Cyprichromis leptosoma ‘Mpulungu’

Cyprichromis leptosoma Mpulungu
Le voleur de couleurs
D’après Naoufel Dekhli (février 1999) de L’AQUARIO
(Cercle Aquariophile et Terrariophile de Saint-Saulve AFC : 1463.59)
Les Cyprichromis sont des cichlidés du lac Tanganyika. On en dénombre plusieurs genres (leptosoma, microlepidotus, pavo, zonatus…) sans parler de tous les species (sp.’Jumbo’). Il existe également de nombreuses localités autour desquelles ils sont pêchés. C’est pourquoi le lieu de pêche est important dans l’appellation du poisson : il existe des C. leptosoma ‘Kigoma’, ‘Malasa’, ‘Karilani’ et d’autres appellation (‘Blue Flash’ , ‘Neon Head’…).
Il convient donc d’être prudent lors de l’achat de cette espèce : refusez tous poissons dont le lieu de pêche ou appellation commerciale (‘Blue flash’…) ne sont pas précisés. Dernier point, ne mélangez pas les espèces Cyprichromis et Paracyprichromis, les différents genres et les nombreuses variétés géographiques sous peine d’hybridation.
L’idéal est de commencer par acheter un groupe de sub-adultes déjà sexés. Selon le volume de l’aquarium, on choisira de trois à cinq mâles. Ces poissons sont très profilés, sveltes et élancés ce qui nous indique qu’ils sont de rapides nageurs c’est pourquoi il faudrait leur offrir un bac d’au moins 1,50m. de longueur de façade. Les femelles devront être plus nombreuses que les mâles afin que le ‘harcèlement’ qu’elles subissent ne soit pas toujours dirigé sur la même femelle. Il faut compter deux à trois femelles par mâle pour atteindre un équilibre, ce qui nous donne quatre mâles et douze femelles dans un aquarium aux dimensions généreuses : 1,50m*0,50m*0,60m (L*l*h).
Un point important : comme C. leptosoma ‘Mpulungu’ nage en pleine eau, la hauteur d’eau ne devra jamais être inférieure à 50 centimètres.
Revenons à notre groupe de sub-adultes nouvellement installé. Les mâles vont rapidement se délimiter leur territoire respectif en général à la verticale d’un rocher. Tout ce qui pourra contribuer à morceler le bac sera le bienvenu : des plantes (Vallisneria gigantea ou Anubias barteri , Ceratophyllum demersum…) et des roches créeront des ruptures visuelles qui éviteront des disputes trop fréquentes entre les mâles. Alors que les mâles vivent seuls en veillant constamment sur leur territoire, les femelles vont se déplacer en groupe dans l’aquarium. Dans la nature elles se déplacent en bancs de milliers d’individus accompagnées par de jeunes mâles qui ne se sont pas encore octroyé un territoire. Il est nécessaire de leur offrir une eau aux caractéristiques physico-chimiques identiques à celles de leur lac d’origine : un T.H .supérieur à 20°fr., un pH aux alentours de 8.0 et une température comprise entre 24 et 26°C. Les mâles matures sont franchement colorés. Il existe une forme à caudale bleue et une autre à caudale jaune. Dans son Guide Back To Nature des cichlidés du Tanganyika, Ad Konings précise que « les mâles d’une même localité présentent habituellement des différences de coloration. » Ce phénomène est appelé polychromatisme (mot d’origine Grec signifiant ‘plusieurs couleurs’).
![]() |
![]() |
Cyprichromis leptosoma ‘Mpulungu’
Quand une femelle pénètre dans le territoire d’un mâle, celui-ci vibre de tout son corps, ses nageoires sont entièrement étendues. Il y a alors deux cas de figure : soit la femelle n’est pas prête à pondre et elle ne répond pas aux avances du mâle. Dans ce cas, il la chasse. Ou alors elle est gravide et consentante, elle va alors rester auprès de lui. Celui-ci l’ayant bien compris, redouble d’efforts. Tout en paradant, il ‘va faire le ménage’ autour de son territoire dont la superficie augmente sensiblement : il chasse énergiquement tous les mâles con-spécifiques ainsi que les autres femelles.
La parade du mâle comporte trois phases. D’abord, il vibre pour inciter la femelle à se rapprocher de lui. Puis il passe au-dessus de la femelle et il s’en approche par l’arrière en détendant sa bouche protractile jusqu’à toucher parfois les flancs de la femelle. Enfin, il repasse devant elle, se contorsionne et lui présente sa nageoire anale. La femelle ne bouge quasiment plus, comme hypnotisée par la parade de son compagnon. L’émission d’un œuf peut prendre plusieurs minutes. On peut le voir sortir petit à petit par l’orifice génital de la femelle. Il est jaunâtre et étonnement gros (3 à 4 mm. de diamètre). Une fois pondu, il est repris en bouche par la femelle qui, pour ce faire, procède à ‘une machine arrière’. La fécondation de l’œuf a lieu dans la bouche de la femelle puisqu’elle happe constamment la nageoire du mâle et les pelviennes qu’il lui présente. Elle avale donc en même temps le sperme.
