Tropheus problèmes de cohabitation

Tropheus, problèmes de cohabitation
Par Rudy Pirquet (janvier 1999)
Je me présente, succinctement: Rudy Pirquet, bientôt 30 balais, aquariophile (belge, de Charleroi) depuis… 20 et cichlidophile depuis une décennie, je n’ai presque jamais quitté le Tanganyika. Voilà.
Aujourd’hui, je m’apprête à opérer un virage. Après des années de “pondeurs sur substrat” et de “conchylicoles” (essentiellement), je suis dans la phase terminale de l’extension et du réaménagement de ma modeste installation. L’idée derrière la tête? Me consacrer quasi exclusivement aux… Tropheus.
Donc, les Tropheus…
J’y pense en fait depuis maintenant deux ans, mais il a fallu adapter l’infrastructure et faire avec la place disponible et la tirelire. Et puis, il y a cinq ans, j’ai vécu une mauvaise expérience avec ces bouteurs. Alors, mieux vaut y réfléchir à deux, voir trois fois!
Ainsi, pendant ce temps, j’ai lu tout ce que je pouvais trouver sur les Tropheus. Et, l’unanimité semble plus ou moins être de mise… “L’idéal avec les Tropheus, c’est de constituer un groupe important (entre 8 et 15/20 individus selon le volume disponible), surpeupler le bac (15/20 litres par poisson) ça limite l’agressivité et, en cas de problème, écarter les mâles en surnombre pour n’en garder qu’un entouré de son harem.” Pour ce qui est uniquement du comportement, voilà ce qu’en pensent (à quelques nuances près) Konings, Jessica Miller, P “point”, certains éminents membres de l’ABC (Association belge des Cichlidophiles), etc. Vous semblez également être de cet avis.
Tropheus brichardi (groupe se nourissant).jpg (26087 octets)
Photo Ad Konings
Acte 1
Sauf que… C’est ce que j’avais fait il y a cinq ans! Dix T. moorii “Mpulungu” dans 450l et quelques Julidochromis. Et… cata! Après dix mois, un mort, un mâle. D’où recensement. Restent 2 mâles et donc, 7 femelles. J’isole un de ces messieurs et voilà-t-y pas que l’autre commence à maxauder les donzelles, à tour. Je laisse faire et compte sur l’établissement d’une certaine hiérarchie, tout en déplorant le tin pâle arboré par ces “moorii”, y compris le mâle dominant même si le jaune sur les côtés y est un peu plus soutenu. Et puis, l’erreur: trois jours à la mer et, au retour, deux dames épluchées jusqu’à l’arête, une haletante dans la décantation et trois autres planquées dans un coin supérieur du bac.
Seule une femelle résistait!… Ce couple a longtemps vécu heureux et… isolé (le même est mort l’an passé), tout en se reproduisant régulièrement. Et alors, quelle palette de couleurs! Mais bon, contraire à toutes les théories livresques… Alors quoi? Cas isolé ? Avais-je hérité du seul monogame de la bande? Pas de réponse, d’autant que je m’en retournai -pour plus de tranquillité- vers ces petites poissons-coquillages tellement fascinants. Fin du premier acte.
Acte 2
Pas de réponse, sauf que… Puce à l’oreille quand un trophéophile en herbe me raconte, quelques mois plus tard, le même genre de mésaventure. 500l, des “Bemba” (12) et des T. duboisi “Maswa” (9), ensemble depuis leur plus jeune âge, un an de calme et puis la débandade! Cela dit, le mâle dominant “Bemba” était superbe… Mais alors les autres, ils faisaient peine à voir. Les mois qui suivirent furent d’un rigolo pour le bonhomme. Retraits successifs des mâles en trop, ajouts de femelles, chamboulements du décor, surveillance constante (jusqu’à hésiter de partir en vacances, au grand dam de sa dame!), les mains dans l’eau, isolement, réintroduction, carpette mouillée, etc., etc. Il a craqué alors que le “Bemba” chef ne tyrannisait “plus que” trois donzelles et qu’un trio “Maswa” semblait faire bon ménage.
Aujourd’hui, y a des Ophthalmotilapia à la place.
Acte 3
Un autre pote. Idem même chose (ou presque) avec 12 T. sp. red “Chimba” dans 400l… Mais voilà que lui aussi, après une parenthèse “Aulonocara/Utakas”, il repique sur le Tropheus. Masochisme? Non. Peut-être une solution, dénichée dans l’acte 4…
Acte 4
Il y a quelques mois, Yves (monsieur “Chimba”) et myself avons réunion de l’ABC un monsieur fort sympathique résidant dans, ce que l’on appelle chez nous, les cantons rédimés (du côté d’Eupen, Malmédy, etc.). Comme il proposait des Tropheus lors de la bourse en sachets qui suivait la réunion, nous lui avons fait part de nos déboires. Et lui, de sa… réussite avec ses “sacrés garnements” comme il se plaît à les baptiser, depuis douze ans!
