Neolamprologus christy

Neolamprologus christy

Neolamprologus christyi

Neolamprologus christy (Trewavas & Poll, 1952)

Neolamprologus christy à Isanga

Neolamprologus christy à Isanga

D’après Eric Genevelle (Janvier 2002)

 

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais ce poisson m’a toujours fasciné. Les rares photos disponibles (généralement prises par Ad Konings dans le milieu naturel) laissaient sous entendre un Neolamprologus racé, à la tête de dauphin, la caudale échancré, l’œil malicieux et délicatement coloré de bleu sous les plus beaux rayons du soleil. La légende disait qu’en aquarium ils ne coloraient pas et se teintaient de gris. De plus, le comportement était annoncé comme douteux, voir passable. Il me fallait donc tenter l’expérience et si possible avec des individus sauvages… que j’ai pu pêcher lors de mon voyage en Zambie avec l’aide de Dupont.

Mes 5 exemplaires, après avoir transités par Abysse furent mis dans un 1100 litres de 2,5 mètre de long. Ce bac est schématiquement divisé en 5 zones viables et le comportement des spécimens fut scrupuleusement noté durant une période de 2 mois. L’ensemble de ces notes figurent dans les tableaux ci-joint puis seront discutées dans les commentaires suivants.

Zone 1 zone 2 filtre
Zone 3 Zone 4 Zone 5

 

Plan de l’aquarium et zones de fréquentation

  • F1  Femelle dominante N°1
  • F2  Femelle N°2
  • M1  Mâle Dominant
  • M2  Mâle dominé marbré
  • M3  Mâle dominé non coloré
Date Positions Observations
13/11/00 Dupont me pêche 5 exemplaires (3 gros et 2 petits) dans les rochers de la pointe d’Isanga à une profondeur de 2 m.  
Mars 2001   Arrivée en France d’un groupe d’une vingtaine de spécimens. J’en prends 5. Installation dans le bac…
Avril 2001 Spécimens & Zones

F1  4
F2  5
M1  3
M2  4
M3  1 & 2

Le couple de buescheri qui était en 4 se fait déloger en 5 minutes en 1.

F1 tape sur M1 et sur F2

01/05/01   Je retire du bac les Ophthalmotilapia ventralis (territoire en 4) à l’occasion d’un changement d’eau.
02/05/01 Spécimens & Zones

F1 4
F2 5
M1 3
M2 4
M3 1 & 2

F1 et M1 se reproduisent en 3, mais le site de ponte est mal préparé.

M1 dévore les œufs au fur et à mesure.

La femelle retourne immédiatement en 4.

M3 intervient lors de la ponte pour y déposer son sperme.

04/05/01 Spécimens & Zones

F1 4
F2 5
M1 3 => 3 & 4
M2 4 => 2
M3 1 & 2

M1 est désormais accepté par F1 dans 4

M2 est chassé.

12/05/01 Spécimens & Zones

F1 4
F2 5
M1 3 & 4
M2 2
M3 1 & 2

Changement d’eau.

F2, située dans 5 est entourée d’une dizaine d’alevins. Ils ont été pondus sous une roche près du filtre. Je n’ai pas observé la ponte mais ne pense pas que ce soit M1.

En l’absence du mâle, le frai disparaît dans les 24 heures.

13/05/01 Spécimens & Zones

F1 4
F2 5
M1 3 & 4
M2 2
M3 1 & 2

F1 et M1 pondent en 4 sous une dalle de pierre au centre du bac dans la zone sablonneuse.

M2 et M3 interviennent et ajoutent leur sperme.

La défense du territoire n’est pas très importante. F1 reste dans la zone des 50 cm et M1 va de 3 en 4. F1 passe la nuit sous la dalle avec le frai et nettoie les œufs. Le couple ne chasse que les Mastacembelus et les Synodontis.

16/05/01 Spécimens &  Zones

F1 4
F2 5
M1 3 & 4
M2 2
M3 1 & 2

F1 a décollé les larves en éclosion du dessous de la dalle pour les placer dans une petite dépression sablonneuse sous la roche.

