Plonger avec des Benthochromis

Plonger avec des Benthochromis

Benthochromis horii

Plonger avec des Benthochromis horii
Un rêve inégalé

Benthochromis horii

D’après Eric Genevelle (janvier 2001)
(ndlr: révision des noms d’espèces)

Le rêve d’un Tanganyicophile, c’est de se rendre au lac Tanganyika. Pour celui qui est sur place, quand on lui demande quel poisson il aimerait bien voir, c’est à coup sûr l’inabordable Benthochromis horii. Aujourd’hui, je suis comblé. Il y a trois heures à peine, j’étais avec eux. La scène se passe à Kapata, situé dans la baie de Chituta, Zambie.

A environ 1km au Nord du village se dresse une muraille rocheuse qui plonge dans le lac. En bas de la falaise, un éboulis rocheux très abrupte laisse présager ce que nous allons trouver sous la surface. Le ciel est nuageux et l’eau semble noire. Du bateau, j’aperçois déjà le ballet bleu des Ophthalmotilapia ventralis qui paradent tous les deux mètres avec l’extrémité jaune de leurs palettes qui brille intensément. La descente est rapide et à 15 mètres du rivage, la profondeur affiche 20 mètres.

Devant moi, un banc de Cyprichromis zonatus en train de se nourrir de plancton, un couple de Neolamprologus sexfasciatus bleu et dès les 20 m dépassés, les premiers Cyphotilapia frontosa. Leur parure de bagnard contraste dans l’eau sombre et nul besoin d’allumer la torche pour apprécier l’animal. Nageant au milieu des frontosas, des usurpateurs nombreux se mêlent aux groupes. Ce sont des Perissodus straeleni qui arborent le même patron rayé que les Cyphotilapia. Ils utilisent ce camouflage pour s’approcher de leurs victimes pour leur voler quelques écailles. Je n’assiste cependant pas à la scène.

Cyphotilapia gibberosa

Cyphotilapia gibberosa.

Perissodus straeleni

Perissodus straeleni.

Mais bien vite mon attention est détournée par le plongeur qui m’accompagne. Il ponte quelque chose en pleine eau avec son doigt. Oui, ce sont bien eux, des Benthochromis horii. Deux mâles splendides avec de longs filaments à la caudale et qui se font face. Ils se tournent autour avec virtuosité puis se mordent violemment. L’instant est fugitif et je prie dans ma tête pour que la photo soit bonne. Cependant, malgré la bagarre, impossible de les approcher à moins de 2 mètres. Ils planent à environ 1,5 mètres du sol et vous tournent autour à distance respectueuse. C’est à vous donner le tournis. Les femelles sont plus farouches et nagent à plus de 5 m de moi, plus proches du substrat rocheux, comme si elles se voulaient plus discrètes.

Benthochromis horii Benthochromis horii

Benthochromis horii

Elles nagent en petits groupes de 4 ou 5. Il semble que les territoires des mâles soient relativement vastes, environ 20 mètres carrés, mais ce n’est pas loin de 30 Benthochromis qui se présenteront devant mes yeux éblouis. Coup d’œil rapide au profondimètre : 25 m. Moi qui croyais que cette espèce vivait plus profonds et ne remontait que vers les fonds accessibles aux plongeurs amateurs que pendant la nuit, je vais réviser mes classiques. Je prends cap au Sud pour y trouver, selon mon hôte, des Paracyprichromis nigripinnis. A 30 m de fond, le sable. Je décide donc de longer la paroi rocheuse à la limite de la zone sablonneuse.

D’autres Cyphotilapia gibberosa que l’on approche à moins de 50 cm. Ils semblent ne craindre personne.

Puis d’énormes Altolamprologus compressiceps bruns aux pectorales rouges. Entre les petits blocs de pierre, j’aperçois des Neolamprologus buescheri de belle taille, un petit Synondontis multipunctatus qui parade devant la lumière du phare. Ça et là, des bancs d’environ 20 Haplotaxodon microlepis à 2 m du sol qui nagent au sein des bancs de Cyprichromis, puis les premiers Paracyprichromis nigripinnis.

Paracyprichromis nigripinnis

Paracyprichromis nigripinnis

Je cherche alors des grottes et parois rocheuses en surplomb et tombe alors sous le charme. Ils sont là par centaines, collés à la roche, offrant à la lumière du phare leurs irisations rouges et bleues. Leur surnom de « Blue Neon » prend ici toute sa signification. Ils ne sont pas craintifs et se laissent approcher facilement. Seul un geste brusque de ma main parvient à les faire décoller du substrat rocheux vertical.

Mastacembelus moorii.

Mastacembelus moorii.

Je longe la paroi et tombe sur une petite faille de 50 cm de long sur un peu moins de 10 de hauteur. Je glisse un œil à l’intérieur dans l’espoir d’y faire une découverte. On ne sait jamais, la chance sourie aux curieux. Pendouille alors du plafond de la crevasse la gueule menaçante d’une Mastacembelus moorii dont la longueur totale doit bien avoisiner les 50 cm. Elle chasse à l’affût et attend son heure. Elle profite alors de mon intrusion dans la zone et du dérangement que cela occasionne pour se jeter en un éclair sur un Blue Neon. Raté. De peu. Elle reprend alors sa position dans son trou et attend qu’une autre proie passe à proximité. Je la laisse, elle arrivera à ses fins plus facilement sans moi.

