Neolamprologus furcifer

Neolamprologus furcifer

Neolamprologus furcifer

Neolamprologus furcifer

Par Philippe Burnel & Thierry Pallier (mai 2000)
(Article publié dans la Revue Française des Cichlidophiles N°157 mars 1996 )

De prime abord quand un néophyte entend parler de « furcifer », sa pensée va immédiatement vers Cyathopharynx furcifer, merveilleux poisson aux couleurs éblouissantes et à la maintenance passionnante.

Neolamprologus furcifer est nettement moins connu. Si notre néophyte s’imagine alors, du fait de la similitude des noms, avoir affaire à un lamprologue particulièrement coloré, il risque d’être considérablement déçu par l’apparence de ce poisson. Quand, de plus, il saura que pour son bien-être le poisson applique avec assiduité l’adage « pour vivre heureux, vivons cachés », notre aquariophile risque d’être alors bien désappointé.

Et pourtant l’espèce ne manque pas d’intérêt. Certes sa coloration dominante marron n’a rien de bien enthousiasmant mais les grands yeux d’un beau bleu azur et cerclés de jaune lui donnent un charme certain, ajoutons des nageoires pectorales jaunes, une grande queue bifide et, pour les grands mâles, une importante gibbosité nucale et le tableau sera complet.

II faut dire que les sujets d’importation ont bien souvent un comportement typique de poisson ayant oublié de gonfler leur vessie natatoire, ils sont collés au fond et effectuent de temps à autre des « sauts » pour se déplacer.

Souvent maigres on peut croire qu’ils ont déjà pris leur ticket pour le paradis des Cichlidés. Par contre si vous les voyez collés à une vitre verticale, la tête en bas, c’est que tout va bien !

L’espèce occupe dans le lac Tanganyika les zones rocheuses. Son milieu de prédilection est constitué de grandes failles ou de grottes qu’il hante en solitaire, le ventre collé au substrat à la manière des Julidochromis.

On le rencontre ainsi la tête en bas ou le ventre en l’air. II va de soi que sa maintenance devra tenir compte de ce mode de vie ; des roches placées verticalement dans l’aquarium pourront créer de grandes failles qu’il appréciera particulièrement.

Neolamprologus furcifer à Bulu point.

Nous avons eu la chance de faire l’acquisition de cinq sujets sauvages en pleine forme, chez un commerçant rouennais. Les poissons provenaient d’un grossiste belge qui les gardait depuis plusieurs semaines, ce qui nous a considérablement facilité l’acclimatation !

La « retournette » nous montra qu’il y avait deux mâles et trois femelles. Les tailles s’échelonnaient globalement entre 7 et 12 cm. L’absence de bosse chez les mâles (les deux plus gros poissons) nous laissait supposer que la croissance était loin d’être terminée. Ce qui fut confirmé puisque, un an plus tard, un des mâles fut mesuré à 17 centimètres (à priori l’autre semble encore plus grand!). Les poissons se firent très bien à leur nouveau domaine. Compte tenu de la taille des sujets adultes et de l’agressivité intra-spécifique il nous semble qu’il ne faut pas leur accorder un volume inférieur à 500 litres, en considérant qu’ils ne seront pas seuls dans ce bac !

 

Neolamprologus furcifer

Neolamprologus furcifer en aquarium au magasin Abysse.

Un couple fut placé dans un bac de 800 litres peuplé de poissons du Tanganyika qui furent, peu de temps après, remplacés par des M’bunas (!). Cette cohabitation incongrue ne posa absolument aucun problème, les N. furcifer ayant en quelques mois atteint une taille respectable (17-18 centimètres pour le mâle, à peine moins pour la femelle), et étant dotés d’un don pour la défense du territoire largement consolidé par deux paires de canines bien saillantes et totalement dissuasives!

La femelle s’octroya rapidement un territoire entre la vitre arrière et une grande (et lourde !) roche verticale largement pourvue d’anfractuosités; le mâle hésita longtemps, se déplaçant fréquemment au-dessus du sable parmi ses colocataires, finalement il occupa un territoire contiguë à celui de sa compagne, entre une vitre latérale et la roche précitée.