La ponte peut durer plusieurs heures au cours desquelles madame se retire de temps à autres du site de ponte pour ‘souffler’ un peu. Une fois la ponte achevée, elle s’enfuit avec une gorge distendue contenant parfois plus de quinze œufs. Un ami a par ailleurs un jour récupéré vingt-quatre alevins ce qui semble être un record ! Pendant trois à quatre semaines, la femelle ne va rien manger si ce n’est que d’infimes particules. Elle ne va cesser de remuer les œufs, puis les alevins en contractant et décontractant ses muscles buccaux-pharyngiens. Cela a pour but de bien les oxygéner. Il faut noter que la durée d’incubation est proportionnelle à la température de l’eau ainsi l’aquariophile peut abréger le ‘calvaire’ des femelles en augmentant la température jusqu’à 27°C. Il faut donc compter entre trois et quatre semaines à partir de la date de reproduction pour que les larves aient résorbé leur sac vitellin. La femelle ‘crachera’ alors ses alevins qui mesureront déjà un centimètre. C’est la solution dite naturelle. Mais si le bac est peuplé d’éventuels prédateurs (du type Lepidiolamprologus), on peut capturer la femelle de nuit et la faire ‘cracher’ dans un aquarium aux même qualités d’eau. Cette méthode soulève une polémique car de nombreux aquariophiles pensent (et j’en fait partie) que les mères transmettent un message à leurs alevins. En effet, on constate que les alevins femelles qui ne sont pas nés naturellement ont du mal à mener à terme leurs premières incubations.
Nos alevins ont une nage maladroite pendant les trois à quatre premiers jours mais ils ont déjà faim ! Ils goberont avec avidité les nauplii d’artémias, puis les vers grindal et les cyclopes. Plus on varie, mieux c’est, mais il faut s’astreindre à les nourrir trois fois par jour sinon c’est l’échec assuré (retards de croissance, déformations, voir mort). Bien nourris et dans un volume satisfaisant, on peut les sexer vers cinq à six mois, ils mesureront alors cinq centimètres.
Voilà, je vous souhaite autant de chance que moi avec les Cyprichromis. Ce sont des poissons magnifiques (sauf il est vrai pour la femelle) et intéressants. De plus ils vont peupler la partie supérieure de votre bac Tanganyika. Un beau jour, vous aussi vous verrez se balader dans votre aquarium un C. leptosoma sp. ‘Grosse Gorge’ (c’est à dire un C. leptosoma femelle en incubation !).
‘MPULUNGU’ : C’est un lieu de pêche à l’extrême Sud du lac Tanganyika, en Zambie et autrefois appelé Kinyamkolo. Citons à l’Ouest de Mpulungu et en Zambie :
Ndole Bay (lieu de capture des Xenotilapia singularis).
Sumbu Island et Sumbu Bay (Altolamprologus sp. ‘Sumbu’).
Cape Kachese (Julidochromis regani ‘Kachese’).
Cape Chipimbi (Cyprichromis sp. ‘Jumbo Chipimbi’).
Bac type avec des Cyprichromis leptosoma ‘Mpulungu’
– Les dimensions de l’aquarium seront de 1.50m*0.50m*0.60m soit 450 litres bruts.
– Un groupe de douze C. leptosoma ‘Mpulungu’ (quatre mâles pour huit femelles) occupant la pleine eau.
– Un couple formé de Julidochromis marksmithi aura pour territoire un éboulis rocheux.
– Six Eretmodus cyanostictus ‘Burundi’ cohabiteront autour d’un second amas de roches .
– Enfin, une demi-douzaine de ‘Lamprologus’ similis colonisera un lit de coquilles d’escargots de Bourgogne disposé à l’avant plan du bac.
– On pourra décorer l’aquarium avec des schistes ou de la pouzzolane (sa couleur rouge foncé offre un contraste intéressant).
Les plantes auront aussi leur place dans la mesure où on se cantonne à des espèces qui supportent sans difficulté une dureté élevée : Anubias barteri, A. barteri var. nana, Cerarophyllum demersum, Valisneria gigantea, Crinum thaianum.
Bibliographie
– Konings Ad, Le grand livre des cichlidés, Cichlid Press, 1994.
– Konings Ad, Tanganyika Cichlids, Verduijn Cichlids & Lake Fish Movies, 1988.
– Konings Ad, Le guide Back To Nature des Cichlids du Tanganyika, Cichlid Press, 1996.
– Konings Ad, Dieckhoff Horst Walter, Les secrets du Tanganyika, Cichlid Press, 1992.
– Richter Hans-Joachim, Le guide complet des Cichlidés nains, T.F.H. Publications, 1989, 1991: édition française.
– Dr Axelrod R. Herbert et Dr Burgess E. Warren, Cichlidés africains des lacs malawi et tanganyika, T.F.H., 1983- Troisième éd. Française.