Artemia salina
Artemia salina
La culture
Par Denis Jeandel (1999)
Historique
C’est en 1755 que le Docteur Schlosser, un Anglais, décrit pour la première fois Artemia salina. En 1840 le Docteur Joly apporte une description plus complète de ce petit crustacé.
En 1933 Since Seale et en 1939 Rollefsen utilise cette nourriture à haute valeur nutritive en aquaculture. Depuis l’utilisation augmente de façon exponentielle et, des méthodes de cultures sont étudiées notamment par:
- Bardach et al. 1972
- Goodwin 1976
- Kine et Rosenthal 1977
Classification
Phylum : Arthropodes
Classe : Crustacés
Sous classe : Branchiopodes
Ordre : Anostracés
Famille : Artemidae
Genus : Artemia Leach 1819
Morphologie
Il s’agit dans ce paragraphe de faire un bref rappel de la morphologie externe d’Artemia salina. Adulte Artemia salina est un petit crustacé de 8 à 10 mm de longueur. On distingue 3 parties:
La tête : elle porte un oeil nauplien médian et une paire d’yeux latéraux, dans sa partie antérieure on remarque une paire d’antennes courbées portant à leur extrémité 3 petites soies. Les antennes sont un critère de détermination des sexes ; chez le mâle les antennes prennent la forme d’une grosse pince qui sert à saisir la femelle lors de l’accouplement chez cette dernière la paire d’antennes est beaucoup plus petite. On trouve sur la tête 3 appendices (une paire de mandibules, une paire de maxillules, une paire de maxilles), l’ensemble étant appelé par Joly » le chaperon »
Le thorax : il est composé de 11 segments chaque segment porte une paire d’appendices natatoires foliacés
L’abdomen : il est composé de huit segments
Les 2 premiers segments dit génitaux ( deux pénis chez le mâle / la poche incubatrice des femelles )
Le dernier segment abdominal porte deux appendices portant de longues soies. Entre ces appendices se trouve l’anus.
Origine
Artemia salina est un animal cosmopolite trouvé sur chaque continent deux origines sont définies
- les lacs salés
- les lacs salins
La connaissance de l’origine d’Artemia salina est donc très importante puisque l’on sait que les lacs salés contiennent essentiellement du chlorure de sodium ( Na cl ) alors que les lacs salins contiennent du sulfate de sodium ( Na So4 ). Pour un rendement maximum, le choix du sel sera donc capital dans les méthodes de mise en culture.
Il n’est pas dans ce propos l’objet de faire une énumération des différents sites de récolte des Cystes (oeufs ) d’Artemia Salina ce serait long, fastidieux et inutile mais citons tout de même quelques origines bien connues dans la culture intensive.
- En Utah ( U S A ) le lac Great Salt.
- En Californie ( U S A ) les salins de la baie de San Francisco.
- Au Canada le lac Chaplin.
- A Rio de Janiero les grands lacs de la baie de Rio.
- En France les salins du midi.
Les cystes
Les cystes ou plus communément oeufs d’Artemia salina vont nous permettre de démarrer une culture nous aurons ainsi la possibilité d’utiliser les naupliis fraîchement écloses ou de laisser se faire l’évolution vers le stade adulte.
Le cyste est constitué de 3 structures:
Le chorion : il est constitué essentiellement de lipoprotéines, sa fonction est la protection de l’embryon.
La cuticule membraneuse : elle protège l’embryon contre l’agression de grosses molécules ( CO2 ) il sert en fait de filtre de perméabilité.
La cuticule embryonnaire : c’est une membrane très élastique et transparente qui sépare l’embryon de la cuticule membraneuse.
Développement
Le dry cyste d’une taille de 200 à 300 microns a une forme biconcave qui va se transformer en milieu hydraté et en présence de sel.
Tolérance de cystes à la température
Les cystes non hydratés sont très tolérant aux températures, ils ne seront pas affectés par les températures extrêmes de – 250°c à + 6o°c.
