de les repousser.

Le lendemain du premier lâcher, le mâle prend pour la première fois les petits dans sa bouche. Quelques temps après, j’assiste à une bataille assez violente entre les deux membres du couple: sont-ils jaloux au point de se battre pour savoir qui doit prendre les jeunes ?

 

Xenotilapia flavipinnis mâle et ses alevins.

 

La femelle ne supporte-t-elle pas que le mâle participe à leur protection?

Au bout de quelques jours de nage libre, les alevins deviennent plus dégourdis et ils sont libérés plus souvent. Bizarrement, le mâle maintenant les prend en bouche beaucoup plus que la femelle, et semble “obsédé” par leur protection. Il essaie de les prendre à la moindre occasion, notamment lorsque je m’approche de la vitre , mais la femelle n’est pas d’accord et le chasse violemment.

Il a donc souvent deux ou trois alevins en bouche, alors que les autres sont sur le sable et gardés par la femelle. Il se tient à distance, et observe sa compagne qui filtre le sable entourée de ses rejetons. Dès que la femelle s’éloigne, il fait une tentative pour en récupérer. Très amusant à observer!

Xenotilapia flavipinnis couple et alevins.

Le mâle à gauche essaie de récupérer les alevins, tandis que la femelle parade pour l’en dissuader.

Quelle est la raison d’un tel comportement ?

Sans doute la femelle fatiguée et affamée par ses seize jours d’incubation, est plus encline à laisser ses alevins dehors pour filtrer le sable et s’alimenter. Alors que le mâle, qui est en pleine forme et a toujours été beaucoup plus farouche et craintif, veut jouer le “papa poule”…

Il n’est donc pas rare de voir les deux parents avec des petits dans la bouche en même temps. Plus ces derniers grandissent, et plus il est facile de voir leurs yeux en transparence à travers la membrane de la bouche des adultes. Xenotilapia flavipinnis détail d'une incubation buccale. Cette portée n’a pas survécu, dévorée deux semaines plus tard, probablement par la mère. Au cours des reproductions suivantes, mon couple a gardé un comportement atypique. Même si le mâle a fini par assurer l’incubation à la suite de sa compagne, celle-ci l’écarte complètement une fois les alevins lâchés et lui fait la chasse.

Elle ne semble pas lui faire confiance… Sur les 25 petits de la dernière ponte, 11 seulement ont survécu. Est-ce le mâle qui les avale, ou la mère qui mange le surplus dont elle ne peut s’occuper? J’ai donc décidé de donner le couple, en espérant qu’ils auront un comportement normal dans un bac plus grand et une autre configuration, et j’ai gardé les alevins. Ils évoluent en banc assez compact, au milieu du bac, glanant en permanence des particules de nourriture microscopiques. Les jeunes grandissent assez lentement, mais sont vite colorés.Xenotilapia flavipinnis Comme pour toute espèce animale, il existe des anomalies dans les comportements des poissons. Si Xenotilapia flavipinnis est un cichlidé qui garde et élève ses petits en couple, il arrive que les choses se passent différemment. Mon expérience montre qu’un 120 litres est vraiment un minimum pour un couple formé.

C’est en tout cas une très belle espèce, parmi les moins fragiles des sabulicoles. Attention cependant au stress, un passage un peu rapide près du bac peut déclencher une crise de panique… Et comme c’est un excellent sauteur, les bacs ouverts sont proscrits !

 

 

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