‘Lamprologus’ calliurus 

‘Lamprologus’ calliurus 

"Lamprologus" calliurus Mpimbwe

‘Lamprologus’ calliurus 
‘’Giant Mpimbwe’’ 
Boulenger, 1906

D’après Henri Mouy (juillet 2001)

Bien que décrit par le Sieur Boulenger à l’aube du siècle dernier (Transactions of the Zoological Society of London 17 (6/1); p 560) à partir d’un spécimen collecté aux environ de Tembwe, village de la côte rocheuse Congolaise, le ‘Lamprologus’ calliurus a été pendant de longues années plus connu de la littérature sous le taxon provisoire de Neolamprologus sp. Magarae (car collecté près de Magara, Burundi par l’équipe de Fishes of Burundi ou par Aqua Product à Kigoma) ou encore ‘Lamprologus’ sp. aff. brevis en raison de sa forte ressemblance avec cet autre conchylicole.

Quoi qu’il en soit, à peu près tous les Tanganyicophiles connaissaient cette espèce et ses quelques formes chromatiques (avec plus ou moins d’orange sur le dessus de la tête), sans pour autant que ces dernières ne défraient la chronique. Une espèce relativement paisible, vivant en couple harmonieux et s’accommodant d’un espace relativement confiné sous réserve qu’on mette à sa disposition quelques grosses coquilles d’escargot de Bourgogne.

Mais bon, pas de quoi s’emballer, d’autant que même si la caudale de notre ami présente des lobes effilés des plus gracieux, la couleur générale de la bête (relativement terne) ne risquait pas d’enflammer le CAC 40.

Tout ceci jusque début 2000. En effet, c’est à peu près à cette époque qu’un importateur suédois, basé à Kabwe (Tanzanie), déniche une nouvelle forme chromatique étonnante de notre poisson. Il trouve ce dernier dans un site de collecte nommé « Frontosa Bank » situé à environ 1 mile de Mpimbwe. La profondeur avoisine les 30 mètres et le sol rocailleux est en pente relativement abrupte. En contrebas du site se trouvent les fameux Cyphotilapia gibberosa Mpimbwe si bleu. Chose surprenant, notre callirus ne vit pas dans un lit de coquille, contrairement aux autres population connues. Il passe sa vie entre les petits éclats de pierre qui forment un dédale de galeries à même le substrat. On trouve cependant quelques traces et morceaux brisés de coquille, comme si la zone avait été hanté par ces mollusques.

La première chose qui frappe l’observateur

c’est la taille des spécimens. Ils sont facilement 50% plus grands que les calliurus communs (12/8 contre 8/4 cm). Même s’il y avait des coquilles dans la zone, les femelles auraient peine à s’y cacher (dans le lac, on ne trouve presque que des Neothoma de la taille d’un bourgogne). C’était un peu comme si une population de calliurus avait été isolée des autres dans ce récif et s’était adaptée (sous la forme d’un gigantisme) à la disparition des coquilles. Les exemples de cas ou des espèces prennent une forme naine pour s’établir dans les champs de coquilles foisonnent dans le lac Tanganyika. Pourquoi n’existerait-il pas un phénomène inverse ?

La seconde chose qui attire l’œil, c’est l’intensité du jaune qui couvre l’intégralité du dessus de la tête de cette forme chromatique. Un jaune si pur que cela nous fait penser à des Chanda colorés. Comme si notre ami s’était doté d’une casquette jaune (Stabilo) fluo sur la tête. On ne retrouve cette intensité de jaune sur aucune autre espèce du lac Tanganyika, toutes formes chromatiques confondues. Si seulement l’ensemble de son corps ou ses nageoires pouvaient se parer des mêmes attributs, ce serait le plus beau poisson du lac.

Retournons désormais sur terre, ou plutôt dans nos bacs pour en étudier la page image de son comportement supposé naturel (car les facéties de notre ami dans le lac ne sont connues que de ses sirènes).

Tout ce que je peux dire sur leur maintenance est que mon couple ne semblait pas satisfait des 100 L proposés en premier lieu. Je peux comprendre vu la taille. Bien essayé quand même ! Placé dans un 200 L fut plus à sa convenance (il n’occupait même pas l’ensemble de l’aquarium, ce qui laisse penser que son territoire dans la nature est fort restreint). Il s’y est reproduit à plusieurs reprises avant d’être emporté par la rechute d’une maladie. Heureusement, je prends quelques notes, d’où l’article, pardi !

J’ai ainsi noté que passé la période d’acclimatation, ils étaient extrêmement agressifs (envers moi puisqu’ils étaient seuls dans leur aquarium), m’attaquant lorsque je nettoyais les algues ou lorsque je posais un doigt sur la vitre (il a même une fois perdu une dent dans ma main, ce qui n’a permit de remarquer que les dents repoussent vite et avec le même émail rouge), même hors période de reproduction.

En période de reproduction, c’est pire !

5 jours après un frai, après avoir enfermé le mâle dans son pot, j’ai introduit ma main dans l’aquarium et je l’ai rapproché progressivement de l’emplacement du frai pour voir la réaction de la femelle. A 30 cm, elle est sortie en trombe, a « attrapé » ma main en se tortillant comme pour m’arracher un lambeau de peau et est repartie dans son trou. Heureusement que ses dents sont minuscules et que sa mâchoire est peu puissante !