F2 attire M1 dans son territoire mais sans réel succès.

F1 passe la nuit sous la dalle.

17/05/01 Spécimens &  Zones

F1 4
F2 5
M1 3 & 4
M2 2
M3 1 & 2

F1 garde ses laves écloses et les déplace 2 à 3 fois par jour.

M1 assure une protection lointaine.

20/05/01 Spécimens &  Zones

F1 4
F2 5
M1 3 & 4
M2 2
M3 1 & 2

Les larves commencent à nager et à sortir de la grotte. La femelle les regroupe à longueur de journée.

Les juvéniles mangent leurs premières nauplies d’artémias.

21/05/01 Spécimens & Zones

F1 4
F2 5
M1 3 & 4
M2 2
M3 1 & 2

Les alevins couvrent une surface de 0.5 m2 (1 m de long).

Environ 150 alevins.

La femelle assure la garde rapprochée et rassemble les alevins.

Le mâle éloigne les prédateurs de la zone sablonneuse.

22/05/01 Spécimens & Zones

F1 4
F2 5
M1 3 & 4 & 5
M2 2
M3 1 & 2

Les alevins prennent de la hauteur et forment un nuage protégé par M1 et F1.

F2 a pondu en 5 sous une pierre (100 œufs). M1 doit être le mâle car lui rend visite mais ne protège pas les œufs. Ne semble pas prouver que cette espèce soit polygame (conditions de l’aquarium).

Neolamprologus christy dans l’aquarium de l’auteur

 

Neolamprologus christyi Neolamprologus christyi Neolamprologus christyi
Oeufs de Neolamprologus christyi Neolamprologus christyi Neolamprologus christyi

Répartition géographique

Présent d’Isanga (Zambie) à Kipili (Tanzanie). Holotype collecté à M’tosi (Tanzanie), au bout de la pointe rocheuse par 3-4 m de fond. Collecte faite en 1926-1927 par le Dr C. Christy pour le BMNH. Insérée dans les collections du BMNH en 1950

Biotope

Zone intermédiaire, voir limoneuse, entre 2 et 25 mètres. Les couples choisissent généralement un territoire constitué d’une vaste zone plane de 2 à 3 mètres carrés et entouré de plus gros blocs rocheux. Cette zone plane peut être constituée d’une large dalle de pierre mais avec toujours des petites zones de sable. Le site de ponte se situe donc généralement sur un des côtés de cette grande dalle, soit dans une faille horizontale située à la base d’un des gros blocs entourant le territoire, soit sous une pierre plate située à même le sable dans cette même zone. Neolamprologus christy est un poisson qui ne s’aventure jamais en pleine eau, sauf pour y chasser un intrus. Il préfère rester coller au substrat pour l’écouter. Même lorsqu’il se déplace, il ne s’éloigne guère plus de 10cm du fond.

Caractéristiques morphologiques :

  • Caudale à lobes pointus
  • 50-60 écailles irrégulières sur la ligne latérale
  • 2 lignes latérales irrégulières. La plus basse commence très en avant par rapport aux autres espèces
  • 6 canines sur chaque mâchoire
  • Os pharygien en triangle avec des petites dents uniscupides et en arrière en bas et des dents plus grosses, molariformes sur l’os du haut.
  • Corps allongé et compressé latéralement
  • Pas de races chromatiques connues
  • Coloration marron-noirâtre se renforçant en période de reproduction. Les individus dominés restent grisâtres ou beige comme le N. mondabu (mais ce dernier à une caudale arrondie). Des reflets bleutés apparaissent sur les nageoires des individus dominants ainsi que chez les juvéniles.
  • Ad Konings et H.J. Herrmann annoncent une taille maximale pour le mâle de 14 cm et de 12 pour la femelle.

Différentiation sexuelle :

Le mâle semble posséder un liseré jaune sur la partie postérieure de la nageoire dorsale.