Le trio restant fut placé dans un bac de 3 mètres de long peuplé de Cichlidés divers du Tanganyika (Cyathopharynx, Paracyprichromis « blue neon », Xenotilapia, Altolamprologus, Cyprichromis sp. « Jumbo » etc..). Le mâle en domina (très) rapidement la moitié gauche après quelques bagarres avec les « blue neon » qui partagent le même type d’habitat dans le bac (parois verticales des falaises dans le lac). La première femelle opta pour la seconde moitié du bac tandis que la seconde dut se contenter de l’angle avant gauche.

La reproduction

Comme souvent chez les pondeurs sur substrat caché la ponte est très discrète. Dans le trio la femelle élue fut celle de gauche, plus proche du mâle et ne défendant pas de territoire. La première ponte fut observée alors que la femelle ventilait, et défendait, une cinquantaine d’œufs verdâtres collés sur une partie verticale du décor. Toutes les pontes suivantes de cette femelle furent couronnées de succès alors que la deuxième femelle ne fit que deux tentatives, non transformées. Les pontes ont lieu dans le territoire du mâle qui semble avoir cédé cette enclave à sa partenaire, et ceci de façon définitive.

Oeufs collés à la roche.

Deux jours après la ponte la femelle déplaça ses œufs dans une anfractuosité située sur la même pierre. Le lendemain nous attendions avec impatience la sortie éventuelle de quelques larves, en vain. Un ou deux jours plus tard des cyclops furent injectés dans la cavité au moyen d’une seringue prolongée d’un long tuyau. En fait les alevins n’étaient pas là où on les attendait ! Une trentaine de larves nageaient sous la roche étroitement surveillées par la mère! Les autres habitants ont alors voulu s’approcher du berceau, attirés par une curiosité toute légitime, et par l’envie de « fêter » l’événement par un bon gueuleton. Histoire de maintenir d’amicales relations de bon voisinage ! Mais la maman des poissons n’est pas bien gentille, sa dentition généreuse et ses départs canon ont rapidement persuadé les pique-assiette de ne pas y revenir.

Larves accrochées au substrat.

La reproduction du deuxième couple (placé dans le bac de 800 litres avec les M’bunas) fut encore plus discrète puisque c’est un alevin de 2 à 3 centimètres qui fut le premier aperçu sous la roche derrière laquelle réside la femelle. Plus tard d’autres alevins purent être vus, puis une ponte. L’observation est très difficile car cette femelle pond dans une petite cavité située à l’arrière de la roche très près de la paroi postérieure du bac, il faut donc immerger une glace pour voir quelque chose. Les alevins sont surveillés uniquement par la mère, le mâle, bien que proche, s’en désintéresse totalement, il ne pénètre d’ailleurs dans le territoire de la femelle que pour la ponte. Les jeunes évoluent le long de la paroi rocheuse et ne s’en éloignent jamais.

Ils sont surveillés jusqu’à une taille approximative de un centimètre, des petits frères et sœurs les remplacent alors. II est temps pour eux de prendre leur indépendance en se faufilant dans les anfractuosités où au milieu des racines d’Anubias qui couvrent largement les roches. Leur comportement n’est pas sans rappeler celui des jeunes Julidochromis et nous avons craint de voir nos bacs envahis par toute cette marmaille. En fait il semble bien que les grands frères, dotés d’un appétit remarquable, profitent très largement de la présence de leurs cadets pour augmenter leur taux de croissance.

C’est ce que nous avons aussi pu observer dans des bacs d’élevage. Convenablement alimentés, les jeunes grandissent relativement vite (pour des « lampros »!). II conviendra de veiller à leur fournir un bac assez spacieux, étant donné la forte agressivité intra-spécifique, l’élevage en compagnie de jeunes poissons remuants (type M’buna) permet de faire diversion.

Nous espérons que ce modeste article aura donné à quelques uns le goût de découvrir ce poisson, certes peu coloré, mais au comportement attachant.

Dimorphisme (mâle/femelle).

Bibliographie

P. Brichard, 1978, Fishes of lake Tanganyika. TFH
Ad Konings, 1988. Tanganyika cichlids. Verduijn Cichlids & Lake fish Movies
H. Linke et W. Staeck, 1986, Cichlidés africains, Espèces de l’Afrique Orientale. Ed. Tetra
M. Poll, 1956, Exploration hydrobiologique du lac Tanganika, vol III, fasc 5B. Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique.
P. Tawil & P. Amourig, 1986. Neolamprologus furcifer, la Camarde dans nos aquariums. Rev. Franç. des Cichlid. n° 63, Nov. 1986

 

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