Les Tropheus
Article paru dans la RFC n° 207 mars 2001.
Laurent Bourdelas
Cet article a pour but d’aider tant soit peu les personnes désirant se lancer dans la maintenance de ces merveilleux poissons que sont les Tropheus.
Pourquoi cet article ? Pour condenser et essayer de résumer ce qui est déjà paru sur le sujet. Mais aussi éviter à d’autres les quelques expériences malheureuses qui sont arrivées à moi-même ou à d’autre aquariophiles. L’aquarium Pourquoi commencer par ce chapitre ?
Pour permettre de se donner les moyens nécessaires à la maintenance et éviter de faux espoirs à ceux ayant de trop petits aquariums à leur disposition. L’aquarium aura un volume minimal de 400 litres car dans un volume inférieur le comportement de nos hôtes n’est pas naturel et leur maintenance est plus risquée. J’ai des exemples d’hébergement dans des cuves de 250 à 300 litres mais le plus souvent il s’agit de chanceux possesseurs d’un seul mâle avec un harem de 5 à 6 femelles. Ce qui n’exclut d’ailleurs pas d’éventuels accidents de parcours. Nous verrons cette méthode de maintenance particulière dans la partie concernant les différents agencements de bac.
Les différentes espèces de Tropheus Certaines espèces sont plus faciles à élever que d’autres. Aussi allons nous les classer en fonction de leurs caractère, du plus accommodant au moins aisé, tout en sachant que même parmi les premiers, les exceptions ne sont pas rares.
Tropheus duboisi
Il s’agit d’un des Tropheus les plus maintenus et aussi des plus paisibles. Sa répartition géographique est discontinue dans le nord du lac. À Pemba* (Congo) il possède une bande blanche, tout comme à Karilani en Tanzanie ; entre la frontière du Burundi et Halembe (Tanzanie) la bande est jaune et on le connaît sous le nom de “Maswa”. Tropheus duboisi présente la particularité d’avoir une livrée très différente à l’état juvénile, sa robe est alors noire, tachetée de blanc à bleu nacré. La robe devient progressivement noire avec la tête bleue et une barre traversant le corps. Son domaine de prédilection varie entre 5 et 15 mètres de profondeur dans l’habitat rocheux mais il se rencontre également dans la zone intermédiaire, même si cela reste plus rare.
C’est une des rares espèces à pouvoir être maintenue en groupe restreint si l’aquarium est bien agencé. On peut ainsi maintenir un trio avec un seul mâle, l’idéal restant tout de même un groupe stable d’au minimum six individus avec, si possible, une majorité de femelles. Cela restant pour beaucoup une question de chance et, pour d’autres, une question d’argent : certains commerçants n’acceptant de vendre plus de femelles que moyennant une hausse non négligeable du prix du poisson !
Dans tous les cas T. duboisi reste une espèce très paisible, idéale pour les débutants «tropheusophiles», même s’il reste possible qu’un mâle se transforme soudain en tueur sanguinaire poursuivant méthodiquement et tuant les uns après les autres les autres Tropheus. Cela étant parfois dû à une erreur de la part de l’éleveur ; nous verrons pourquoi plus loin.
Tropheus annectens
Il existe trois variétés de T. annectens qui se caractérise par une queue fourchue et par un nombre réduit d’épines anales (4). Tout d’abord le poisson décrit et communément appelé T. annectens (polli) trouvé sur la côte Est aux environ de Bulu point en Tanzanie. C’est le plus grand Tropheus avec une longueur de 16 centimètres.
