Telmatochromis vittatus

Telmatochromis vittatus

Telmatochromis vittatus Boulenger 1898.

Introduction:


Telmatochromis vittatus a été décrit à partir de types originaires de Mbity (Mbita pour les anglophones). Son comportement est plus axé vers la « colonie familiale », il se rencontre en petites troupes, dans les rochers ou bien dans la proximité d’amoncellements de coquilles de Neothauma..

Description:
Cette espèce du groupe des Lamprologiens a un corps caractéristique, élancé, légèrement « voûté ». Une bande brun foncé traverse son corps partant de l’arrière de l’oeil et finissant à la base des rayons de la nageoire caudale. Une autre bande noire est visible à la base de la nageoire dorsale, mais pas en permanence, selon l’humeur du poisson, elle peut disparaître ou apparaître par petites sections. La tonalité générale de la livrée étant crème à beige. Une pigmentation jaune apparaît aussi sur les individus adultes, en particulier un cercle autour de l’oeil. Un masque foncé orne le dessus de la tête comme tout les Telmatochromis de ce complexe (T. sp. Congo, T. brichardi, T. bifrenatus, ou d’une autre manière Chalinochromis spp.. Un caractère propre à l’espèce, est la taille proportionnelle de l’oeil qui est petit comparé à Telmatochromis brichardi.

Un gros mâle approche allègrement les 10 cm, chez les femelles, la taille ne dépasse pas les 6/8 cm, le dimorphisme est donc bien marqué, et ce relativement tôt dans la vie de ces poissons.

Maintenance:

Maintenir cette espèce en couple serait à mon avis une erreur et cela priverait l’amateur d’observations, de plaisirs des yeux, les N°1 et les « satellites »… Bref toute une vie réglée, où chacun connaît sa place, la respecte, et ainsi, peu de violence physique est à déplorer, et c’est donc un plaisir de voir vivre ces relations équilibrées.

Le mâle dominant est toujours le plus gros spécimen, et il chapeaute sa troupe en permanence, étant sûr de son fait, il permet donc à d’autres mâles (moins élevés hiérarchiquement) de vivre en « périphérie » de ce rassemblement familiale. Qu’ils soient frères ou non ne change rien.

Pour l’exemple, je vais vous décrire la maintenance d’un groupe composé au départ de deux mâles et deux femelles dans un bac de 450 litres, d’une surface de 150 x 60.

Son décor se compose comme suit. Un éboulis de roches plutôt grosses (10 à 20 kg), au centre jusqu’en surface, sur les côtés des amas de coquilles diverses -valves de moules du lac Tanganyika, coquilles de Neothauma tanganicense et coquilles de « bourgognes »-, et de bons tas d’éclats de pouzzolane -calibre de 3 à 5 cm-. Leurs colocataires actuels sont un Lepidiolamprologus boulengeri, un petit groupe de Synodontis petricola (juvéniles et sub-adultes).
Au départ ils étaient 4. Les deux premières pontes n’ont pas été isolées, et seul un alevin de chaque frai a survécu à l’abri de la décantation. Ces deux jeunes ont maintenant rejoint la troupe, et tout se passe naturellement bien. Le premier ayant atteint la maturité il s’agit d’une jeune femelle visiblement. En fait, avec cet agencement, la préférence va au côté gauche de l’aquarium où la densité en coquilles diverses, éclats de pouzzolane est plus importante qu’à droite.

Bizarrement c’est ce petit agrégat qui à la préférence du dominant et de sa femelle attitrée. La surveillance devant en être simplifiée par rapport aux incursions incontrôlables des Synodontis qui, même s’il n’ont aucune velléité prédatrice, n’en sont pas moins envahissant lors des distributions de nourriture, ou bien lors de leurs courses poursuites effrénées tout autour du bac!