- Aux températures inférieures à -18°c et supérieures à + 40°c il y a mort de l’embryon.
- Entre – 18°c à + 4°c pour les températures extrêmes inférieures et + 32°c à + 40°c pour les températures extrêmes supérieures, il y a une possibilité du développement embryonnaire si le temps d’exposition n’est pas trop long.( il y aura bien sur des pertes importantes et une perturbation du métabolisme )
- Entre + 5°c et + 30°c le métabolisme permet une évolution normale des nauplius.
Alors commence le cycle métabolique qui va aboutir à l’éclosion (environ 15 à 20 heures ) 3 stades sont ainsi observés:
- 1er stade : le stade pré – nauplius. Il y a fracture de cyste hydraté
- 2ème stade : le pré – nauplius sort de sa coquille
- 3ème stade : c’est le stade larvaire de nauplius
L’embryon est maintenant directement en contact avec le milieu extérieur. Dans les premières heures sont système d’osmorégulation ionique n’est pas parfait, il va se développer en fonction du milieu dans lequel il évolue. Le pH a une énorme influence sur le développement du système d’osmorégulation, le pH optimum se situant entre 8 pH et 9 pH.
Paramètres idéaux pour l’optimisation de la production.
Nous allons étudier les différents paramètres permettant la mise en culture des cystes dans les conditions optimales. Dans l’ordre
- la température
- la salinité et le pH
- l’oxygène
- la densité de cystes mis en culture
- la lumière
La température
Entre 25°c et 30°c l’éclosion est maximum dans un délais de 12 heures (ne pas oublier qu’à 33°c le processus métabolique est stoppé ) il faut donc une résistance chauffante fiable équipée d’un thermostat et maintenir la culture à 28°c environ. A cette température le processus métabolique se déroulant parfaitement les nauplius posséderont un maximum de valeur énergétique.
La salinité et le pH
Comme nous l’avons vu précédemment il est important de connaître l’origine de nos cystes afin de constituer au mieux le milieu de culture (Rappel : lacs salés utilisation de chlorure de sodium Na Cl, lacs salins utilisation de sulfate de sodium Na SO4).
Les ouvrages divergent fortement sur la quantité de sel dans laquelle l’éclosion se fera. 15 à 20 gr par litre selon certain, 10 gr pour 1/4 de litre selon d’autres, les cultures contenant 50 gr par litre utilisées à l’aquarium tropical de Nancy donnent d’excellents résultats. Les auteurs s’étant penchés sérieusement sur le développement des cystes mettent en évidence que l’adjonction d’hydrocarbonate de sodium ( Na HCO3 ) à raison de 5°/00 augmente quantitativement et qualitativement la production. Le pH sera maintenu au environ de 8,3.
L’oxygène
Il est évident que la quantité d’oxygène varie en fonction de la quantité de cystes mis en culture les recommandations étant de 2 mg d’oxygène par litre de culture avec une aération par le fond.
La densité des cystes
Il est important de connaître la densité de cystes à mettre en culture, des expériences ont montré qu’une augmentation de la densité de cyste diminue fortement l’éclosion par un métabolisme mal équilibré. 5 g de cyste par litre de culture optimise le rendement.
La lumière
L’éclairage de la culture est indispensable pendant les premières heures de l’hydratation des cystes. Un éclairage de 2000 lux en continu à la surface de la culture optimise les résultats. Des expérimentations montrent que la lumière n’a pas le même impact sur l’éclosion en fonction de la provenance des cystes. Le rendement est identique sous faible luminosité 20 lux que sous forte luminosité 2000 lux pour les souches des grands lacs salés des U.S.A. alors que des souches de San Pablo Bay (U.S.A.) nécessite une exposition minimum de 1000 lux pour un rendement correct. Nous retiendrons comme base 2000 lux préconisé qui donne dans tous les cas un rendement correct.
