Triglachromis otostigma

Triglachromis otostigma

Triglachromis otostigma (Regan, 1920)

Expérience de maintenance en aquarium et reproductions réussies.

Description de Triglachromis otostigma en PDF

Introduction:
Voici une espèce des plus singulière, nous allons vous décrire sa vie, ses mœurs, et nous survolerons les connaissances scientifiques la concernant. Pour l’anecdote, il semble que des sujets se soient glissés dans les bocaux de conservation de l’espèce Limnochromis auritus, l’erreur étant révélée dans la planche accompagnant cette description, il est clair que le spécimen utilisé pour la

Comment nous avons découvert cette espèce, petit historique.

En fin 2007 nous avons acquit grâce à un ami Suisse (Steve Aeschbacher) un petit groupe de jeunes Triglachromis au nombre de 5, la cohabitation avec de jeunes Cyprichromis de taille équivalente à bien commencée… Une journée… le lendemain un des Triglachromis avait la queue d’un malheureux Cyprichromis qui lui dépassait de la gueule ! … Séparation immédiate !Quelques temps après un mal, inexpliqué au départ, commençât à faire « tourner » l’eau de nos bacs, en commençant par celui des Triglachromis.
La chaîne cichlidophile est ainsi faite qu’un autre cichlidophile ayant vent de notre mésaventure, nous proposa sont trio sauvage adulte !!! Nous ne remercierons jamais assez Sébastien Ancelin pour ce geste.
Ils trouvèrent immédiatement place dans un aquarium de 450 litres où ils se sentirent immédiatement à l’aise.
Des a priori par rapport aux expériences connues ne laissait guère présager d’un avenir radieux et pérenne avec eux.
Très peu de reproductions ayant réussies ou abouties depuis bien longtemps.
Internet permettant la circulation rapide d’informations, nous sommes tombés sur des photos explicites retraçant le parcours d’un couple et de sa progéniture. Les photos faites par Angel M. Fitor* qui, chez lui, avait réussit cette prouesse, mais surtout en avait extrait des séries de clichés de toute beauté. Excitant ainsi notre « appétit », quand à cette maintenance rêvée, il nous apprit qu’il avait maintenu le couple durant deux années avant cet heureux événement…Nous étions donc préparés à une attente pouvant durer quelques années, sans aucune assurance de réussite.
Assez rapidement le troisième spécimen s’est retrouvé relégué dans un petit coin du bac, le temps passant les deux autres devinrent de plus en plus agressifs avec lui (un mâle), il arriva même un jour où il lui interdire totalement l’accès au reste du bac…Quelques temps après (3 mois environ), un matin, j’entrais dans le locarium, pour la petite visite, distribution de nourriture aux alevins etc. !

Que vois-je !?

La femelle trônant au milieu du bac, la cavité buccale distendue !!!

Même pas le temps de l’impatience et du désabusement qu’un rêve se réalisait. Il faillait maintenant que cela tienne jusqu’au bout, et elle tint bon, mais cela est relaté dans le paragraphe consacré à la reproduction de Triglachromis otostigma.
Tout d’abord intéressons nous à son nom, la racine en est Trigla, ce poisson ressemble fort au Grondin (Trigla). Alors est-ce que Regan lui a trouvé une ressemblance avec le poisson marin, ou bien a-t-il su que sa biologie était très proche ? A-t-il remarqué que les derniers rayons des nageoires pectorales n’étaient pas reliés par une membrane, et pouvaient être tactiles comme chez notre Rouget ?
Non, ce n’est pas lui, Le genre Triglachromis fut décrit en 1974 par M. Poll et D. Thys van den Audenaerde du Musée Royal d’Afrique Centrale de Tervuren (Belgique). Ils indiquèrent clairement comme singularité morphologique, les nageoires pectorales qui, à l’image des pelviennes des Grondins de nos océans, ont des rayons de ces nageoires spécialisés, et semble-t-il tactiles (pour ne pas dire sensitifs). En effet, le dernier rayon s’est allongé plus que ses précédents, et notons que dans la description du genre, il est fait mention que Triglachromis (description du genre) ne semble pas utiliser ces nageoires pour la recherche de nourriture, mais il est clair qu’ils sont mis à contribution, nous verrons cela dans le paragraphe consacré à la nutrition.
Description/dichromisatisme:
Cette espèce est en tout point remarquable, cela commence par une nageoire dorsale interminable, dont chaque rayon dur est terminé en pointe acérée, un dos « terre de Sienne » lors des phases d’excitation, des barres obliques d’un bleu nacré tranchant sur se fond sombre, une caudale en forme de palette oblongue, des pelviennes terminées en filaments démesurés, voilà à quoi ressemble cette merveille esthétique.
Une bouche immense comme un godet d’excavatrice, permettant de pelleter le substrat et de garder de bonnes flopées de larves…

Nous avons affaire à un incubateur buccal bi-parental. Comme il faut des exceptions… une marque distinctive nous permet de différencier les deux sexes, en effet la femelle a le premier rayon dur de sa nageoire dorsale pigmenté de noir, les deux suivants le sont aussi plus ou moins.