Régulièrement des intimidations groupées sont observables. C’est à dire que tout le monde se retrouve en un point donné du périmètre… Et ce ne sont que nageoires déployées, tournicotages, petites poursuites, mais jamais de morsures etc. durant quelques secondes, puis tout le monde sépare et retourne vaquer à ses occupations. Vivant la plupart du temps le long du substrat, leur déplacements glissés leur donne une allure particulière, à coups de nageoires pectorales, ils se déplacent très lentement, au point que parfois on peut se demander si ce n’est pas un courant d’eau qui les déplace latéralement de la sorte, Chalinochromis usant également de ce genre de mouvement.

Cette espèce est très rapide, très prompt à se dissimuler dans les caches de l’aquarium (entre les rochers, ou sous les valves de moules, jamais dans les coquilles présentes), il est illusoire de vouloir en capturer un arrivant avec son épuisette et en la plongeant dans l’eau . Le photographier n’est pas non plus une sinécure, dès qu’un objectif apparaît il perd son bon naturel et il faut s’armer de patience pour obtenir quelques clichés intéressants de ce sauvage !

Ceci dit, il est passionnant de voir vivre un groupe, celui-ci est actuellement petit, mais il s’étoffe, et d’autres observations seront faites par la suite. Si cela vaut le coup, cet article sera enrichi d’observations nouvelles, dans les temps à venir. Deux pontes entières ayant été conservées, deux ou trois petits de chacune iront grossir les rangs de cette « colonie familiale » dès que leur taille le permettra.
La hiérarchie des femelles est aussi très marquée, et leurs relations peuvent être parfois houleuses, surtout lorsque la dominante devient gravide, devant choisir pour son lieu de ponte, la concurrence devient forte, jusqu’à présent je n’ai jamais vu deux femelles prêtes en même temps, les pontes sont toujours alternées, ainsi que la dominance visiblement.

 

Reproduction:
Il vous faut au moins un couple pour que la réussite soit au rendez-vous … Bon d’accord vous vous en doutez.

Un joli trio de Telmatochromis vittatus (remarquez le dimorphisme).
Avoir le choix du site de ponte, voilà la priorité, il faut qu’une femelle pleine puisse choisir le lieu adéquat pour la dépose de son frai, un choix multiple s’impose -au cas où- en commençant par les pierres, un entassement, quelques pots de fleur cachés, ou petit pot à nourriture avec le couvercle percé, et pour finir une multitude de coquilles -ce qui ne signifie en aucune manière que nous ayons affaire à un conchylicole-.
Comment savoir qu’une ponte est imminente ?
Tout d’abord en observant régulièrement l’abdomen de la/les femelles, en effet il est facile de se rendre compte que petit à petit celui-ci s’arrondit, s’enfle et se distend sous l’effet de la maturation des ovules de plus en plus nombreuses. Ensuite le mâle -supposons le dominant- a des accès de folie et, tout comme ses cousins Telmatochromis sp. congo, il est capable d’une « danse » virevoltante et effrénée que notre regard a des difficultés à suivre, le « Jerk » !
À bien y regarder, cette « danse » n’est pas si désordonnée que ça, car le centre et le point final en est une coquille, sa situation stratégique en a certainement fait le point que le mâle considère pouvoir surveiller avec le moins de stress possible. Donc un endroit relativement peu accessible directement, par des prédateurs potentiels, avec la possibilité de conserver un œil sur la coquille. Il faut que la femelle l’accepte, c’est pourquoi la multiplicité des choix est importante.
Comment savoir si la ponte a eu lieu ?
Tout simplement en constatant un jour qu’on ne voit plus la femelle, que durant plusieurs journées il est bien difficile de savoir où cela a pu se produire tant sa garde des œufs est rapprochée. Puis avec un peu d’exercice on apprend à voir les signes. Le mâle posé au fond, ne bougeant que très peu, parfois il frétille de la nageoire pour éconduire un jeune importun, parfois c’est pour poursuivre le second mâle qui c’est approché trop près du secteur. Un imperceptible mouvement de la caudale lui permet d’aller cueillir une paillettes à la spiruline…
Au bout de quelque jours on commence à cerner l’endroit où se trouve LA coquille, il lui arrive de s’approcher de l’ouverture d’une spire et de commencer un drôle de manège (qui est partager par pas mal de Lamprologiens) et qui consiste en un mouvement oscillatoire très rapide et latéral de la tête, ce qui provoque évidemment des ondes particulières dans l’eau et qui peut être assimilé à un langage (?) sinon un moyen de communication propre au milieu. Après un certains temps donc, sa garde se relâche un peu et la femelle peut être aperçue pointant le bout du museau hors de la coquille, au bout de huit à neuf jours les larves commencent à être mobiles, mais n’ont pas encore fini la résorption du vitellus, ce n’est qu’aux alentours de 15/20 jours après la ponte qu’ils vont sortir. Cela se traduira par des sorties de moins en moins farouches de la mère, puis on peut avoir le plaisir de les distinguer dans la dernière partie de la coquille, observant le monde de cette petite lucarne et se disant « quand faut y aller, faut y aller »…, cette phase va durer 2 à 3 jours.
Au matin du troisième jour la coquille a été désertée. Si vous avez pris soins de la mettre dans un autre bac, dans les derniers temps vous aurez droit à un spectacle fascinant de ces petites virgules décollant et se reposant après avoir happées une particule de poudre ou un micro-vers que vous aurez distribués, ainsi d’une bonne trentaine à une cinquantaine d’alevins sera votre récompense (un plus grand nombre est certainement possible).

