Limnochromis auritus – J. S. Santana

Limnochromis auritus – J. S. Santana

Limnochromis auritus J. S. Santana (mars 1999)

 

Limnochromis auritus -Femelle protégeant ses alevins.

Le genre Limnochromis est endémique du Lac Tanganyika. A l’origine, il contenait 11 espèces relativement hétérogènes et depuis lors, beaucoup d’entre elles furent transférées dans d’autres genres au début des années 80. Aujourd’hui,  1 espèces appartient à ce genre: Limnochromis auritus. L. auritus, est maintenue en aquarium, même si elle reste une espèce peu commune chez les cichlidophiles (ndlr: cela a changé depuis).

Bref résumé de l’habitat et du comportement de Limnochromis auritus dans la nature

Dans son milieu naturel, Limnochromis auritus habite les zones côtières relativement profondes, entre 30 et 50 mètres. On a même enregistré des captures en dessous des 100 mètres de profondeur. Il habite de préférence les zones vaseuses assez compactes.

Ces zones sont souvent fréquentées par les poissons qui creusent dans le substrat des tunnels en guise de refuge. Ces tunnels ont plusieurs entrées et sorties, ce qui permet aux petits poissons de s’enfuir d’une possible agression des prédateurs comme le cobra aquatique Boulengerina annulata var. Stormsi.

Notre poisson n’aime pas la lumière trop excessive et selon Ad. Konings, il passe la plus grande partie de son temps réfugié à l’intérieur de son tunnel. Cependant, les individus vivant à grande profondeur passent presque tout leur temps à l’extérieur.

Son alimentation naturelle est constituée de petits invertébrés et minuscules crevettes du microplancton. Son comportement est assez inhabituel pour un cichlidé. En effet, il semble apprécier la compagnie de ses propres congénères (réellement surprenant comme nous le verrons par la suite), ce qui peux choquer pour un cichlidé relativement grand (environ 18 cm) et d’aspect robuste. Dans la nature, Limnochromis auritus se sert de ces tunnels pour se reproduire et pour élever ses alevins qui se nourrissent dans un premier temps des détritus.

Limnochromis auritus en aquarium

Je maintiens depuis deux ans un groupe de 8 exemplaires dans un aquarium communautaire de 570 litres avec des Cyprichromis sp. tricolor, Cyathopharynx foae Mbita, Neolamprologus longior, Julidochromis marksmithi, Ectodus descampsii et Altolamprolus compressiceps Chaitika.

La totalité du fond de l’aquarium est couverte de roches jusqu’à la moitié de la hauteur d’eau. Il y a juste quelques pieds de Ceratopteris fixés entre les rochers. La filtration est constituée par deux filtres alimentés par des pompes de 1000 l/h. La masse filtrante de ces deux filtres est composée de coquilles broyées qui stabilisent le pH de l’eau à 8.2. La sortie des filtres va dans un filtre semi-humide d’une capacité de 30 litres installé sous l’aquarium qui sert de support bactérien avec des bio-balles, le tout avec une épaisseur de 5 cm de perlon pour retenir les impuretés les plus fines.

Limnochromis auritus – mâle.

Comme nourriture, je donne à mes poissons du Tetra Min, de la spiruline, des Artémias, Mysis, Krill et larves de moustiques congelés. Les poissons sont nourris entre 3 et 4 fois par jour.

Comportement

Limnochromis auritus montre un comportement réellement peu courant pour un cichlidé africain. Ces poissons aiment la compagnie de leurs congénères et se maintiennent quasi groupés à l’intérieur de leur grotte ou quand ils patrouillent l’aquarium en quête de nourriture. Ils montrent un peu d’agressivité à leur introduction dans le bac. C’est je pense, le temps que s’instaure la hiérarchie entre les différentes espèces.
Mais une fois que celle ci est établie, l’agressivité disparaît complètement, se réduisant à quelques pressions entre quelques individus du groupe. Les autre locataires du bac sont pratiquement ignorés. On pourrait croire que ce poisson est dénué de caractère et que les couples, avant de se reproduire, s’intègrent dans le groupe sans le moindre sentiment de territorialité et trouvent même refuge auprès de ce dernier.

Une complète harmonie.

Cette situation se dégrade uniquement en une occasion, celle où les alevins deviennent mobile et prennent un peu de liberté. C’est alors que le couple contre toute approche d’intrus.
La reproduction

Dans mon cas, ce fut presque inespéré dans le sens où rien ne laissait prédisposer à cet acte magique. Je n’avais aucun signe avant coureur (pariade, etc.) qui aurait pu attirer mon attention vers l’aquarium. J’avais la certitude qu’il y avait un couple déclaré depuis que deux individus passaient leur temps ensemble et qu’ils se contorsionnaient comme la plupart des cichlidés en écartant les opercules. Mais il n’y avait aucun comportement territorial ni agressivité de la part du couple. Je ne m’attendais donc à aucun heureux dénouement. De temps en temps, j’observais les poissons qui passaient leur temps à creuser des trous dans la grotte, ainsi que le mentionnent certains auteurs.

Le jour de noël 1998, je passais devant les bacs pour donner à manger à mes pensionnaires. Tous les poissons sortirent à ma vue et toujours aucun signe particulier annonçant une ponte imminente. Vers 17 heures, je repasse pour la deuxième ration et je constate avec surprise un des deux poissons la bouche gonflée et ne portant aucun intérêt pour la nourriture proposée. Cet individu, supposé la femelle, se promenait avec les autres poissons du groupe et faisait des retours incessants vers la grotte.

