Chalinochromis vs Julidochromis

Chalinochromis vs Julidochromis

Chalinochromis vs Julidochromis

est la traduction d’un éditorial de Juan-Miguel Artigas Asas que nous ne présentons plus.

Juan-Miguel m’a autorisé à produire cette traduction de son texte, que voici.

C. brichardi à Maswa & J. aff. marlieri à Muzi.


Le genre de cichlidés du lac Tanganyika,

 

Chalinochromis, a été décrit en 1974 par l’ichtyologiste belge Max Fernand Léon Poll (1908-1991), membre de l’Académie Royale des Sciences et des Arts de Belgique, professeur à l’Université libre de Bruxelles et conservateur au Musée Royal du Congo Belge à Tervuren.

Ch. sp. ndobhoi

Ch. sp. ndobhoi – portrait en aquarium.

Chalinochromis est l’un des 18 genres de cichlidés qu’il a décrits au cours de sa vie. Le genre initialement monotypique (composé d’une seule espèce) a été proposé avec son espèce type Chalinochromis brichardi. À l’âge adulte, C. brichardi est un cichlidé allongé de couleur beige uniforme – bien que certaines populations appelées « ndobhoi » présentent trois lignes longitudinales de taches noires – doté d’une longue base de nageoire dorsale, d’une longue nageoire anale et d’une queue tronquée. Sa forme allongée lui permet de nager dans les anfractuosités des récifs rocheux où il habite, et sa bouche pointue de cueillir les invertébrés dont il se nourrit.

L’espèce a reçu le nom de l’explorateur belge et exportateur de cichlidés du lac Tanganyika Pierre Brichard (1921-1990), qui a contribué de manière substantielle à la connaissance des cichlidés du lac Tanganyika et a fourni le matériel type de C. brichardi.

Chalinochromis brichardi est assez semblable aux membres du genre Julidochromis qui habitent des habitats similaires dans le lac Tanganyika, mais quatre caractéristiques morphologiques principales le distinguent à première vue des espèces de ce genre, attirant l’attention de Poll.

La première et la plus évidente est la présence de trois lignes interorbitaires noires (allant d’un œil à l’autre) sur le front, souvent décrites comme des « brides », alors que les espèces de Julidochromis n’en ont qu’une ou deux. Le nom Chalinochromis fait référence à cette caractéristique qui se traduit du grec par « cichlidé bridé ».
La deuxième caractéristique est que le corps des spécimens adultes est uniformément coloré (sans marques dans la plupart des populations), alors que les Julidochromis sont richement ornés de bandes longitudinales sombres et de barres chez certaines espèces. La troisième est que la queue est partiellement tronquée, au lieu d’être arrondie chez Julidochromis. La quatrième est que C. brichardi a un corps plus haut et comprimé et une tête plus courte avec une petite bosse sur la nuque, alors que les Julidochromis ont un corps cylindrique et une tête pointue. Il existe encore d’autres différences mineures, mais ces quatre-là sont immédiatement évidentes.

Les deux genres sont génétiquement inséparables

C. sp. bifrenatus

C. sp. bifrenatus

Dans les années qui ont suivi la description du genre Chalinochromis, celui-ci s’est enrichi de deux espèces supplémentaires et d’une autre potentiellement non décrite. Tout d’abord, Patrick Tawil a proposé en 1986 Chalinochromis sp. ‘bifrenatus’, une espèce similaire à C. brichardi mais avec des bandes longitudinales et deux brides au lieu de trois. A ce jour, cette forme n’a pas été correctement décrite, probablement parce que son statut spécifique a été mis en doute – certains spécialistes la considèrent comme une population de C. brichardi, ou plus récemment de C. popelini.
En 1989, Pierre Brichard a décrit – juste en le mentionnant dans un index – Chalinochromis popelini, visuellement une espèce de Julidochromis avec une queue légèrement émarginée. Plus récemment, en 2014, Chalinochromis cyanophleps a été proposé par Kullander, Karlsson, Karlsson & Norén. Il s’agit d’une espèce qui a longtemps été considérée comme une forme sombre de Chalinochromis sp. ‘bifrenatus’. Patrick Tawil (2011) a été le premier à l’identifier comme une nouvelle espèce potentielle, ce que les auteurs ne mentionnent pas. En fait, l’espèce a été provisoirement étiquetée Chalinochromis sp. ‘patricki’ par Ad Konings en 2013, en référence à Patrick Tawil.

Dans son article de 2011 de Cichlid News intitulé « Chalinochromis, the bridled Julidochromis », Tawil soutient que seules quelques-unes des différences mentionnées par Poll s’appliquent à tous les membres du genre Chalinochromis, tandis que la plupart ne sont présentes que dans l’espèce type. Il se réfère à Chalinochromis popelini, placé dans Chalinochromis en raison de sa nageoire caudale légèrement émarginée, comme une espèce Julidochromis par ailleurs parfaite. Tawil a suggéré de rétrograder Chalinochromis en sous-genre de Julidochromis. Malgré cela, il ne fait aucune déclaration taxonomique, et plus tard dans son livre de 2020 « Les lamprologues – Inventaire des genres et espèces », il maintient (avec des doutes exprimés) la validité de Chalinochromis avec quatre espèces.

En septembre 2023, Ad Konings a publié une revue de la situation taxonomique de Chalinochromis dans le journal de l’American Cichlid Association, « The rise and fall of Chalinochromis ». Buntbarsche Bulletin. (318):6-13:6. Il décrit chacune des différences supposées entre ces deux genres, espèce par espèce, et explique pourquoi ces différences ne sont pas suffisamment convaincantes, du moins pour séparer deux genres.

Chalinochromis/Julidochromis

Chalinochromis/Julidochromis d’après Ronco et al. 2020

Plus important encore, Konings décrit les résultats de trois importants travaux phylogénétiques dans lesquels différents segments de l’ADN de nombreux cichlidés du lac Tanganyika sont comparés, dans chacun de ces trois travaux phylogénétiques, y compris le travail monumental réalisé en 2020 par Fabrizia Ronco et al. « Drivers and dynamics of a massive adaptive radiation in cichlid fishes » (ndlr: traduit en français sur DT), publié dans Nature. Il existe deux groupes d’espèces de Julidochromis, l’un comprenant les espèces plus grandes (regani, marlieri et marksmithi) et l’autre les espèces les plus petites (ornatus, transcriptus et dickfeldi), qui se sont séparés il y a environ deux millions d’années. Toutes les espèces de Chalinochromis peuplent les deux groupes, montrant des relations plus étroites avec les espèces de Julidochromis qu’à l’intérieur d’elles-mêmes.

La lignée la plus ancienne des deux groupes s’avère être le Chalinochromis cyanophleps, récemment décrit, qui fait partie du groupe des grands Julidochromis, tandis que le reste des espèces de Chalinochromis fait partie du groupe des petits Julidochromis. Comme les espèces types de Julidochromis (J. ornatus) et de Chalinochromis (C. brichardi) font toutes deux partie du même groupe de petites espèces, il n’est pas possible d’utiliser Julidochromis pour un groupe et Chalinochromis pour l’autre, et Chalinochromis apparaît donc comme un synonyme junior de Julidochromis, comme le propose Konings.

Chalinochromis cyanophleps

Chalinochromis cyanophleps à Namansi la localité type. Courtoisie M. & M. Karlsson

Pour une compréhension plus approfondie de ce sujet, je recommande vivement de lire les articles de Tawil et de Konings et, à partir de là, le reste des publications.

Remerciement particulier à Juan-Miguel.

 

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