Bien nourris ils approchent les 2 cm au bout de deux mois.

Bien nourris ils approchent les 2 cm au bout de deux mois,

la maturité étant atteinte vers 12 à 15 mois.
Pendant que j’écris cet article une ponte viens d’avoir lieu avec la deuxième femelle, le mâle dominant fécondant à son tour.
Le mâle dominé n’hésitant pas à venir rompre la quiétude de l’instant pour tenter de féconder « à la sauvage », une partie du frai.
Mais le maître de séant l’envoie paître régulièrement, parfois par une simple parade, parfois en le poursuivant, un jeune mâle tente également de faire une percée, mais de la même manière il est renvoyé à ses « chers études ».

Un article paru dans l’An cichlidé 2006*, indique la possibilité d’inhibition de la reproduction par les « Alpha », en effet il est possible lors de la « reconstitution » d’un groupe comme celui-ci, d’avoir ces comportements remarquables. En l’occurrence, ici, la femelle « Alpha » avait été séparée du groupe et placée dans un autre aquarium, afin de pouvoir récolter sa ponte (dans une coquille). Durant ces quelques jours une autre femelle (bêtâ ?) avait gravit les échelons de la hiérarchie. Très rapidement une ponte a eu lieu (voir photos du mâle fécondant ci-dessus). Le lendemain de cette ponte « Alpha » fût remise dans l’aquarium, le lendemain il était évident que la ponte avait disparue, et en mirant la coquille il s’avéra que les œufs n’y étaient plus, certainement dévorés par la femelle dominante.


Conclusion:
Telmatochromis vittatus est donc un bellâtre, qui aime parader, il sait se faire respecter et aime les espaces relativement découverts, chez cette espèce la tendance végétarienne de ses cousins est moins marquée, il est sociable tout en étant autoritaire.
En bac spécifique de 200 litres, un mâle et deux ou trois femelles (avec quelques jeunes qui grandissent), vivront très bien, il faudra juste penser à faire suffisamment de havres de tranquillité où les femelles pourront se soustraire aux ardeurs du mâle.

sur Cichlidsforum, topic unique Telmatochromis vittatus.

Remerciements à Eric Genevelle et à Tim Nurse pour leur documents incontournables,
lorsqu’on parle et que l’on veut faire connaître le lac Tanganyika.
*Laurent Picot (L’An Cichlidé 2006 p. 53 à 58).

 

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