Conclusion
Nous possédons les différents paramètres permettant la mise en culture des cystes dans des conditions optimales.
Pendant les premières heures du stade larvaire les jeunes nauplius vivent sur leurs réserves énergétiques. Si notre culture a pour but de nourrir de jeunes alevins il est important de récolter les nauplius dans les premières heures qui suivent l’éclosion, après les deux premières mues (24 heures) les artémias perdent 27% de leur contenu calorifique.
METHODES D’ÉCLOSION
Nous n’observerons dans ce paragraphe que les principales méthodes proposées à l’échelle de l’amateur, la production industrielle nécessite des moyens importants et inutile à l’aquariophile.
1° Les boites dites éclosoir
C’est la plus simple des méthodes, on utilise une boite circulaire munie d’un couvercle opaque percée en son centre d’un trou permettant le passage du tamis de récolte. La boite est équipé de séparation interne en forme de labyrinthe.
Principe
La boite est remplie à hauteur des labyrinthes avec la solution de culture, les cystes sont déposés dans la partie la plus extérieure. A l’éclosion les naupliis vont voyager dans le labyrinthe pour gagner la zone centrale éclairée. La récolte se fera avec le tamis fourni.
Critique
- pas d’éclairage de la surface de la culture
- pas de thermorégulation fiable
- pas d’aération
- peu de production
- milieu très vite saturé en débris
- C’est une technique peu rentable pour l’aquariophile.
2° Les incubateurs à Artémia
Vendus dans le commerce il s’agit de la mise en culture des cystes dans une bouteille munie d’un aérateur l’ensemble étant plongé dans un bac plastique de 3 l environ qui va permettre de réaliser un bain-marie. Le bain-marie est maintenu à 28°c, l’ensemble est éclairé et aéré.
Principe
3 étapes sont nécessaires :
- la mise en culture
- le repos
- la récolte
La mise en culture
L’ incubateur sera positionné tête en bas, le bouchon sera ouvert, la circulation d’air se fait de bas en haut avec échappement de l’air par le bouchon ouvert. La solution de culture remplie l’incubateur au 2/3, les cystes sont placés en suspension, le tout est placé dans le bain-marie préchauffé à 28°c dans un endroit éclairé.
Le repos
L’ air est coupé, le bouchon est fermé, on retourne l’incubateur en position incliné 30° environ pendant 5 mn. Les œufs non éclos vont surnager à la surface de la culture tandis que les débris vont s’accumuler dans la partie opposée au bouchon d’évacuation.
La récolte
Il suffit d’ouvrir le bouchon et de filtrer la culture sur un tamis à Artémia. L’ensemble est alors nettoyé pour une nouvelle culture.
Critique :
C’est une méthode satisfaisante puisque nous avons la possibilité de respecter les différents paramètres pour obtenir un métabolisme correct des cystes hydratés. Il y a possibilité de mettre en circuit plusieurs incubateurs, en décalant l’hydratation des cystes nous obtenons une récolte journalière.
L’inconvénient de cette méthode réside dans une manipulation lourde à gérer surtout lors d’une mise en circuit de plusieurs incubateurs puisque la phase de repos nécessite l’arrêt de tous les incubateurs.
La production est limitée par la taille des incubateurs ( moins d’un litre de culture ).
3° La méthode du cône renversé
C’est peut-être la méthode la plus utilisée qui pourra satisfaire les productions peu ou très importantes, elle dérive d’une amélioration de la méthode précédente, gardant le principe de base et simplifiant la technicité des différentes phases.