L’autre exemplaire, supposé le mâle, se nourrissait sans problème avec les autres poissons et contrairement à ce qui est dit sur cette espèce, ne semble pas partager la tâche d’incuber les œufs avec la femelle, et ce, durant toute la période d’incubation. Certains auteurs soutiennent que les deux sexes participent activement à l’incubation des œufs et des alevins et même que le transfert des alevins se fait de bouche à bouche dès lors qu’un des deux parents désire s’alimenter. Dans mon cas, cette phase n’a pas pu être observée, le mâle se limitant à la défense du territoire d’où furent libérés les alevins, et seulement durant cette courte période.

L’incubation dura 17 jours à 25°C. Dès lors, le couple abandonna la grotte partagée avec les autres congénères et s’appropria à l’autre extrémité du bac un nid du mâle Cyathopharynx foai, ce dernier cédant son nid avec une gène certaine face à ces deux individus de 15 cm. Le nombre d’alevins était très élevé. Selon mon expérience acquise avec des pontes de cichlidés américains, j’estimai le frai à plus de 500 alevins très petits, d’environ 5 mm. Ces derniers étaient libérés par la femelle dans le creux du nid déserté par la force des choses par son ancien propriétaire. Ils étaient maintenus dans le fond de la dépression et la femelle permettait de rares incursions au sommet du nid par une ascension verticale sur toute la hauteur du bac, soit 65 cm. Réellement spectaculaire de voir cette nuée couvrir une telle superficie !

A la fin de la journée, la femelle récupérait toute la marmaille dans sa bouche, avec quelques peines je reconnais depuis que les alevins ne répondaient pas toujours à son signal et qu’elle était obligée d’aller les chercher. Cela prenait parfois entre 8 à 10 minutes. Les premiers jours, avant un signe de danger, le femelle produisait une série de brusques mouvements avec ses nageoires et les alevins répondaient en se massant sur le fond de l’aquarium et quand la bouche de la femelle s’approchait d’eux, ils s’y engouffraient rapidement. Quand les alevins ont pris un peu plus d’endurance, ils répondirent de moins en moins à ces signaux, ce ci favorisant la prédation par les reste des habitants de l’aquarium. Beaucoup d’alevins furent ainsi éliminés et avec les 100 qui restaient, la tâche protectrice des parents était facilitée.

Femelle protégeant ses alevins alors qu’ils s’alimentent

Trois semaines après la libération des alevins, ces derniers passent la nuit dans la bouche de leur mère.

La femelle réagit rapidement en reprenant ses alevins au moindre signe de danger.

Les adultes se sont accaparés du nid déserté d’un mâle Cyathopharynx foai. Les alevins y sont confinés.

Les alevins, pour se nourrir, utilisaient avec surprise les déchets présents dans l’aquarium et n’ont à aucun moment montrés des signes de mal nutrition. Ceci confirme donc les observation faites dans la nature. Les tentatives de distribution de nauplies d’artémias furent totalement infructueuses, ce qui est certainement du à la hauteur de l’aquarium et à la timidité excessive des parents. En effet, lorsque les parents abandonnaient la nid pour aller se nourrir, les autres habitants de l’aquarium se jetaient sur les alevins pour faire un petit banquet. Les parents réagissaient alors avec violence et attaquaient au moindre signe d’agression. J’ai essayé de distribuer des nauplies avec un tube à air préalablement positionné au bon endroit et avec une petite seringue, j’expédiais des nauplies directement dans le nid. Mais cela troublait trop les parents et ce fut un échec complet.

J’ai donc définitivement abandonné l’idée d’alimenter les alevins qui en fin de compte, se contentaient des déchets de nourriture des parents. A l’âge d’un mois, les parents m’ont laissés nourrir les alevins par une nourriture adaptée à leur taille. Après ces quatre premières semaines, le banc a été divisé par quatre et deux semaines plus tard, encore par deux, ce qui nous ramène à environ 50 alevins dont 25 ont été élevés à part. Les alevins restants ont été laissés avec leurs parents et continuent de souffrir de la prédation. Deux semaines plus tard, tout avait disparus.

Les alevins prélevés ont rapidement grandis. Ils ont une taille à ce jour d’environ 1,5 cm. A partir de cette taille, et pour une raison inconnue, la moitié est morte en l’espace de deux semaines. Celle qui me reste ne présente aucun problème et pousse sans difficulté.

En définitive, Limnochromis auritus est un excellent poisson pour ceux qui aiment les cichlidés africains tranquilles et qui disposent d’un bac de moins de 300 litres. Selon mon expérience avec les poissons du lac Tanganyika, je crois que, avec le Cyphotilapia frontosa, c’est une des espèces les plus calmes que j’ai pu maintenir. Évidemment, il faut respecter ses exigences minimales, un espace et une alimentation adaptés. Dans des aquariums de taille plus réduite, le comportement de ce poisson, comme celui des Cyphotilapia frontosa, peut être légèrement modifié.
Bibliographie

Staeck, W & H. Linke (1994). African Cichlids II. Cichlids fron Eastern Africa. Tetra Press

Konings, Ad (1988) Tanganyika Cichlids. Cichlid Press

Koning, A. et al (1993). Enjoying Cichlids. Cichlid Press

Brichard, P. (1989) Cichlids and Other Fishes From Lake Tanganyika. TFH Publications

 

 

 

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