Xenotilapia papilio “Tembwe”

Xenotilapia papilio “Tembwe”

Xenotilapia papilio “Tembwe”
Büscher, 1990

Xenotilapia papilio “Tembwe II”.

par Vincent Bricotte (mars 1999)

Depuis longtemps j’avais envie d’élever des goujons, de gros tourets de Loire broutant le sable. Avec ce « papilio », j’ai trouvé mieux: un goujon du Tanganyika.

Ce petit bijou, qui ne dépasse guère 8 cm (sauf chez Verduijn où l’on peut y voir des reproducteurs de concours de 12 cm), scintille d’irisations bleues, sur fond tantôt jaune tantôt beige, changeant selon l’humeur. Les nageoires pectorales et annales sont un mélange de jaune, de blanc et de bleu, ponctuées de noir opaque et bordées de jaune. La dorsale est parfois un agencement simple de bandes noires et blanches bleutées, se décomposant jusqu’à un patron tacheté. La crête est toujours noire. En période de grand stress, le X. papilio se pare d’un damier marron/crème, ayant une fonction de camouflage.

Dans leur habitat naturel ces poissons explorent la zone intermédiaire, parfois à plus de 30 mètres de profondeur. Mais aux niveaux superficiels, ils ne fréquentent que les zones sableuses ou caillouteuses dégagées. On les rencontrent en couple et parfois en petits groupes, seuls les jeunes peuvent éventuellement former de petits bancs.

Le couple est une unité indissociable, défendant farouchement son territoire où les deux parents incubent successivement leur couvé.

Xenotilapia papilio.

On rencontre là la première difficulté pour reproduire l’espèce: former un couple. J’avais alors acquis six juvéniles, laissant le hasard me procurer mâles et femelles en quantité égale. Ils furent placés dans un bac de 1m20 éclairé d’un vieux “Grolux”, mais profitant des derniers rayons du soleil couchant.

Sur une couche de sable fin des côtes atlantiques, se dressent quelques ardoises plates, composant de vastes caches ouvertes. Des Anubias égaient ce décor austère mais très fonctionnel. Les compagnons de captivité se composaient d’une demi-douzaine de Cyprichromis « Jumbo kitumba », d’un Pléco et occasionnellement de jeunes Neolamprologus buescheri martyrisés par leurs frères dans leur bac d’origine.

La température de l’eau oscille autour de 27°C. C’est une eau dure grâce à l’ajout de sels (recette dite « de Burnel »), à raison de 30g pour 100L. Le pH est légèrement supérieur à 8. L’hygiène du bac est impeccable: changement hebdomadaire d’un tiers du volume d’eau et grande oxygénation (« bulleur » et pompe de surface…que je juge maintenant indispensable en été).

Ainsi maintenus, les X. papilio se nourrissent, sans problème, d’artémia, de nauplies et de paillettes. J’ai même vu des jeunes manger les copeaux d’algues grattés sur les vitres. Même s’ils mâchent longuement, ils ne font pas la fine bouche. En fait, à l’exception de la période de la formation du couple, ces Cichlidés sont faciles à maintenir et à reproduire. Leur rareté chez les amateurs ne devrait pas persister.

Xenotilapia papilio Tembwe II.

Mon petit banc de juvéniles prospérait à merveille, jusqu’à l’apparition du premier couple qui il domina très vite la moitié du bac. Leurs couleurs intenses marquaient cet ascendant et leur autorité n’était nullement contestée.

La première incubation fut très discrète, comme toutes les autres. Encore aujourd’hui, seule la gorge renflée de la femelle me permet de repérer une ponte!

Les Cyprichromis et autres Xenotilapia oppressés furent retirés pour favoriser la formation d’autres couples. Après cinq jours d’incubation maternelle, les petits furent confiés à la garde du mâle. Ce fut là encore très discret. Deux semaines plus tard, je vis quatre alevins d’un centimètre, broutant déjà le sable. Cette fraie est singulière, fruit de l’inexpérience des parents, car les suivantes comptent, en moyenne, dix jours d’incubation pour la femelle, six pour le mâle avant les premiers lâchés.

Heureux, donc, je contemplais les petits nouveaux. Mais à peine étais-je installé devant l’aquarium, qu’ils se plaquèrent au sol. Le père les repris immédiatement en bouche, où ils se précipitèrent comme des flèches. La femelle participe également à la protection des jeunes.

Quand les jeunes sont trop nombreux ou dispersés, les deux parents récupèrent simultanément leur progéniture. Ils sont très attentifs et encadrent ainsi leurs petits pendant une quinzaine de jours après le premier lâché. Bien que mâle et femelle continuent de s’alimenter pendant l’incubation, la prise de nourriture est timide et parcimonieuse. Pour ces raisons, il est préférable d’isoler les jeunes dès que possible pour bien les démarrer aux nauplies. On peut aisément compléter par des paillettes pulvérisées. Avec ce régime, ils ont atteint leur maturité sexuelle en moins de dix mois.

Xenotilapia papilio juvéniles.

Photo de l’auteur.

Comme je l’ai dit, la parade nuptiale n’est pas très spectaculaire. Si j’en juge par les cycles de séduction, cela se réduit à une nage en « T » dépouillée. Les gorges sont gonflées, les nageoires dressées, et les couleurs intenses rendent le poisson jaune or. Aucun nid n’est aménagé. En revanche, même lorsque le couple s’est retrouvé seul maître du bac, il a gardé la même zone isolée par un pied d’Anubias et pourvu d’une vaste plage. C’est là que se font les lâchés.

Ce territoire exclusif est gardé par les deux parents. La technique d’intimidation est d’ailleurs expéditive: le poisson fonce droit sur l’intrus, s’arrête net avant l’impact et recule. Mais si l’indésirable ne fuit pas, alors le dominant fonce ! Cet intrus peut être un jeune de la ponte précédente.

Mes couples supportent mal la présence d’autres poissons sur le fond, surtout leur congénères. En revanche, les Cyprichromis sont totalement ignorés, les Xenotilapia papilio restant dans le tiers inférieur de l’aquarium. Je ne parviens pas à maintenir plus d’un couple dans des condition satisfaisantes. Cela tient à la surface réduite de mes bacs (½ m²).

Je pense donc que le peuplement doit être limité à des poissons peu agressifs et sociaux, laissant au couple un espace au sol calme. Les X. papilio peuvent être timides quand ils sont trop isolés, mais ils ne se cachent pas. En groupe, ils évitent les coups et broutent sans relâche. De plus, ces poissons sont robustes: ils peuvent jeûner un mois, et sont apparemment peu sujet aux maladies. Il convient simplement de bien surveillez la qualité de l’eau, et par fortes chaleurs, oxygénez à saturation en entrouvrant le dessus de l’aquarium. (Attention, entrouvrir l’aquarium avec précaution car ce sont de bon sauteur).

En bac spécifique pour ou en bac communautaire, vos Xenotilapia papilio seront les hôtes privilégiés des plages de sable et des amoncellements de roches. Ils sont toujours actifs comme les Tropheus, dont ils possèdent le grand œil curieux.

 

 

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