Sa coloration n’est peut être pas exceptionnelle mais sa ligne longue et fine est reconnue plus élégante par certains de ses propriétaires. La côte du Congo abrite deux populations: aux îles Kavala (Tropheus “Kongole”) et à Mtoto. La taille, par rapport à celle du Tropheus annectens “polli” est celle d’un Tropheus standard soit 12 à 13 centimètres. La robe du “polli” est également plus bleue. Tropheus sp. “black” On regroupe sous cette dénomination les Tropheus vivant au nord du lac et ayant pour particularité une robe à dominante noire. Leur taille moyenne est d’environ 13 cm et leur morphologie générale assez semblable à celle de T. moori. Certains auteurs décrivent la variété d’Ikola comme espèce distincte sous le nom de Tropheus “Kaiser Ikola” ; c’est d’ailleurs une très belle espèce dont le tiers central du corps est jaune vif. Au point de vue du comportement, la seule variété que je classerais bonne dernière est celle trouvée à Bulu point et parfois vendue sous la dénomination de “Kirshfleck” ou “double point” ou “Magambo”. Son patron de coloration caractéristique est constitué d’une robe noire sur laquelle se dessinent deux taches jaune-orangé à rouge, selon les individus et la nourriture distribuée. Les individus que j’ai maintenus, ou vus maintenir, se révélaient souvent très agressifs entre eux et avec d’autres variétés de Tropheus. Dans le cas de l’acquisition de cette variété, préférez le minimum de mâles pour un maximum de femelles, et un maximum d’espace ; un volume de 750 litres étant alors le minimum à conseiller.
Les autres variétés de Tropheus “Black” sont beaucoup plus paisible à mon goût et peuvent être maintenues dans un bac à partir de 400 litres correctement agencé et peuplé.
Tropheus moorii et affiliés
C’est l’espèce type du genre décrite par Boulenger en 1898. Nous trouvons dans cette espèce une grande variété de poissons qui peuvent être différents non seulement par la couleur mais également par certains détails corporels souvent difficilement discernables: corps plus ou moins trapu, lèvres plus ou moins épaisses. L’aspect général restant le même. On trouve les T. moorii dans la moitié Sud du lac en Zambie, mais aussi sur quelques parties des côtes congolaises et tanzaniennes. Ils sont connus sous les noms commerciaux de “Sunset”, “perroquet”, “Arc en ciel”, etc. la population type de Kinyankolo (Mpulungu). Les dénominations commerciales précitées doivent être évitées car elles ne signifient rien, par manque de précision. Un groupe de Tropheus moorii peut être regroupé sous la dénomination de “double chevrons clairs”, ils viennent du Congo. On connaît les populations de Zongwe, Kapampa. Les Tropheus moorii “Murago” restent un peu à part (Murago n’est pas un lieu de pêche mais une appellation commerciale). On le trouve également sur la côte congolaise, comme les formes Zambiennes il présente des points sur la tête, mais ceux-ci sont nettement plus gros et de taille variable selon la localité de pêche. Les formes du nord ayant des points plus petits. C’est à mon avis une des variétés les plus douces et les plus faciles à maintenir, même si elle conserve un caractère certain. C’est un Tropheus ! Jusqu’à il y a quelques années les Tropheus rouges du sud Congo et ouest Zambie, étaient considérés comme des moorii.
C’est en fait une espèce non décrite puisque des zones de cohabitation entre moorii et “rouge” ont été découvertes. parmi les “rouges” on connaît bien les variétés très colorées de Moliro, Chimba, Lupota.
Tropheus brichardi
Décrit en 1975 par Nelissen et Thys il est nommé en hommage à Pierre Brichard, exportateur de Cichlidés établi à Bujumbura et aujourd’hui disparu. Par avance je m’excuse auprès des heureux propriétaires de T. brichardi n’ayant aucun problème avec des poissons de cette espèce mais mes différents essais de maintenance avec des individus de ce groupe se sont soldés par des échecs, sans doute évitables: c’est promis, dès que j’ai de la place dans un bac, je renouvelle l’expérience.
De nombreuses variétés sont connues: “Canary cheek”, “Kipili”, “Mpimbwe” la liste n’étant pas exhaustive, car T. brichardi se rencontre sur la rive est de Nyanza-lac (Burundi) au sud de Kipili (Tanzanie) et de l’ouest de la péninsule de l’Ubwari à cap Tembwe. Notons que Konings sépare maintenant les Tropheus de Mpimbwe des brichardi en les considérant comme espèce non décrite. Les Tropheus dans leur milieu naturel.