Après l’exposé ex cathedra, nus avons voulu vérifier de visu et in situ. Et, de fait, ça marche…
Recette
Bacs utilisés: 300, 400 et 500 litres. Filtration (sur mousse bleue) + brassage: 10 fois le volume. Éclairage intense. Nourriture: 1fois/jour des paillettes végétales (+spiruline) et de temps en temps, des nauplies d’artémias et des mysis. Un jour de jeûne hebdomadaire. Changements d’eau hebdomadaires: 20% (+ Aqutan et/ou Tetra Aquasafe). Jusque là, rien de révolutionnaire. Décor: le plus clair possible, pour les couleurs. Donc, de trois à cinq centimètres de sable de Loire; une/deux grosse(s) pierre(s) à gauche, idem à droite sur le tiers (max la moitié) de la hauteur, quelques petits galets au pied de ces gros blocs et vers le milieu du bac… pour les rejetons. Point. Frans (c’est notre bonhomme) ne plante pas ses bacs mais avoue que c’est un choix personnel.
Reste le plus important:
comment fait-il pour que ses bacs ne se transforment pas en arènes sanguinolentes?
Pour débuter une population, Frans choisit toujours de jeunes Tropheus qu’il peut sexer (à la retournette – et il est doué!), 1 mâle et 2 ou 3 femelles, jamais plus. Une seule espèce de Tropheus ou deux, pas plus, par bac et de toute façon, il est indispensable qu’elles soient totalement différentes, de coloration ou d’un point de vue géographique. Et jamais de T. brichardi, selon lui “vraiment trop agressif”. Pourquoi ce contre-pied à la méthode généralement conseillée? Pour lui, les Tropheus sont des animaux territoriaux, qui ont besoin d’espace. Bourrer les bacs ne fait, toujours selon Frans, que les stresser et donc, les rendre plus agressifs. Impossible non plus d’observer un comportement proche du naturel. Ainsi, il peuple ses aquariums selon la sacro-sainte règle du 1cm de poisson pour 3 ou 4 litres d’eau… Le résultat est étonnant. Jamais vu des Tropheus aux couleurs si chatoyantes, même les femelles qui possèdent toutes leur propre territoire. Et certains, notamment un couple de duboisi, un trio de “Bulu Point” et un autre de “Kaiser” ont déjà quelques années de nage… Mais, pas d’écailles en lambeaux pourtant, il y a parfois des bagarres, souvent entre deux mâles (mais pas toujours), qui se limitent toutefois à des intimidations à la frontière territoriale. La population est souvent complétée par un couple de Julidochromis, des Cyprichromis et/ou des Callochromis (un sabulicole qui semble tenir le choc Tropheus puisque lui-même quelque peu teigneux).
Épilogue
Tout comme Yves, et malgré que cette méthode de maintenance soit contraire à tout ce qui est écrit dans la littérature spécialisée et conseillé par la plupart des trophéophiles, j’ai bien envie de suivre la “méthode Frans”.
Qu’en pensez-vous ?
Quel est votre avis sur cette méthode?…
Vers un début de réponse (par Eric Genevelle)
Il ne faut jamais enlever un Tropheus d’un bac (sauf si malade). Cela change toute la hiérarchie d’où catastrophe. Il faut savoir que dans un bac de Tropheus, il doit y avoir au moins 3 mâles pour que tout ce passe bien:
- 1 mâle dominant
- 2 mâles subalternes
- et X femelles
Ainsi, les deux subalternes ou dominés vont chercher à prendre la place enviée de sous chef. Le dominant va tout faire pour éviter cela et même taper sur eux lorsqu’ils vont se prendre par la bouche. Pendant ce temps, il ne va pas harceler les femelles. C’est donc une situation stable. Si tu enlève un dominé, même s’il est un peu trop harcelé, l’autre dominé va essayer de prendre la place du dominant, d’où la panique. En cas de problèmes, il est utile de placer quelques tuyaux en PVC d’un diamètre de 5 ou 6 cm à la surface du bac (flotte ou accroché). Le poisson pourra s’y réfugier sans perdre sa place dans la hiérarchie. On peut aussi accrocher une brique creuse dans un coin supérieur du bac (voir article de P. Burnel à ce sujet). Autre point, je ne connais personne qui ait réussi à ré-introduire un Tropheus dans un bac où il avait été auparavant prélevé. Alors autant le laisser. Il faut mieux un souffre douleur que 10 morts.
A titre d’info, des expériences ont été faites en Allemagne avec des groupes de Tropheus avec 10 mâles et 2 ou 3 femelles. Et ça marche.
Enfin, il faut savoir qu’avec les Tropheus, rien n’est gagné d’avance et un même aquariophile peut avoir deux résultats différents avec deux bacs pratiquement identiques. Normal, les Tropheus ne sont pas des clones.