Matériel
L’utilisation d’un cône en p.v.c transparent semble le plus fonctionnel, c’est solide, pratique à manipuler et à nettoyer , le diamètre et la longueur du cône seront fonction du volume de la culture, j’utilise personnellement 3 cônes de 45 cm de hauteur et de 8 cm de diamètre. L’extrémité inférieure est munie d’un robinet à bille permettant la vidange du milieu de culture, le robinet est soudé de façon à monter dans le cône sur une hauteur de 3 cm environ. Un tube rigide d’arriver d’air est collé le long de la paroi interne du cône. Une résistance thermostatée de 25 w pour le chauffage.
Principe
- Le cône est rempli du milieu de culture, chauffé à 28°c, éclairée et éclairé.
- Les cystes sont introduit dans le milieu de culture. Après 12 heures à 18 heures.
- la récolte des nauplii peut se faire il suffit pour cela de couper l’arrivée d’air et de débrancher la résistance. Le temps de repos va permettre au débris de se déposer dans la partie basse du cône, on remarque tout de suite l’intérêt du dépassement de 3 cm du robinet à l’intérieur du cône puisque les débris seront accumulés sous ce niveau. Les non éclos surnage à la surface. Pour la récolte, il suffit de disposer un tamis sous le robinet et de filtrer la culture.
Critique
- Il y a peu d’arguments à opposer à cette méthode qui permet des cultures de petites quantités (1 litre ) à des quantités importantes ( plusieurs dizaines de litres ) . Il n’y a plus de manipulation pour les phases de repos et de filtration, il y a peu de débris récupérés dans le tamis, l’ensemble se nettoie facilement avec un rince biberon la désinfection avec de l’hypochlorite n’altère pas le p.v.c. Il faut seulement trouver un professionnel pour réaliser le cône et souder le robinet p.v.c , c’est quelquefois onéreux.
- Quelque soit la méthode utilisée il n’est pas évident de faire une séparation correcte des nauplli d’Artémia et de leurs débris d’éclosion. Nous savons que l’utilisation pour la nourriture de nos alevins que le mélange débris + nauplii peut entraîner une perturbation digestive et le risque de maladies infectieuses.
- Il existe une méthode pour éviter ces problèmes. Le chorion peut être écarté sans affecter la viabilité de l’embryon, cette technique s’appelle la décapsulation.
- C’est une méthode très utilisée dans la production industrielle mais qui permet à l’éleveur amateur d’éviter les accidents avec les espèces réputées fragile.
Méthodologie
Il est important de bien respecter les temps et les étapes de la décapsulation afin de ne pas détruire l’embryon et de ne pas polluer la culture.
Protocole de décapsulation d’1 kg Artémia
1er temps :
- mettre 1 kg de cystes d’Artémia dans 12 litres d’eau
- salinité 25 °/°°
- température 20 °C
- aération
- incubation pendant 3 heures puis rajout de 4 litres d’hypochlorite de sodium ( 45% ) et de 66 g de soude en pastille. ( il y aura augmentation chimique de la température
- T = 30° C )
2ème temps :
- au bout de 7 à 10 minutes ( lorsque le milieu change de couleur : il devient jaune ) filtration du milieu dans une poche de maille de 100µm.
3ème temps :
- Nettoyage à l’eau douce pendant 10 minutes
4ème temps :
- Passage des cystes décapsulés dans une solution de Thiosulfate à 0,1% pendant 1 minute.
5ème temps :
Nettoyage des cystes décapsulés à l’eau douce et passage dans une solution hyper-saline (30 % ), laisser reposer pendant 2 heures puis élimination de l’eau excédentaire et stockage en chambre froide.
BIBLIOGRAPHIE
Manual for the culture and use of brine shrimp Artemiain aquaculture P. Sorgelos
High density culturing of the brine shrimp, Artemia salina L.P. Sorgelos
Manuel d’élevage d’invertébrés dulçaquicoles choisis S.G Lawrence
Artemia, le crustacé des temps primitifs M. Hayo et G Schwarz
Aquarama n° 54
Bulletin de la société des sciences de Nancy ( volume 18 – N° 2 1959 ) – (Artemia recherches sur le développement et la reproduction)