Les Tropheus sont des poissons typiquement pétricoles, c’est à dire qu’ils vivent en permanence au milieu des rochers qui constituent leur habitat. La formation des différentes espèces et variétés géographiques étant vraisemblablement due à l’isolation de zones rocheuses par des zones sableuses infranchissables par ces poissons. Les augmentations ou diminutions du niveau d’eau du lac au fil des siècles permettant soit le passage d’un lieu à un autre, soit au contraire, l’isolement des populations.
Dans le lac, les plus gros spécimens se trouvent rassemblés près des gros rochers ou des tombants, les plus petits sont dans les éboulis constitués de galets de la taille du poing. La territorialité des grands mâles n’a rien de comparable avec celle des mâles Petrochromis par exemple. En effet même si les mâles vont chasser fréquemment leurs congénères, on peut les trouver côte à côte en train de brouter. Les Tropheus sont des végétariens «purs et durs» se nourrissant d’aufwuchs, l’algues typique tapissant les rochers. Ils raclent de leur bouche épaisse la matière végétale, phénomène que l’on peut également observer en aquarium si celui-ci est suffisamment “vert”.
Pour la reproduction, ce sont des incubateurs buccaux maternels qui pratiquent la classique position en “T”. La femelle incube pendant une période plus ou moins longue dépendant du milieu dans lequel elle évolue. La durée moyenne est de 25 à 35 jours. Elle se rend alors dans une zone de faible profondeur lui permettant de relâcher ses alevins dans un environnement moins dangereux que la pleine eau. On trouve des espèces de Tropheus différentes dans une même localité mais dans des biotopes un peu différents. Ainsi, si on trouve T. moorii et T. brichardi le premier préférera la zone supérieure et poussera le second dans la zone des 10 – 15 mètres moins favorable car moins riche en couverture biologique.
Comme évoqué dans l’introduction, le bac réservé à nos pensionnaires devra avoir une contenance minimale de 400 litres pour une longueur de 1,50m ou une surface de 0,9 x 0,9 m. La solution du bac en longueur restant à mon sens, la meilleure ; elle permet, suivant la taille de l’agencement de maintenir plusieurs mâles dominants ensemble et avec de faibles risques de conflits.
La surface au sol restera la plus grande possible mais il sera bon de conserver une hauteur minimale de 45 à 50 cm, hauteur des enrochements oblige. La maintenance des Tropheus est parfois réalisée dans des volumes inférieurs, de l’ordre de 250 litres ; mais il s’agit alors de bacs d’élevage où la surface au sol reste d’un mètre par 0,50 m et où le décor est composé de sable et d’une pierre placée à une des extrémités et servant de substrat au seul mâle placé avec un harem de 5 à 6 femelles.
Mais je le répète, il s’agit plus d’un bac d’élevage que d’un aquarium permettant d’observer le comportement intéressant des Tropheus dans un biotope recréé intelligemment selon les besoins. De plus, dans un milieu aussi “réduit”, l’éleveur n’aura d’autre solution que de faire cracher la femelle pour récupérer le maximum d’alevins et, surtout, en récupérer tout court car la femelle incubant dans un petit volume sans décor soumise à une pression importante de la part des autres membres du groupe a toutes les chances de ne pas mener son incubation à terme. Une femelle n’étant pas laissée avec ses alevins ne peut pas les éduquer, on obtient alors des jeunes qui, plus tard, n’élèvent pas leurs petits et des femelles ayant du mal à mener à terme leurs incubations. Pour certaines de celles-ci un minimum de 3 à 6 incubations avortées étant alors nécessaire, laissez donc vos femelles s’occuper de leurs jeunes. Il n’y a rien de plus mignon qu’une femelle Tropheus apprenant à ses alevins comment brouter et les reprenant en bouche à la moindre alerte.