Je suis arrivé à cette conclusion après observation d’autres couples formés, et pour valider cette remarque en plus des nos Triglachromis. J’ai donc indiqué à chaque fois qui était la femelle et qui était le mâle (couples reproducteurs), ainsi chez Mike Pfann et Heinz Büscher, j’ai pu séparer clairement les deux sexes. J’avais également demandé à Angel M. Fitor qui en maintenait en Espagne.

La maintenance:
Ce cichlidé n’est pas des plus calme, et il faut noter son agressivité, aussi bien intra-spécifique, que inter-spécifique. Peu de poissons sont aptes à résister à la charge coordonnée d’un couple sur son territoire, il faut donc bien penser la cohabitation.
Mais avant tout, c’est l’aménagement de l’aquarium qui devra avoir la priorité.
Triglachromis otostigma, dans le milieu naturel creuse des galeries dans les sédiments compactés et le fond devient « une garenne » avec ses « terriers »… Comment savoir la densité de ces « terriers », un couple occupe quel espace par rapport à son voisin etc. Que d’interrogations qui doivent naturellement trouver réponse en les observant dans le lac.
Pour plus de précisions, nous avons posés ces questions à Ad Konings ; ce dernier nous a aimablement répondu que cette espèce vit donc assez profondément, qu’effectivement les couples semblent créer des dédales de galeries. Des sorties multiples, de l’ordre de la douzaine, sont observables et occupent un rayon d’environ 2 à 3 mètres. Quand à la densité de spécimens, l’eau étant très opaque cela est difficile à définir. Ad Konings nous signale aussi que l’espèce est assez rarement rencontrée.
Difficile de parler de la sociabilité réelle de cette espèce car dans nos espaces confinés, il est délicat (voir utopique) de recréer un milieu parfaitement adéquat pour les poissons. Disons que tant qu’ils sont en groupe, leur agressivité est inexistante ce qui tendrait à dire qu’ils sont des êtres sociaux.
Nous devons leur fournir une bonne épaisseur de sable, dans laquelle seront enfouis des galets, puis il faut poser dessus de grandes pierres plus ou moins plates. Rapidement ils prendront la mesure du labeur et leur travail de sape commencera…
Avec eux il ne faut pas espérer une seule seconde avoir un « joli décor », ce sont eux qui vont le modeler !
L’excavation sous les pierres est rapide et impressionnante, par grandes bouchées, ils entreprennent de nettoyer les dessous… Les amoncellements de sable sont fait dans les coins et surtout côté vitre frontale, à croire qu’ils n’aiment pas la tête de leurs hôtes et font tout pour cacher cette vision d’horreur !
Il faut vraiment que les pierres soient stables, pas besoin d’en entasser les unes sur les autres, au contraire. Une fois le substrat dégagé, ils auront tendance à vivre au dessus, prenant un peu de hauteur pour surveiller les environs.

J’ai volontairement omis de mettre des tuyaux ou autres tuiles, et briques, dans le bac, des expériences faites avec ce genre de matériel s’étant avérées souvent stériles, des éléments naturels m’ont semblé plus appropriés.

Cette espèce vit donc sur les zones à substrat vaso-sédimentaire et Max Poll rapporte que les contenus stomacaux contiennent de la vase, des diatomées géantes de type Surirella, et divers débris indéterminés.

Sans oublier ça grande capacité à la prédation, tout comme son « cousin » Gnathochromis permaxillaris.

Venons en à la manière, aux manières, dont se nourrit Triglachromis.
Comme on peut donc le voir sur la photo suivante la structure des rayons et de la membrane des ventrales est singulière. La partie terminale des rayons n’étant pas reliée de bord à bord comme c’est généralement le cas chez la majorité des poissons, cela confère une allure de « peigne » aux nageoires. Les deux derniers rayons étant même libérés d’attache, ils semblent un peu plus « indépendants » du reste de l’organe.