Néanmoins, ça doit faire de l’effet à un frontosa. Dans un bac communautaire peuplé d’autre Lamprologues, ils semblent se tenir plus à carreaux. Eric Genevelle en possède également un couple dans un 1100 litres et il a observé que ces derniers étaient dominés par des poissons assez calmes comme des Altolamprologus compressiceps ou calvus. Pour le reste, il ne semblerait pas que ce soit un taquineur. Mais bien évidemment, tout change en période de reproduction.

‘Lamprologus’ sp. calliurus à Kasanga.

Pour un couple bien établi avec des changements d’eau d’1/3 par semaine, j’ai observé un cycle mensuel pour une production d’environ 20 alevins. Rien ne nous dit que des pontes plus espacées ne donneraient pas un frai plus abondant comme cela se produit chez d’autres Lamprologues, mais je n’ai pas cette expérience. Vous peut être ?

Il n’y a pas de coquille dans son milieu naturel ; c’est donc un pondeur sur substrat caché. Néanmoins, ayant assisté à une reproduction, j’ai constaté des réminiscences importantes du mode de reproduction classique de l’espèce (conchylicole) et il donc est probable qu’on puisse le reproduire dans une très grosse coquille.

J’ai pour ma part essayé deux méthodes : le pot de fleur retourné avec ouverture agrandie et, ce qui semble être le mieux, un tesson de gros pot de fleur qui, posé, crée une cavité allongée et peu haute avec une ouverture également allongée et également peu haute. Celle ci reproduit mieux la cavité que la femelle a tendance à creuser sous les pierres. Il est possible que ce soit son mode de reproduction naturel mais je n’ai aucune certitude la dessus. J’ai en tout cas supprimé toutes les pierres pour éviter une catastrophe.

Comportement reproducteur :

Chez cette espèce, la parade de flanc est accompagnée par une coloration marbrée extrêmement contrastée (forme un damier à deux bandes horizontales). Cette parade de flanc est régulièrement utilisée, soit lorsque la femelle s’approche de la cavité du mâle pour indiquer sa soumission, soit pour attirer le mâle vers sa cavité lors de la reproduction ; dans ce cas, elle est obligée d’insister.

Lors de la reproduction à laquelle j’ai assisté, un phénomène bizarre est survenu : la femelle a apparemment voulu poursuivre sa ponte dans un troisième pot de fleur (ni le sien ni celui du mâle). Le mâle l’a mordue lorsqu’elle essayait de l’attirer vers ce pot (laissant une cicatrice visible). Il a finalement pénétré dedans mais je crois qu’il n’y a pas eu de frai à cet endroit.

Par ailleurs, lors du frai, le mâle semblait hésiter entre une attitude de conchylicole (rester dehors) et celle d’autres pondeur sur substrat caché (rentrer avec la femelle sur le lieu de ponte). Mais loin de moi l’idée d’en tirer des conclusions hâtives quand au degré de spéciation (cependant, le lecteur remarquera la présence de restes distinguables de coquilles qui laissent également penser que celle ci est récente).

La femelle reste de 3 à 7 jours dans le site de ponte (sans manger) pour ventiler le frai et s’abstient de manger pendant les premiers jours. Pendant encore 10 à 12 jours, la femelle monte la garde mais plus distraitement (ça ne l’empêche pas de ramener au bercail les petits curieux).

Le frai s’émancipe progressivement passé cette période. Le mâle ne participe pas à la surveillance du frai (il ne ramène pas les alevins qui sortent) mais protège efficacement le territoire.

Lorsque le frai est sorti ( il est très petit donc c’est difficile de voir quand il sort ), il est accepté sur le territoire du mâle dont il ne s’éloigne gère. Au moindre danger, les alevins se plaquent contre le sable (très efficace car ils sont blancs avec de petits points noirs et restent ainsi presque indécelable). Les jeunes se nourrissent en attrapant ce qui passe dans l’eau mais ne s’éloigne guère plus de 10 cm du sol.

Comme chez beaucoup de Lamprologues, la croissance des alevins est très lente.

Bémol :

J’ai remarqué un taux anormal de malformations que je ne m’explique pas : Il parait qu’une montée de nitrites est généralement à l’origine des malformations mais j’imagine mal que ce soit le cas (il y avait quand même un filtre de 30 L avec un débit de 1200L/h) ; et je n’ose penser à une séance de bronzing aux rayons gamma. Mais là aussi, pas de conclusion précipitée. Depuis 20 ans, on a bien dû accuser tous les importateurs de traficoter certains poissons et, pour la petite histoire, rien n’a pu être démontré. Et puis, si un importateur ne veut que l’on ne reproduise pas un poisson, il est bien plus simple de n’exporter que des mâles (ce qui a été effectivement pratiqué !).

Cependant, je vais essayer de reproduire les mal formés ( pas la peine de hurler, c’est juste pour voir si les malformations sont d’origine génétique ou si elles ont pour origine un choc durant l’incubation et ainsi privilégier l’hypothèse du bronzing ou l’exclure). Le problème est que, vu la vitesse de croissance des alevins, il faudra attendre.

 

 

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