Maintenant que nous avons vu la meilleure dimension pour notre bac de maintenance, nous allons parler du décor. Pour le fond du bac j’utilise un sable de granulométrie fine et non tranchant. Le sable de Loire convient parfaitement mais je lui préfère un sable meilleur marché et me donnant toute satisfaction. Il s’agit de sable pour “Kärcher tm.” vendu en conditionnement de 40 kg dans les entreprises pour bricoleurs invétérés où l’on trouve tout ce qu’il faut !…
Ensuite un point très important, puisque nécessaire à notre poisson : le choix des roches constituant le décor. Celles-ci devront être assez nombreuses pour former un ensemble cohérent et conséquent. Pour moi, les meilleures roches à utiliser se doivent d’être non abrasives et permettent de créer des caches pour les poissons. J’utilise des pierres calcaires dites “de Viterne” ou pierres à trous mais, attention, il en existe de deux sortes et l’une d’elle a des arêtes tranchantes. Il vaut mieux lui préférer celles dont les débouchés de trous et autres arêtes sont bien lisses et non coupants au toucher. La grande quantité de trous les traversant fait de ces pierres un labyrinthe naturel permettant autant de chemins de fuite supplémentaires au poissons dominé ou cherchant un refuge, comme une femelle en incubation par exemple. Il est d’ailleurs bon de noter que ce principe d’utilisation de pierres à trous reste idéal aussi pour la maintenance de Julidochromis et autres lamprologues. Le calcaire des pierres étant lui aussi important pour son pouvoir tampon, le pH restera ainsi plus facilement élevé grâce à l’augmentation du TAC provoquée par la dissolution lente des pierres. L’idéal est la réalisation de tas de pierres atteignant les deux tiers de la hauteur à la totalité de la hauteur d’eau. La création suivant la taille de l’aquarium reste variable mais, par exemple, pour une cuve de 150 cm de long, je préfère disposer un tas de pierres principal à chacune des extrémités et des petits tas reliant ces derniers.
Au cas où les mâles dominants se trouveraient être trop agressifs, les deux tas principaux seront “décalés” sur le devant de l’aquarium et les petits tas en continu seront placés à l’arrière. La roche peut également être de type meulière ou encore sous forme d’agencement de plaques de schistes mais laissant un grand nombre d’anfractuosités de toutes tailles. La mise en place de tuyaux d’argile cuite ou de P.V.C. seuls ou en tas, reliés dans la partie supérieure de l’aquarium et affleurant la surface peut beaucoup aider pour l’élevage. Je les juge même indispensables pour une bonne maintenance à long terme. En effet, dans tout banc une hiérarchie se crée avec un individu plus dominé et plus pourchassé que tous les autres. C’est ainsi même dans les bancs les mieux équilibrés. Ce poisson “tête de Turc” n’est pas forcément écaillé ou avec les nageoires en lambeaux mais, en règle générale, il reste plus petit et moins coloré que les autres membres du groupe.
C’est souvent un mâle qui aura une coloration proche des femelles. Il n’est pas conseillé d’enlever ce poisson car dès lors la hargne du (ou des) mâle dominant se reportera sur un autre sujet, déséquilibrant ainsi la totalité de la population. Il sera également très difficile de réintroduire le poisson dans l’aquarium après qu’il se soit refait une santé. Les tubes placés en surface lui permettent ainsi de trouver un refuge. S’il est vraiment blessé ou mal en point et si les tubes n’ont pas eu l’effet souhaité, le mieux est de le placer dans un bac flottant à la surface et de le relâcher dès que son état le permet. Les “cages” en mailles conviennent bien mais les bacs peuvent également être utilisés.
Le déséquilibre engendré par le retrait d’un dominé peut également rendre le dominant “fou” et le transformer en meurtrier éliminant tous les membres du groupe les uns après les autres, et cela devant un aquariophile impuissant.
Si le cas se présente, il reste deux solutions. la première est de transférer la population dans un bac de faible volume relatif (fonction de l’importance du banc et de la taille des individus) et sans décor.