Je continue mon chemin et observe de près le dessus des petits blocs rocheux. En plongée, on ne peut tout voir en un seul coup d’œil. Il faut s’imposer des priorités. A un moment, on inspecte dans les grottes, plus tard entre les failles, puis en pleine eau, puis sur les rochers. C’est de cette façon que l’on a le plus de chance de ne pas passer à côté d’une espèce.

Au travers du masque, le champ de vision est faible. C’est pour cette raison que l’on peut plonger 20 fois à un même endroit et y découvrir à chaque fois de nouvelles espèces. Je surveille donc le dessus de la roche et m’applique à observer les moindres reflets suspects. Au bout de 5 minutes, une autre merveille : Un couple de Xenotilapia sp. sunflower semble glisser sur la fine couche de sédiments déposée sur la roche. Même à cette profondeur, le jaune de leur nageoire brille abondamment. Sur la rive opposée de la baie de Chituta, cette même espèce possède des petites tâches noires irrégulières sur la dorsale. Ici, c’est le jaune qui règne. Ils picorent les sédiments pour en extraire les invertébrés puis recrachent délicatement la vase par les ouïes. A la manière des Julidochromis, ils ne quittent pas la roche, restant à 1 cm au-dessus du sol. De temps à autre, ils sautent sur une autre roche, comme à regret. En aucun cas ils ne se déplacent sur le sable, comme les quelques Xenotilapia flavipinnis qui patrouillent en contrebas.

Xenotilapia sp Sunflower Kapata

Xenotilapia sp. sunflower Kapata.

Xenotilapia sp. sunflower Isanga.

Nous remontons légèrement la pente et tombons sur un filet de pêche qui a du être perdu quelques jours plus tôt. Des petits Lates stappersii sont prisonniers de dans et les crabes sont déjà à l’ouvrage. D’autres Cyphotilapia gibberosda s’intéressent aussi à cette manne providentielle. Cette nuit, les Mastas et autres poissons chats finiront le travail.

Paracyprichromis brieni.

L’ordinateur de plongée me fait signe que si je continue à cette profondeur, il va falloir songer à effectuer des paliers de décompression. De plus, mon compagnon commence à avoir un peu froid. Nous entamons alors notre remontée sur le tombant, histoire de saluer une dernière fois les Benthochromis horii. Ils seront là, fidèles et majestueux, mais toujours inapprochables. A 10 mètres, je rencontre quelques Neolamprologus mustax orangés avec le menton blanc. Ceux de Mbity Island, à environ 10 km de là, sont beaucoup plus jaunes et semblent préférer les zones moins profondes de l’habitat. Ils patrouillent en solitaire entre les roches à la recherche d’invertébrés, à la manière des Neolamprologus leleupi, plus courants en aquarium. A 3 mètres de profondeur, la pose est de rigueur au milieu des bancs épars de Lamprichthys tanganicanus. Curieusement, il n’y a ici que des mâles, les femelles doivent s’être regroupées en pleine eau un peu plus loin de la côte. Les mâles sont très agressifs et préservent des autres congénères un territoire de plus de 4 m3. Entre les petits galets qui jonchent le sol, quelques couples d’Eretmodus cyanostictus mouchetés de bleu. Ils bougent sans arrêt et semblent jouer à cache-cache avec mon appareil photo.

Mon compagnon me montre alors un superbe couple de Lepidiolamprologus kendalli. Il me reste une photo à prendre. J’essaie de m’approcher mais ils s’éloignent vers les zones plus profondes de l’habitat rocheux. Avant de m’avancer, je regarde le profondimètre : 4m. Ce n’est pas raisonnable pour la décompression. J’abandonne. Mais je reviendrai, pour eux et pour les Benthochromis. L’avenir me dira que j’aurai du insister. Je suis retourné deux autres fois à cet endroit magique et aucun Lepidiolamprologus kendalli daignera pointer son nez. Quant-aux Benthochromis, même si j’ai pu en entrevoir les formes, l’eau n’était pas des plus claires pour pouvoir en profiter pleinement. Mais vous devez avoir raison, je devrai avoir honte de me plaindre…

Cyphotilapia gibberosa.

Benthochromis horii.

Espèces rencontrées à cet endroit

  • Mastacembelus platysoma
  • Altolamprologus compressiceps
  • Altolamprologus sp compressiceps Shell
  • Asprotilapia leptura
  • Benthochromis horii
  • Mastacembelus moorii
  • Cyphotilapia gibberosa
  • Cyprichromis leptosoma (2 formes)
  • Cyprichromis sp leptosoma Jumbo (2 formes)
  • Cyprichromis zonatus
  • Eretmodus cyanostictus
  • Haplotaxodon microlepis
  • Lamprichthys tanganicanus
  • Lepidiolamprologus elongatus
  • Lepidiolamprologus kendalli
  • Lepidiolamprologus lemairii
  • Limnochromis dardenni
  • Lobochilotes labiatus
  • Neolamprologus buescheri
  • Neolamprologus cylindricus
  • Neolamprologus mustax
  • Neolamprologus pulcher
  • Neolamprologus savoryi
  • Neolamprologus sexfasciatus
  • Paracyprichromis brieni
  • Paracyprichromis nigripinnis
  • Plecodus microlepis
  • Petrochromis macrognathus
  • Interochromis loocki
  • Plecodus straeleni
  • Tropheus moorii
  • Xenotilapia flavipinnis
  • Xenotilapia boulengeri
  • Xenotilapia sp Sunflower
  • Bathybates fasciatus
  • Oreochromis tanganicae

 

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