Pour pouvoir bien observer comment ils se nourrissent, rien de tel qu’une distribution de nourriture sous forme de poudre. Mis à part le fait qu’ils arrivent très bien à grappiller quelques particules en pleine eau, ils descendent rapidement au sol, et commencent leur manège.
Ils viennent plaquer leur ventre au substrat, et commencent à ramer à reculons avec leurs pectorales, délicatement ils vont « palper », sentir, puis voir et ingérer les éléments nutritifs, le mouvement des nageoires soulevant les particules.

Il semble également, qu’ils détectent la valeur nutritive d’un élément sans le voir, et lors d’un mouvement de recul il est possible de les voir, tout à coup, baisser la tête, ouvrir en un large déploiement leur bouche pour aspirer un élément au moment ou il arrive au bord du maxillaire inférieur (tel un « aspirateur »). Sans faire de conclusion hâtive, il nous apparaît donc que le poisson a détecté sans le voir quelque chose d’intéressant à manger, de là à dire que ses ‘barbillons’ ventraux sentent la nourriture…

Ils peuvent ratisser de manière douce, mais en présence de congénères, ils vont se transformer en gnomes hallucinés qui reculent/brassent/ingèrent, reculent/brassent/ingèrent, reculent/brassent/ingèrent et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de nourriture à se mettre sous la dent. Cette sarabande semblant anarchique, mais bien sûr il n’en n’est rien, et chaque geste, mouvement est calculé pour que ce ne soit pas le voisin qui profite de la denrée.

 

La reproduction de Triglachromis otostigma:
Une espèce mythique, voilà un terme approprié pour ce cichlidé, en effet durant plusieurs années nous avons pu être les spectateurs des déboires de certains avec cette espèce. Quand je dis mythique, je pense à notre passion, un de ses buts est aussi de pérenniser une souche, donc d’avoir des reproductions que nous pourrons diffuser lors des réunions et bourses, de l’AFC bien sûr. Il existe donc quelques espèces dont la reproduction s’est avérée hypothétique j’en veux pour preuve Neolamprologus sexfasciatus, le bleu de Zambie dont une part de la biologie nous échappe tellement que personne n’a encore trouver le(s) paramètre(s) manquant(s) pour obtenir ne serait-ce qu’une ponte (aux dernières nouvelles…). Citons aussi Benthochromis tricoti qui n’est pas des plus simple. Apparemment Haplotaxodon spp. est dans le même cas, et obtenir des reproductions de ces espèces est devenu, au fil du temps, un mythe. Sans trop savoir où aller, nous les avons donc installés comme expliqué plus haut, et l’attente commença…

Chaque jour amenant un peu plus de suspicion, la confiance s’étiolant petit à petit, regarder ce bac « stérile » devenant, au fur et à mesure, une torture quotidienne, une flagellation morbide, un sacrifice offert au panthéon de la cichlidophilie… Houlà nous nous égarons ! Bref, mis à part quelques parades, quelques courses poursuite après le mâle célibataire, rien de bien d’intéressant ne se passait dans ces 1.50 cm de façade. Mais un jour……

Après une absence de trois jours, j’entrais dans le locarium, pour faire une petite tournée de nourriture, après ces trois jours de jeun forcé. Passant d’un bac à l’autre je regardais, plus ou moins machinalement, si tous se portaient bien… Je distribuais aussi aux Triglachromis, et là au moment où mes yeux allaient quitter la vitre, mon œil fut irrésistiblement attiré par une « erreur », en une fraction de seconde ma tête retourna vers le poisson qui trônait en plein centre du bac ! Et là ! Que vis-je ! La gorge gonflée du mâle en incubation ! Je poussais un cri (iiiiiiiiiii !!!!!!!!!), eu une extrasystole ! Frôlais la tachycardie ! Pour finir par exulter de bonheur !
Je courrais jusqu’à l’appareil photo et fit une série de clichés dont voici le premier !


Un vrai bonheur, et comme le bonheur ne vaut vraiment que s’il est partagé, je postais immédiatement, voir « Triglachromis sur Cichlidsforum » une série de photos.
La seule chose que je connaissais sur leur reproduction, c’était qu’ils étaient incubateurs buccaux bi-parentaux, ovophiles cela vas de soi. Il fallu donc commencer à observer, comment se passait cette période de leur vie, nous allons de ce pas, vous conter la partie la plus intime de la vie de Triglachromis otostigma.