Par expérience un bac de 160 litres (100 x 40 x 40) est suffisant pour un groupe de 8 à 10 poissons. Bien sûr la maintenance doit être irréprochable, la pollution engendrée par les poissons pouvant amener des conséquences graves. La surveillance du groupe doit être fréquente et régulière pour éviter tout problème. Si un mâle dominant reste agressif il est possible dans le même temps de l’isoler dans une boite spécialement prévue à cet effet, il s’agit d’un aquarium en plastique de 25 x 20 cm dont les angles sont arrondis. On percera trois à cinq trous de 10 mm de diamètre à trois centimètres du bord sur chaque face et quatre trous dans les angles supérieurs pour faciliter le mise en eau de l’ensemble et pour pouvoir nourrir le pensionnaire.
On ferme l’ouverture avec une plaque de verre et on pose une pierre sur le bac pour maintenir l’ensemble au fond. Le poisson sera maintenu pendant deux semaines dans sa prison puis pourra être relâché tout en restant “en observation” pour y être remis si le besoin s’en fait sentir. Certains réalisent ces «cages» au moyen de grillage en plastique en formant un cylindre sur toute la hauteur du bac, le fond étant réalisé au moyen d’un fond de seau en plastique et lesté par une pierre ; le système permet une très bonne circulation d’eau tout en laissant le poisson “intégré” au groupe.
Les plantes sont inutiles pour la maintenance car absentes dans le biotope d’origine. De plus les Tropheus étant des herbivores purs, ils les considéreront comme de la nourriture. Si l’on souhaite en introduire, il faudra se limiter aux plantes à feuillage dur et pouvant supporter un pH alcalin.
Les espèces convenant le mieux sont Anubia sp., Cryptocorine, voire Ceratophyllum. les essais que j’ai effectués avec Sagittaria et Vallisneria se sont soldés par des échecs, les poissons les tondant jusqu’au collet !
La filtration est capitale dans un aquarium de maintenance de poissons tels que les Tropheus. Elle doit être importante, de l’ordre de trois à cinq fois le volume du bac et permettre une bonne oxygénation de l’eau car nos poissons viennent de zones de ressac à faible profondeur et où les courants restent violents. Le système de filtration doit donc être performant et l’utilisation d’un filtre semi-humide est la meilleure méthode pour obtenir une eau chargée en oxygène. l’adjonction d’une ou deux pompes de brassage est un plus. Les filtres à décantation sont un moyen correct, et si les pompes de refoulement se révèlent trop puissantes on peut également y adjoindre des pompes de brassage. L’adjonction de maerl* dans la cuve de filtration peut aider à maintenir un pH élevé en appoint des pierres calcaires ou en remplacement si celles-ci n’ont pas été choisies pour le décor. L’éclairage n’a pas une grande importance, néanmoins je suis favorable à une puissance d’éclairage importante, voire à l’appoint d’éclairage solaire pour permettre la croissance d’algues qui constitueront un complément nutritif à nos charmants herbivores. Pour cela, une solution, surtout pour de jeunes poissons, consiste à placer des roches dans une cuve annexe fortement éclairée. Elle se couvriront d’algues et pourront être distribuées.
Cela nous conduit à un point important dans la maintenance de nos pensionnaires : l’alimentation. Le temps est loin, espérons le, où certains aquariophiles nourrissaient avec des vers de vases et tubifex. Les Tropheus sont de purs végétariens et doivent donc être alimentés avec de la nourriture contenant une part importante de végétaux. Les meilleures sont les paillettes pour herbivores ne contenant pas de protéines issues de mammifères ; celles enrichies en spiruline étant le “must”.