La femelle est plus agressive que le mâle.

Ne pas se baser sur la bosse sur la tête qui est présente chez les deux sexes.

Au moment de la reproduction, la papille génitale de la femelle est très saillante, de 3 mm et dirigée vers l’avant.

Processus de reproduction :

C’est la femelle qui déclenche la reproduction. La parade est assez courte (30 minutes avant l’émission des premiers œufs). La femelle attire le mâle dans son territoire de ponte. Ce dernier est constitué d’un petit surplomb rocheux posé sur la zone sablonneuse. Dans tous les cas, le fond doit être une zone plate (sable ou roche, peu importe).

Site de ponte en milieu naturel à Isanga

Site de ponte en milieu naturel à Isanga.

La faille ou le surplomb sera juste assez grand pour que les deux partenaires puissent s’y glisser (3 cm de haut et d’une surface d’environ 15 * 10 cm de surface). La femelle nettoie rapidement le plafond de la grotte puis attire le mâle en se couchant devant la grotte et en frottant son corps sur le sable en de brèves et rapides secousses.

C’est ce signal qui est perçu par le mâle puisque tous les mâles présents dans la zone (qu’ils soient l’élu ou non de la femelle) rappliquent. Les deux poissons pénètrent alors sous la dalle et se retournent dos en bas pour coller ainsi leurs organes reproducteurs contre le plafond de la grotte. Ils se frottent l’un contre l’autre dans cette position inconfortable. Au bout de 15 à 20 minutes, les premiers œufs sont pondus par chapelets d’une vingtaine. Le mâle féconde les œufs en même temps que ces derniers sont émis par la femelle. Les œufs blancs, minuscules (environ 1 mm de diamètre) restent collés à la roche.

Le couple répète la scène pendant près d’une heure pour finalement tapisser le dessous de la dalle d’environ 200 à 300 œufs. Pendant que le couple est occupé à pondre, les autres mâles dominés viennent s’intercaler entre le mâle et la femelle afin de déposer leur sperme à la volée. Le mâle dominant intervient en chassant l’opportuniste, mais généralement, le mal est fait.

Ce comportement pirate a déjà été observé chez d’autres espèces du lac Tanganyika (Paracyprichromis brieni, Aulonocranus dewindti, Pseudosimochromis curvifrons et Simochromis diagramma) mais uniquement chez des incubateurs buccaux. Ce comportement, observé à chaque occasion chez ce pondeur sur substrat caché est donc une première à ma connaissance.

Comportement alimentaire :

A l’aide de ses pores céphaliques très développés, Neolamprologus christy cherche sa nourriture en “écoutant” le sable. Quand il entend un bruit, il souffle sur le sable à environ 2 cm de distance pour y capturer les larves d’insecte et autres petites crevettes (comme le L. callipterus).

Il lui arrive aussi de se frotter vigoureusement sur le sol pendant trois ou quatre secondes afin de déterrer les invertébrés qui s’y cachent. Ce comportement, observé dans la nature, a été abandonné après 3 semaines de vie en aquarium. Le christy est aussi un prédateur redoutable si on le met en présence de petits conchylicoles (15 L. multifasciatus et 5 L. ocellatus à son crédit). Il se place au-dessus des coquilles et attend patiemment. Dès qu’un poisson (jusqu’à 2,5 cm) sort la tête d’une coquille, il fond dessus et rate rarement son coup. Il semble par contre beaucoup moins à l’aise pour attraper ses victimes en pleine eau.

Il se nourrit aussi de petits gastéropodes (observation faite en aquarium, et confirmé par les contenus stomacaux de spécimens sauvages) et la forme de sa bouche, qui ressemble étrangement au N. mondabu, semble s’y prêter.

Bibliographie :

Trewavas, E. and Poll, M. – 1952 -Three new species and two new subspecies of the genus *Lamprologus*, Cichlid fishes of Lake Tanganyika. Bull. Mus. Hist. Nat. Belg. 1-16

 

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