Comme tous les cichlidés Triglachromis a un langage corporel, et cela est très marqué lorsque les deux partenaires doivent se repasser œufs ou larves. Une posture type permet à celui qui est en garde, de prévenir l’autre qu’il désir être libérer du fardeau. Commençant à battre vite des pectorales, il se redresse, caudale vers le haut, corps légèrement arqué.

Cette position parait logique afin de faire affluer les petit œufs, dont la taille est d’environ 2.5 mm de long, vers l’ouverture de la bouche et pour faciliter le transfert de l’un à l’autre. De manière plus ou moins harmonieuse, ils se repassent ainsi leur progéniture, parfois toutes les 5 minutes, parfois après plusieurs heures, cela a été jusqu’à trois jours maximum.

Le développement des œufs est assez rapide, et les larves sont observables dès trois jours après la ponte.


Le lendemain les yeux sont déjà très visibles, la croissance est donc assez rapide.
Au bout de 7 jours, la nage est libre et les parents commencent à les lâcher dans le milieu, mais s’empressent de les récupérer en bouche au moindre mouvement suspect à proximité.

Après 8 jours ils sont déjà bien formés et les parents continuent la garde rapprochée, et se les partagent pour la nuit, conservant chacun une part plus ou moins égale dans leur cavité buccale.

Lors de la première garde, nous avons laissé le troisième individu dans le bac, et à partir du moment où les parents ont laissés les jeunes libres la nuit, nous avons rapidement constaté une diminution du nombre d’alevins. En allumant la lumière aux heures nocturnes, force fût de constater que le troisième larron était en chasse, à tâtons dans le noir. Nous avons donc décidé d’en capturer une partie, et de laisser l’autre aux parents, au cas où la disparition totale du fretin aurait provoquée un « divorce ».
Deux jours après il n’y avait plus aucun alevin dans le bac …
Le groupe séparé reste encore à l’heure actuelle, un sujet d’émerveillement, le comportement des jeunes est très diversifié. Aucune agressivité entre eux n’est observée.

On sent à leur comportement une tendance à la « meute », dès qu’un bouge de manière un peu anormale, les autres accourent immédiatement pour voir ce qu’il en ait. Si la nourriture est le stimulus de ce mouvement tous accourent, et c’est la curée, tels de jeunes requins fondant sur une proie.

Au bout de quelques semaines on peut apercevoir un ocelle qui apparaît sur les rayons mous de la dorsale. D’aucun ayant pensé qu’il pouvait s’agir d’un dimorphisme sexuel précoce. Il n’en n’est rien, tous les jeunes en sont affublés sans exception.

Par contre à l’âge de huit mois, il est clair que les femelles arborent déjà leurs rayons noirs dans la dorsale.
J’ai rarement vu une espèce ayant cette vitesse de croissance, en 8 mois les plus gros atteignent les 6 cm. !
La quantité de jeunes est aussi assez conséquente, j’ai ainsi pu dénombrer une ponte (par pointage sur photo), elle comportait près de 250 post-larves, Heinz Büscher m’ayant dit qu’il avait pu observer des pontes d’au moins trois cents alevins ! Triglachromis est donc une espèce des plus prolifique.

Conclusion:
Triglachromis avec sa tête de « boxeur » est donc un sacré caractère, relativement peu sociable dès qu’une ponte est en vue, mais pouvant ne pas tenter de pérenniser si il n’est pas au calme. Il semble improbable qu’il mène à bien une incubation si il est maintenu avec d’autres espèces, ou d’autre congénères. Voir si deux couples peuvent cohabiter dans un volume plus conséquent que 450 l.Le couple dont il est question dans cet article a subit un bien triste sort, j’avais commencé à mettre un peu d’une solution de iodure de Potassium dans l’eau afin de limiter l’apparition de goitre. Pour une raison que j’ignore encore, une réaction s’est faite dans l’eau qui a tuée les poissons. D’abord dans plusieurs bacs, et j’avais imputé l’hécatombe aux « sels Tanga » et une incompatibilité avec l’eau, mais force fût de constater que c’était bien l’adjonction de ce sel qui, au bout d’une dizaine de jours, tuait les poissons et de manière fulgurante (chute du taux d’oxygène ?). Évitons donc de jouer aux apprentis sorciers… !
La singularité de cette espèce en fait un hôte de choix pour un passionné des cichlidés du Tanganyika, si vous avez un bac de libre je vous le conseille.

Je tiens tout particulièrement à remercier, Ad Konings, Heinz Büscher pour leur partage d’expériences in situ, et Evert van Ammelrooy pour son partage.

 

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