Une autre excellente nourriture reste la mixture maison bien connue. J’utilise la recette suivante: 1 kg de crevettes entières. 500 g de petits pois congelés. 500 g d’épinards hachés. 30 ml de poudre de spiruline. 30 gouttes de lotion poly-vitaminée aquariophile. 2 à 3 sachet de gélatine végétale (Agar-agar). Ces ingrédients sont mixés et liés avec la gélatine (la gélatine en poudre convient mais je préfère la gélatine végétale ou Agar-agar qui est une algue marine). La mixture est placée sur des plaques et congelée. Il reste à noter que les nourritures telles que cyclops, mysis, krill, sont de bonnes nourritures de base même pour les Tropheus. Comme vous pouvez le constater, je n’aie pas cité les Artemia qui peuvent être mortelles pour ces poissons. Il est bon de ne pas les alimenter plus d’une fois par jour et en quantité telle, qu’elle doit être consommée dans les trois à 4 minutes. Une autre excellente nourriture est constituée par les algues qui poussent sur le décor et que les poissons vont s’empresser de brouter.
Il est certain qu’ils vont venir quémander comme de vulgaires affamés mais il reste important pour leur santé de ne les nourrir qu’une fois par jour. Si le supplice est trop difficile à supporter pour le propriétaire, vous pouvez les alimenter deux fois par jour, en réduisant les rations. Le fait que les Tropheus sont d’éternels affamés peut être utile. En effet quand vous entrez dans une boutique les proposant à la vente, il est important que, lorsqu’on s’en approche et que l’on place la main au-dessus du bac, ils se mettent à “danser” pour quémander. Ils doivent être actifs. Des poissons peu actifs sont malades et leur bac est à fuir comme la peste.
La maladie des Tropheus Quelle est donc cette fameuse maladie ?
Étant des herbivores le Tropheus a un intestin très long (7 à 8 fois sa taille). Ayant un long transit intestinal, ils sont sujets à des troubles entraînant la fameuse «maladie des Tropheus». Les symptômes se déclarent généralement quand les poissons sont victimes d’un stress grave. Celui-ci peut être d’origines diverses mais il s’agit souvent d’un problème de maintenance, qualité de l’eau et présence de substances nocives que l’on peut rarement détecter avec nos moyens limités de chimistes aquariophiles. Cette qualité d’eau médiocre reste un gros souci, repris aussi bien dans la littérature spécialisée que dans les conférences telles que celles de J.P. Hacard (c’est son dada!).
Le stress dit “de maintenance” peut prendre divers aspects. Il s’agit souvent d’un problème d’alimentation ou de cohabitation occasionnant à plus ou moins long terme un stress chez les poissons. Par exemple, la mise en présence de Tropheus avec des lamprologiens relativement territoriaux et/ou agressifs. Ce type de stress sera identique lors de la cohabitation entre deux populations de Tropheus, T. moorii et T. brichardi par exemple, l’une prenant le dessus sur l’autre. Le premier symptôme, et le plus important, est la perte d’appétit souvent accompagnée d’une certaine apathie. Sans traitement celui-ci est suivi d’un gonflement important du corps, particulièrement de la région abdominale. Le poisson reste prostré au fond mais il peut également se tenir en surface, la respiration accélérée.
Quand ces derniers symptômes sont diagnostiqués, il est généralement trop tard pour soigner et la mort intervient dans les 24 à 72 heures. Le traitement s’effectue au Métronidazole combiné au Nifurpirinol soit sous leur forme pure, en poudre, soit sous la forme commercialisée Flagyl© pour le premier, et Aqua-Furan© pour le deuxième. Personnellement j’utilise du Flubendazol du Chloramphenicol associés au Metronidazole à raison de 3 g pour 100 l pour ce dernier et sous sa forme pure, 1 g pour 100 l de Chloramphenicol toujours sous sa forme pure. Quand au Flubendazole, je l’utilise sous sa forme commerciale, le Fluvermal©, à raison d’un comprimé pour 100 l d’eau et par jour. J’utilise ces produits à tour de rôle, après avoir effectué un changement d’eau de 20 à 30%. Le traitement a été administré par deux fois chez les Tropheus sauvages et d’élevage et s’est révélé efficace à 90 % sur un groupe de Tropheus bien atteints et qui refusaient de se nourrir.
Une fois la phase de non-alimentation passée, les poissons ont été nourris pendant une semaine avec des paillettes trempée dans du Flubendazole. L’eau du bac est progressivement et si possible filtrée sur charbon actif. Les masses filtrantes sont retirées au début du traitement et remplacées par d’autres car les bactéries ne supportent pas le traitement. Même si les changements doivent être massifs, il faut faire attention au chlore et aux nitrates: le remède ne doit pas être pire que le mal. L’Alazol est utilisé actuellement, et est très efficace.
Tropheus et cohabitation Voilà votre banc de Tropheus constitué. Le désir de leur adjoindre d’autres espèces reste fort compréhensible. Pour ma part je ne suis pas favorable à l’adjonction de lamprologiens. En effet j’ai eu des problèmes de domination trop importante de la part de Neolamprologus buescheri notamment lorsque ceux-ci souhaitaient se reproduire (NDLR : les N. buescheri sont parmi les plus agressifs, d’autres espèces sont tout à fait envisageables, tout dépend aussi de la taille du bac).
À l’inverse, la présence de Tropheus se révèle trop stressante pour les poissons timides comme les sabulicoles. Le mieux reste la cohabitation avec les Petrochromis dont on ne maintient , même dans un grand volume, qu’un seul mâle avec un nombre important de femelles. La cohabitation avec les cichlidés gobies est une excellente solution, d’autant que les besoins sont similaires. Je ne connais pas la maintenance des Simochromis mais leurs besoins doivent être similaires aux Tropheus (NDLR : en beaucoup plus teigneux !).
Il ne vous reste plus qu’à faire l’acquisition de votre groupe de Tropheus et prendre un réel plaisir à les voir grandir puis se reproduire. La reproduction reste un moment fort de la maintenance de nos poissons et l’aboutissement de bien des efforts de notre part. C’est pour cela qu’elle reste la meilleure récompense.
Les Tropheus sont incubateurs buccaux maternels. Revenons sur les diverses phases de ce moment tant attendu.Par une nage pilote, le mâle dominant va attirer une femelle gravide vers la zone de frai qu’il aura choisie et nettoyée. Cela peut être un pan de roche en pente douce sur lequel il aura parfois recraché une coulée de sable, ou bien une légère dépression dans le sable. Un amis caennais m’a même indiqué que son mâle Tropheus polli creuse un nid à la façon d’un mâle Cyathopharynx !
La reproduction est classique, avec au départ la position en T. La femelle pond environ 8 à 10 oeufs assez gros. Ils sont fécondés à l’intérieur de la cavité buccale. la durée d’incubation reste variable, allant de quatre à six semaines, et parfois même jusqu’à huit semaines (cela dans un bac spécifique sans prédation !).
En absence de prédateur, les petits grandissent avec les adultes, se réfugiant dans la moindre faille du décor dès qu’un adulte s’en approche. Il a été dit précédemment qu’il n’est pas bon de faire cracher les femelles car les jeunes deviennent de mauvais parents dont les femelles amènent difficilement leurs incubations à leur terme. Une bonne alternative au problème est d’installer des corniches dans l’aquarium. Celles-ci, placées près de la surface et garnies de galets et d’un peu de végétation sont très sécurisantes pour les mères. On peut les fabriquer en découpant des bacs en plastique du commerce. Ils sont découpés (plan II) et peuvent s’adapter aux différents types d’aquarium. On peut les décorer en ponçant le plastique pour que le silicone s’y accroche, et sabler la surface. Néanmoins il est intéressant de penser à créer ces corniches lors de la fabrication du bac ou quand celui-ci n’est pas encore en eau. On peut aussi les concevoir dans la structure du bac en fonction du système de filtration (plan I). Ce système s’adapte mieux dans un aquarium de “fishroom”, le vide créé s’habillant facilement.
J’espère que cet article vous aura plu et surtout, qu’il vous aura donner envie de maintenir et de faire se reproduire ces merveilleux poissons qui ne doivent plus être synonymes de bagarres à mort mais, au contraire, de plaisir cichlidophile dont vous ne pourrez plus vous passer.
Documents: Pascale Hootele – J.P. Hacard – Éric Genevelle – AQUALEX – Christian Alfredsson.